Frédérick Bouffard, un comédien qui a obtenu son diplôme du Conservatoire d'art dramatique de Québec en 2000, qu'on a pu voir dans une vingtaine de productions, notamment au Trident, à la Bordée et au sein du Théâtre des Fonds de Tiroirs, m'a fait parvenir un texte que je trouve pas mal intéressant sur la critique de théâtre et la manière dont les créateurs composent ou devraient composer avec elle. Il y a là des questions fondamentales qui s'adressent aux artistes comme aux critiques. Dites-moi donc ce que vous en pensez. Photo Matthew Fournier.
Assumons la critique
Certains d'entre nous qui pratiquons le métier de comédien, metteur en scène ou scénographe, critiquent souvent la critique. Combien de fois ai-je entendu à la suite d'une critique négative: «Ce critique est un incompétent, il n'a pas compris l'essence du spectacle.» et combien de fois aussi à la suite d'une critique positive: «Enfin un critique compétent qui comprend ce que nous avons proposé.»
Certes, ce n'est pas tous les critiques qui sont compétents et leur pouvoir de parole peut causer bien des torts. Ne disposant pas des fonds suffisants pour se permettre une campagne de promotion efficace, le discours du critique, trop souvent, constitue le moyen de promotion principal d'un spectacle. Il importe d'autant plus que le critique soit préparé, objectif et compétent pour émettre un article qui aura à coup sûr un impact sur le succès du projet.
Ceci dit, il y a, à mon avis, des critiques qui sont compétents. Partant de ce constat, il faut, je crois, être capable d'accepter la critique ou alors est-il préférable de ne pas la lire ou peut-être seulement après les représentations. Je sais aussi qu'il peut parfois être très difficile d'assumer la critique négative car on met beaucoup d'énergie, de temps, de passion, de don de soi dans la fabrication et les représentations d'un spectacle. Ayant déjà eu une mauvaise critique sur mon travail, je sais à quel point c'est dur sur la confiance en soi et sur le plaisir à faire notre métier, deux choses essentielles à la réussite de celui-ci. Mais quand j'entends des commentaires du genre: «Ce critique n'aime pas notre spectacle, alors je suis encore plus content de le faire» ou «Un critique c'est un acteur manqué et jaloux», je crois qu'il y a quelque chose de faux derrière ces commentaires.
Selon moi, affirmer entre autre qu'une mauvaise critique nous fait plaisir, c'est mentir. Sous ce genre de commentaires, il y a peut-être des gens blessés qui ne l'assume pas. J'irais même jusqu'à poser cette question: faisons-nous ce métier pour dire quelque chose ou davantage pour plaire? Si on le fait davantage pour plaire, on est plus vulnérable à la critique négative, pour moi y'a pas de doute là dessus. Si on le fait pour dire quelque chose, on sait que ce n'est pas tout le monde qui sera d'accord avec notre vision et ce sera plus facile d'accepter la critique, il me semble.
J'en reviens quand même à ce fait: tout le monde a droit à son opinion, surtout dans cette ère de réseaux sociaux. Par contre, il faut savoir de quoi on parle avant de dire des choses qui auront à coup sûr un impact, parfois grand, parfois petit. Il est impératif d'avoir en main, si possible, les données relatives à la conception du spectacle, aux difficultés inhérentes de celui-ci, au contexte de représentation avant de critiquer quelque chose. Il faut se préparer pour avoir toutes les données en mains afin d'être le plus possible objectif et crédible dans ses propos.
Voilà, peut-être cette réflexion pourra-t-elle vous permettre aussi de vous exprimer sur le sujet…
Frédérick Bouffard, comédien
Cette lettre de Frédérick Bouffard fait le tour du sujet. Je reconnais cependant une certaine influence scolaire dans son contenu. On ne peut parler de compétence sans parler de cours, d’attestation, d’expérience et possiblement d’appartenance à une association professionnelle. La rencontre entre un journaliste et un metteur en scène permet de faire un article qui sera possiblement conforme à ce que désire l’artiste.
Pour ce qui est de l’internaute, qui comme moi, fait des critiques de spectacles, il faut surtout considérer cela comme des opinons et non comme des analyses expertes. Le milieu théâtral m’a toujours semblé renfermé sur lui-même comme dans une bulle. Philippe Couture parlait d’autopromotion théâtrale dans son blogue ce qui en dit long sur cette bulle qui aimerait se passer de critiques à la limite. On ne retrouve pas cette attitude viscérale dans d’autres disciplines artistiques.
J’ai assisté hier soir à un spectacle dont une employée du théâtre nous offrait un petit exposé sur les interprètes d’une chorégraphie à l’affiche, rarement exposés comme l’est habituellement un chorégraphe renommé. Une période de questions-réponses suivait aussi après la fin du spectacle. Cela aide grandement un internaute comme moi à ne pas trop passer à côté « d’la track » mais c’est aussi une pratique peu fréquente dans les salles de spectacles. Comment un internaute pourrait-il connaître «les données relatives à la conception du spectacle, aux difficultés inhérentes de celui-ci, au contexte de représentation…» ?
Il existe aussi une certaine animosité entre les journalistes reconnus et les internautes qui sont souvent décrits par ceux-ci en des termes peu élogieux. Cela s’explique par la peur de ces journalistes de perdre leurs emplois, leurs chèques de paie étant menacés. Encore ce matin, j’apprenais que l’émission culturelle «Six dans la cité» de Radio-Canada disparaîtrait définitivement en avril après avoir passé d’un format de 90 minutes à celui de 60 minutes.