Bonanza / FTA 2011 / Nature humaine
Les réalisations du collectif belge Berlin (Bart Baele, Yves Degryse et Caroline Rochlitz) ne
sont pas, à proprement parler, théâtrales. Elles ont plus à voir avec le cinéma
documentaire et l'installation vidéo. Cela dit, il faut bien admettre que Bonanza
possède des caractéristiques traditionnellement associées au théâtre. Ainsi, il
y a bel et bien personnages (sept protagonistes truculents), trame narrative
(mince, mais tout de même dotée d'un authentique crescendo) et scénographie (la
maquette un peu kitsch d'un paysage graduellement transformé par la lumière).
En fait, il ne nous manque que des êtres
vivants pour pouvoir apposer sur Bonanza l'étiquette (rassurante) de théâtre. Le
théâtre est-il possible sans la présence d'un comédien en chair et en os? Une
question qui n'est pas jeune mais qui n'est pas moins passionnante pour autant puisque
de riches exemples nous sont de plus en plus souvent offerts. Pensons aux
fantasmagories technologiques de Denis Marleau. Ou encore au Stifters Dinge de
Heiner Goebbels. Et peut-être même au Projet Quartett de Carole Nadeau,
présenté ces jours-ci à la Fonderie Darling.
Dans le cas qui nous occupe, il faut être
honnête, c'est essentiellement à un documentaire qu'on assiste. Le portrait
d'une communauté, Bonanza, la ville la moins peuplée du Colorado: sept
habitants pour cinq maisons. La valeure ajoutée provient de la présence de
cette maquette, qui occupe l'essentiel de l'espace scénique, mais surtout de ce
que le film, monté avec beaucoup de finesse, se déploie sur cinq écrans. Le
riche dispositif, qui permet simultanéités et contrepoints, champs et
contrechamps, évoque notamment celui
employé par la Finlandaise Eija-Liisa Ahtila dans une oeuvre troublante présentée à
DHC/ART il y a peu.
Ce qui nous reste le plus en tête en sortant de
la salle, c'est sans contredit les individus avec lesquels nous avons le sentiment
d'avoir fait connaissance, des êtres sympathiques et terrifiants qui n'ont rien
à envier aux personnage de Tchekhov. Portrait d'une certaine Amérique, coup de
sonde sociologique, l'oeuvre ratisse large: politique, spiritualité, économie,
histoire, environnement… Quand on comprend que la médisance peut
également prendre le dessus, les animosités triompher, la soif de pouvoir
déployer ses tentacules dans un endroit si paradisiaque, si
naturel, apparemment si préservé des dérives urbaines… on cesse de rire.
samedi 28 mai à 17h / dimanche 29 mai à 15h et
17h / Studio du Monument-National
durée 1h10
http://www.fta.qc.ca/spectacles/2011/bonanza / #FTA_bonanza