Nés de pères inconnus
Médias

Nés de pères inconnus

J’ai téléphoné à Jean-Pierre un dimanche soir. Jean-Pierre est un ami. On joue au poker une fois de temps en temps. Quand je l’ai appelé, il avait les deux mains dans sa plomberie.

Jean-Pierre est un homme. Un vrai.

Un homme qui adore ses deux filles, qui parle ouvertement de ses sentiments, qui fait de la plomberie.

Je lui ai téléphoné, car Jean-Pierre – et son père – a fait partie d’un groupe de six fils et de six pères qui ont pris part, l’été dernier, à une périlleuse aventure: un voyage aux confins des relations père/fils. Cinq jours dans les bois, sans télé, sans alcool, sans femmes. Ces pères et ces fils devaient se parler franchement. Une première pour plusieurs d’entre eux, dont Jean-Pierre.

Le réalisateur Joël Bertomeu, qui a déjà exploré l’identité masculine dans son documentaire Ni rose, ni bleu, a capté sur pellicule l’essence de ce périple. Son film de deux heures, Tel père, tel fils, est présenté cette semaine à Canal Vie.

La demi-douzaine de couples père/fils présentés dans son film forment un échantillon d’hommes on ne peut plus normaux. Et pourtant, il faut voir la quantité de bibittes que ces fils et ces pères ont sur le coeur.

Avertissement: entre les randonnées en canot et les séances de lutte dans la boue, la pleurniche est au rendez-vous.

J’ai posé la question à Jean-Pierre: "Pourquoi y a-t-il autant de choses refoulées entre les pères et les fils?"

En direct de son problème de plomberie, Jean-Pierre a échafaudé une théorie selon laquelle la société moderne aurait évacué ces lieux où les hommes jadis pouvaient s’exprimer librement, sans se censurer. Résultat: après trente ans de féminisme au Québec, l’homme ne trouve sa place nulle part. Et accumule…

La femme en tant que responsable du désarroi de l’homme. Vieille rengaine. N’en déplaise à mon ami, je n’endosse pas sa théorie. Les "lieux d’hommes" n’ont aucune importance, c’est le désir de s’y rendre qui compte.

D’ailleurs, il a fallu huit mois à Jean-Pierre pour convaincre son père de l’accompagner dans les bois pour cette aventure intime. Au départ, son paternel ne voyait pas l’intérêt d’un tel projet. Une réaction conforme à celle des hommes de sa génération, peu portés sur les confidences.

Son père a cependant fini par se laisser convaincre. Le désir est venu de lui-même, pas du lieu.

Jean-Pierre espérait que cette expérience permette à son père de mieux le connaître. Curieusement, c’est le contraire qui s’est produit. "J’ai connu l’homme qu’il était avant d’être mon père", dit-il.

Comme quoi on peut passer sa vie sans véritablement connaître son père…

*

Dans le film de Joël Bertomeu, on voit des hommes de tous âges exposer leurs tripes. On s’embrasse, on se bécote, on se lance des "Je t’aime". On pleure.

D’ailleurs, il y a toujours ce malaise à voir des larmes masculines. On a beau se croire moderne, un homme qui pleure est encore gênant.

Ce doit être le poids de l’Histoire qui donne cette impression; la pression de ces générations passées d’hommes héroïques au courage surdimensionné.

Et pourtant, pleurer en confrontant son père n’est-il pas la plus grande preuve de courage? Il faut être fait fort pour se montrer entier devant l’homme qu’on a toujours, instinctivement, voulu surpasser…

C’est un peu ce qu’on retient de Tel père, tel fils: une invitation à visser les relations père/fils sur des bases plus authentiques.

Ce qui est dommage avec ce documentaire, c’est qu’il y aura probablement beaucoup plus de femmes que d’hommes qui le regarderont. J’invite donc tous les pères et les fils à se réserver la soirée de dimanche prochain.

Envoyez les filles au 281, achetez-vous une caisse de douze et zappez à Canal Vie…

Ce pourrait être le début d’une nouvelle relation…

Tel père, tel fils, à Canal Vie, le dimanche 28 janvier, 22h.

ooo

TÉLÉ

TV5 a commencé la diffusion d’une nouvelle série passionnante. L’Envers du décor montre comment se réalisent certains projets artistiques ou médiatiques (une série télé, une émission de radio, une expo dans un musée). Cette semaine, les coulisses de la célébrissime campagne publicitaire "Ah! Ah!" de Familiprix. L’Envers du décor, à TV5, le samedi 27 janvier, 22h.

TÉLÉ

Un documentaire fascinant présenté dans le cadre de la nouvelle série Ici… le monde. Une incursion dans un tout petit pays coincé entre l’Ukraine et la Moldavie, non reconnu par la communauté internationale, dirigé par un ex-agent du KGB… mais surtout, une importante plaque tournante du trafic d’armes… Transnistrie: trafic d’armes aux portes de l’Europe, à Télé-Québec, le lundi 29 janvier, 20h30.