L'ironie du char
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L’ironie du char

JOUONS AUX STATISTIQUES

Depuis cinq ans, l’utilisation de l’automobile à Montréal s’est accrue de 10,5 % alors que la population a augmenté de 3 % seulement. Toujours à Montréal, 47 % des gaz à effet de serre proviennent des transports, et la qualité de l’air est mauvaise une journée sur cinq. Entre 1989 et 2002, le nombre de VUS sur les routes a doublé. Pour 77 % des Québécois, l’automobile est l’unique moyen de transport. Un luxe qui coûte en moyenne 9000 $ par an.

Je pourrais poursuivre ainsi pendant trois pages, mais ce serait futile. On me chanterait toujours la même ritournelle: "Oui, ça pollue, une auto, mais c’est si pratique. Comment s’en passer?"

En effet. Prise individuellement, l’automobile est une sapristi de bonne idée.

Collectivement, c’est un désastre. Pollution, étalement urbain, accidents, gaspillage d’énergie. Au Québec, la voiture est aussi un gouffre économique, selon l’auteur du Livre noir de l’automobile, Richard Bergeron. En 2001, les Québécois ont dépensé 38 milliards de dollars pour leurs autos. La moitié du magot a quitté la province pour créer ailleurs des emplois de haut niveau (ingénieurs, stylistes, concepteurs publicitaires). L’autre moitié a servi, au Québec, à engager des mécanos et des vendeurs de chars.

Les raisons de réduire le nombre d’automobiles sur nos routes sont multiples. Pour les gau-gauches, ce serait pour sauver la planète. Pour les droi-droites, ce serait pour atténuer l’exode annuel de milliards de dollars vers des poches étrangères, de l’argent qui pourrait servir à enrichir la province, plutôt qu’à l’appauvrir.

Pourtant, malgré toutes ces bonnes raisons, rien à faire. On aime ça, quand ça fait vroum vroum.

Cette semaine, l’émission Jeux de société se demande s’il est utopique de vivre sans voiture. À l’heure actuelle, je crois que oui. Un peu parce que les transports collectifs sont déficients, mais surtout parce que nous sommes prisonniers de la "culture automobile".

L’enjeu est d’abord culturel. Pourquoi cet amour aveugle pour la voiture?

Dans L’ironie du char, essai de Jean-Pierre Dagenais sur l’automobile publié en 1982, l’auteur croit que notre fascination pour l’auto est un effet pervers des sociétés industrialisées.

"Dans les sociétés industrielles […] où le plaisir et l’accomplissement de soi sont chassés des lieux de travail, écrivait-il, la possession et la conduite d’une auto apportent quelques moments de satisfaction qui se confondent avec un sentiment de puissance et de domination. Ayant perdu la maîtrise de son travail et de ses outils, l’homme ordinaire retrouve derrière le volant la seule machine qu’il puisse encore contrôler."

Pas fou comme point de vue. J’imagine qu’il est rassurant, lorsqu’on a l’impression de n’être qu’un pion remplaçable dans une grande organisation, de retrouver le contrôle de sa destinée à bord d’un bazou. Et de prendre la clé des champs. Fuir.

Ironique, tout de même, de penser que l’homme qui a eu l’idée d’éliminer le "facteur humain" des milieux de travail, en créant la chaîne de montage, n’est nul autre que Henry Ford, un fabricant d’automobiles… Sans s’en douter, aurait-il créé l’environnement idéal pour l’émergence de la culture automobile?

Jeux de société, vivre sans auto: utopie ou réalité? À Canal Vie, le lundi 11 septembre, 21h

RADIO

Une série de dix émissions pour comprendre l’histoire du terrorisme. Portraits de mouvements aussi différents que la Bande à Bader, la Résistance française, la résistance palestinienne ou l’IRA. Des idées plein la tête, à la Première chaîne (95,1 FM), tous les lundis du 11 septembre au 13 novembre, 21h

TÉLÉVISION

Onze cinéastes interprètent les événements du 11 septembre à travers onze courts-métrages d’une durée de 11 minutes 9 secondes. Percutant. 11’09 »01, à Télé-Québec, le lundi 11 septembre, 20h