Bienvenue à Dubaï, Alberta
Jean-François Lépine n’a pas l’habitude d’être complaisant. Mais rarement l’ai-je vu aussi mordant. En introduction de la dernière enquête de Zone libre, l’animateur écorche sans détour le bilan vert du gouvernement Harper.
"Depuis son élection, [ce gouvernement] a tout fait pour accélérer le plus grand bouleversement environnemental au Canada: l’exploitation des sables bitumineux en Alberta. Vous allez découvrir ce soir comment, dès son arrivée au pouvoir, le gouvernement conservateur a renié tous ses engagements en matière d’environnement pour assurer la sécurité énergétique de nos voisins américains…"
L’Alberta pourrait être le prochain Dubaï. Un nouveau Klondike du pétrole. Selon des estimations, le sol de la province recèlerait cinq fois les réserves d’or noir de l’Arabie Saoudite. Show me the money.
Derrière cette ressource au potentiel monstre se cache toutefois un thriller politique.
C’est ce que nous raconte cette semaine une vaste enquête menée par l’équipe de Zone libre.
Tout part d’une superpuissance, les États-Unis, dépendante d’un pétrole importé en grande partie des régions les plus instables du monde. Du Moyen-Orient, qui menace d’exploser à la moindre occasion. Du Venezuela, petit État dirigé par un président qui n’hésite pas à comparer Bush à Satan…
Comme principaux fournisseurs d’une denrée aussi capitale que le pétrole, on a vu mieux.
Ces États-Unis obsédés par leur sécurité énergétique souhaiteraient voir l’Alberta produire plus de pétrole, quitte à mettre aux vidanges quelques lois environnementales.
C’est ici qu’entre en scène Stephen Harper, actuel premier ministre du Canada et jadis bon soldat de l’industrie pétrolière. Son gouvernement et lui entendent fournir au voisin d’en bas cette sacro-sainte sécurité énergétique, quitte à mettre aux vidanges quelques lois environnementales.
Car il faut le préciser: "sables bitumineux" et "normes environnementales rigides" ne font pas bon ménage.
Explication. Pour extraire le pétrole des sables bitumineux, il faut de l’eau douce. Beaucoup d’eau douce. Entre deux et cinq barils de flotte pour produire un seul baril de pétrole.
Cette eau souillée en quantité astronomique par les sables est ensuite déversée dans des bassins. En Alberta, ces bassins de soupe noire couvriraient déjà une superficie comparable à celle du lac Memphrémagog. Et ce n’est qu’un début.
Dans ces bassins, l’eau est si toxique qu’on a installé dans les environs des canons qui font feu à intervalles réguliers pour éloigner les animaux. Pour eux comme pour nous, fréquenter ces eaux serait fatal.
Le procédé utilisé pour extraire le pétrole des sables bitumineux nécessite aussi l’apport d’une autre source d’énergie. Le plus souvent, on utilise du gaz naturel. L’industrie des sables bitumineux produirait ainsi environ trois fois plus de gaz à effet de serre que le pétrole provenant du Moyen-Orient. En 2003, l’Alberta seule était responsable de 37 % des émissions de gaz à effet de serre au Canada.
Malgré tout, il semble que le potentiel économique de ce cauchemar environnemental soit séduisant… Suffisamment du moins pour que notre gouvernement embrasse cette cochonnerie et fasse tout pour assouplir les lois environnementales qui pourraient contraindre son épanouissement.
C’est ainsi qu’en 2007, nous sommes en train de créer au fin fond de l’Alberta un modèle d’exploitation de nos ressources naturelles qui nous ramène tout droit au début de l’ère industrielle.
Cette troublante enquête de Zone libre nous force à faire un constat: les efforts pour améliorer la qualité de l’environnement au pays auront peu d’impact si on laisse, sans rien dire, les géants du pétrole jouer dans le bac à sable albertain…
Zone libre enquêtes, à Radio-Canada, le vendredi 19 janvier, 21h.
TÉLÉ
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WWW
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