Fresque sur fond vert
Quand j’étais petit, le Marie-Antoinette était un restaurant à Sherbrooke où j’allais déjeuner les dimanches avec ma mère, ma grand-mère, ma cousine, mes tantes. On papotait comme ça autour d’une crêpe imbibée de sirop de poteau. Et pour moi, le temps s’arrêtait.
Attendez un instant. Qu’est-ce qui m’arrive tout à coup? Je fais du Stéphane Laporte, maintenant? Vivement les vacances des Fêtes…
Restons concentrés. Je veux vous parler du film Marie-Antoinette, que Télé-Québec diffuse en primeur cette semaine.
Non pas le récent délire à saveur vidéoclip de Sofia Coppola, mais bien le film propret signé Yves Simoneau (Napoléon) et Francis Leclerc (Mémoires affectives), mettant en vedette Karine Vanasse dans le rôle-titre et Olivier Aubin dans la peau de Louis XVI.
Marie-Antoinette, c’est un film d’abord et avant tout tourné pour la télévision française, malgré la distribution et la réalisation québécoises. Les comédiens adoptent l’accent de nos cousins, même si l’on reconnaît le Drummondville dans le parler de certains.
Marie-Antoinette, c’est un docufiction. En d’autres mots, un documentaire doublé d’une dramatisation minimale qui sert avant tout le contenu pédagogique. Le film a été scénarisé par Jean-Claude Carrière à partir des faits réels, et tout au long du métrage, la narration de Guy Nadon est omniprésente. Malgré toute l’admiration que j’ai pour mademoiselle Vanasse, ce n’est pas dans ce film qu’elle déploie toute l’étendue de son talent. Dans de nombreuses scènes, elle pose plus qu’elle ne joue.
Saluons tout de même l’audace de cette production. Ambitionner de raconter aux Français une partie de leur histoire, ce n’est pas banal. "Parce qu’on est tout de même québécois", a tenu à rappeler Francis Leclerc au visionnement de presse.
Francis Leclerc, c’est ce réalisateur de talent qui a récemment déclaré que la télévision québécoise était "ennuyante", "mauvaise", qu’elle "manquait d’originalité". La réplique avait nourri les chroniqueurs pendant quelques jours.
N’ayez crainte, il n’était pas au visionnement ce jour-là pour rééditer son plaidoyer en faveur d’une télévision plus audacieuse. Quoique indirectement, oui. Car Marie-Antoinette est bel et bien un exemple de télévision audacieuse.
Ce film a d’audacieux un aspect particulier de sa production: la technique. C’est que l’entièreté de l’histoire a été tournée dans des décors numériques. Les comédiens ont joué toutes les scènes devant un fond vert. Puis, grâce à la magie de l’infographie (gracieuseté d’Hybride), on a remplacé le vert par des arrière-plans illustrant différentes sections du château de Versailles: la cour extérieure, la chambre de la reine, le grand salon, la galerie des Glaces. Tout au long du film, 926 plans ont ainsi été créés de toutes pièces pour donner l’illusion que ce long métrage a bel et bien été tourné dans le théâtre original des aventures de Marie-Antoinette.
Le résultat est étonnant.
Ces prouesses techniques suffisent-elles à faire de Marie-Antoinette un film grandiose? Non.
Comprenez-moi bien, il ne s’agit pas d’un mauvais film. Loin de là. Prenons-le pour ce qu’il est: un document pédagogique honnête dont l’ambition est de raconter fidèlement la vie et la mort de Marie-Antoinette. Le tout dans un style respectant l’époque, sans musique de New Order et sans relecture de l’histoire par le réalisateur. La vie de Marie-Antoinette. Straight pipe.
Prenons aussi ce film pour ce qu’il représente. Grâce à l’expérience réussie de ce décor virtuel, on a prouvé qu’il était économique de créer des reconstitutions historiques. Ce film de 90 minutes a coûté 5 millions de dollars. Pour un résultat d’une telle qualité, c’est une aubaine.
Alors, maintenant qu’on a fait plaisir aux Français en racontant un pan de leur histoire, pourrait-on faire de même pour nous? Trop chères, on fait de moins en moins de séries historiques au Québec.
Avec des technologies pareilles, ne pourrait-on pas, nous aussi, nous payer de beaux voyages dans le temps?
Marie-Antoinette, à Télé-Québec, le jeudi 21 décembre, 21 h.
Voyez aussi le making of du film: Marie-Antoinette sur fond vert, à Télé-Québec, le vendredi 22 décembre, 21 h.
WWW
Pour son cinquième épisode, le Tivijournal concocté par une joyeuse bande d’étudiants en journalisme de l’UQÀM y va d’une revue de l’année. Les nouvelles marquantes de 2006, des sketches parfois hilarants, des parodies de pubs. Un régal à visionner en ligne. http://www.tivijournal.com
TÉLÉ
Les bilans de l’année, on n’y échappe pas. Hormis Le Bye Bye de RBO, Éric Salvail prépare On n’a pas toute la veillée (à TVA, le dimanche 31 décembre, 20 h). Un party de deux heures dans la plus pure tradition de Soirée canadienne. L’Infoman Jean-René Dufort livre aussi sa traditionnelle revue de fin d’année, à Radio-Canada, le dimanche 31 décembre, 22 h.