Liberté pour les paranoïaques
Médias

Liberté pour les paranoïaques

Août 2004. 3000 fidèles de la station radiophonique de Québec CHOI FM débarquaient à Ottawa. À coups de "Liberté, je crie ton nom", ils venaient défendre le "droit" de Jeff Fillion de s’exprimer sur les ondes.

L’événement a remis sur la table l’épineuse question de la liberté d’expression. Jusqu’où a-t-on le droit de dire n’importe quoi? Le CRTC doit-il censurer la radio-poubelle? Tous les avis ont été entendus.

Au plus fort du débat, Anne-Marie Dussault, alors présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, en avait fait sourciller plus d’un en déclarant qu’elle se sentait comme "une avocate qui doit défendre un tueur en série". C’est que, pour elle, le CRTC allait créer un "dangereux précédent" en muselant Fillion.

Le CRTC avait le droit de ne pas renouveler la licence de CHOI. Les ondes radiophoniques sont un bien public. Ceux qui obtiennent le privilège de les utiliser doivent se conformer à certaines règles simples, ce que CHOI n’a pas fait.

Donc, le CRTC pouvait tout à fait interdire la baignade à un individu pris à pisser dans la piscine publique.

Seul hic, en exerçant son droit, le CRTC a commis, à mon avis, des dommages collatéraux plus importants encore. Dans l’esprit des "X" – les auditeurs de CHOI -, l’organisme réglementaire jouait le rôle du vil pouvoir étatique décidé à en finir avec le pauvre citoyen Fillion, lui qui s’était donné pour mission de "dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas"…

En voulant régler le cas de Fillion, le CRTC en a plutôt fait un martyr. Or, c’est souvent en créant des martyrs qu’on part des cultes… Prenez Jésus, mettons.

Canal D propose deux documentaires qui, par la bande, traitent de liberté d’expression.

Le premier, Victimes… de la radio-poubelle, porte justement sur les luttes de quelques personnes ayant subi les attaques gratuites des Arthur et Fillion de ce monde.

Le second est une enquête qui nous fait voir les coulisses du "rock de la haine". Un regard sur ces groupes musicaux qui prônent la suprématie de la race blanche, qui souhaitent l’élimination pure et simple des Noirs, des Juifs, des gais. En toile de fond, on découvre comment ces groupes sont financés par des partis d’extrême droite de plusieurs pays du monde, lesquels voient dans la musique un puissant moyen de recrutement.

J’en viens à la liberté d’expression. Aux États-Unis, ces groupes néonazis peuvent proférer ce qu’ils veulent sans être importunés par les autorités. C’est que le "freedom of speech" est solidement enchâssé dans la Constitution américaine. Or, ces groupes demeurent plus que marginaux aux États-Unis.

Les choses sont différentes en Allemagne. La musique à saveur "White Power" est farouchement surveillée. Les forces policières annulent des concerts. Les groupes sont censurés.

Résultat: les efforts des autorités allemandes pour interdire tout discours raciste n’ont fait qu’alimenter les théories de la conspiration. Pour les mouvements aryens, il est clair que le gouvernement est investi par des forces sionistes.

Du coup, on a donné à ces voix extrêmes des raisons de se plaindre. "Voyez comme le gouvernement nous réprime! Nous avons raison de le défier! Soyons forts!"

En Allemagne, lors d’élections régionales tenues en 2006, le NPD (un parti d’extrême droite proche des groupes néonazis) a récolté 7 % des voix et le droit de siéger dans cinq conseils municipaux de Berlin.

S’il est légitime de vouloir empêcher les petits Fillion – comme les gros néonazis – de répandre leurs conneries, en revanche, brimer leur liberté d’expression risque de les rendre plus crédibles, voire plus influents… Beau paradoxe.

Le Rock de la Haine, à Canal D le dimanche 29 octobre, 21h.

Victimes… de la radio-poubelle, à Canal D le jeudi 2 novembre, 21h.

ooo

TÉLÉ

La série Humanima s’intéresse aux liens entre l’homme et la bête. Cette semaine, un reportage touchant sur Gloria Grow, une résidante de Carignan qui a ouvert un refuge pour animaux. Entre autres, elle héberge des chimpanzés ayant servi en recherche biomédicale. À TV5, le vendredi 27 octobre, 19h.

TÉLÉ

Tout le monde en parle fait relâche ce dimanche pour faire place au 28e Gala de l’ADISQ. Louis-José Houde anime. À Radio-Canada, le dimanche 29 octobre, 19h30.

WWW

Êtes-vous du type Anne-Marie Losique ou Éric Salvail? C’est le genre de sujet que l’on aborde dans cette nouvelle émission radiophonique en ligne, RadioRev3. Enregistrée dans une ambiance conviviale, l’émission fait une belle place à la musique émergente. www.radiorev3.com.