Le grain de maïs
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Le grain de maïs

L’Afrique, ce n’est pas le Pérou. On le sait.

Guerres, pauvreté, sida, génocides, corruption, pollution, malnutrition… Les tragédies, là-bas, on se les tape toutes en format IMAX.

Dans son malheur, l’Afrique a toutefois une richesse. Une qui ne se négocie pas en Bourse. Une qui ne compte pas dans l’Indice de développement humain. Une qui ne remplit pas les bedons.

L’Afrique a des proverbes.

Des proverbes parmi les meilleurs au monde. Les plus colorés, les plus imagés, les plus originaux, les plus songés, les plus comiques.

Prenez celui-ci: "Quelle que soit la maigreur de l’éléphant, ses couilles remplissent toujours la marmite." Avouez que ça change du ronflant "L’habit ne fait pas le moine".

Et que dire de celui-ci: "Qui avale une noix de coco fait confiance à son anus." Graphique.

Il y en a certains qui nous concernent: "Tous les Blancs ont une montre, mais ils n’ont jamais le temps."

J’ai pour ma part un faible pour ce proverbe béninois: "Un grain de maïs a toujours tort devant une poule."

En dix mots, ce proverbe résume tout le drame africain. Il illustre à merveille le clivage entre l’Afrique et l’Occident.

Les plus forts ont toujours raison. Ils décident pour les autres. Les problèmes de l’Afrique ne préoccupent pas les maîtres du monde. Un grain de maïs a toujours tort devant une poule.

Voilà en gros ce que dit ce proverbe.

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L’Afrique est le continent oublié de la planète Média. On le sait aussi. On peut même le mesurer.

La firme Influence communication calcule semaine après semaine le poids média de certains sujets d’actualité. Or, elle indique qu’en moyenne, l’attention médiatique à l’égard de l’Afrique oscille autour de 0,1 % de toutes les nouvelles rapportées dans les journaux, à la radio et à la télévision au Québec.

0,1 %. En comparaison, la semaine dernière, la couverture du Superbowl a occupé 3,5 % de tout l’espace médiatique. Et en janvier dernier, l’insignifiante "affaire Myriam Bédard" a accaparé 3,6 % de l’attention de nos médias. C’est un peu beaucoup.

Vu qu’à peu près tous les sujets sont plus importants, l’Afrique tombe le plus souvent dans les entrefilets. Cela, au profit de nouvelles qui nous permettent, à nous gens du Nord, de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.

Il y a ici une pointe d’ironie.

En août dernier, sur l’Afrique boudée par les médias, l’auteur des Bougon, François Avard, y allait d’un coup de gueule dans Le Soleil. "Je désire surtout rappeler aux médias que s’ils cherchent de la belle grosse misère noire, des tas de morts et des manifestations guerrières, l’Afrique en est pleine. Y a que l’embarras du choix."

En effet. L’Afrique, c’est 910 millions d’habitants. 57 pays. Et des sujets scandaleux à profusion.

Selon le plus récent rapport du Programme des Nations Unies pour le développement, les Norvégiens sont plus de 40 fois plus riches et vivent deux fois plus longtemps que les Nigériens.

En Afrique subsaharienne, l’équivalent de trois fois la population du Québec est atteinte du sida.

Il y a actuellement au Darfour, une région du Soudan vaste comme la France, une guerre civile qui se poursuit inlassablement dans une quasi-indifférence générale. Jusqu’ici, le conflit aurait fait 400 000 morts et près de 2 millions de réfugiés.

Malheureusement, la valeur d’un Africain n’est pas la même que celle d’un Occidental. Le cadavre noir ne pèse pas lourd sur la conscience.

Si Le Journal de Montréal se cherche un titre-choc pour sa prochaine une, en voici un: "L’Afrique se MEURT".

Remarquez, les médias ne sont pas les seuls à blâmer. Nos gouvernements ne sont pas plus brillants.

De beaux discours. Des milliards mal distribués. Des résolutions non respectées. De l’aide internationale qui n’aide pas vraiment. Des gestes cosmétiques plus qu’utiles.

Un grain de maïs a toujours tort devant une poule.

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Cela étant dit, RDI propose tout de même une série de documentaires sur l’Afrique: En quête d’Afrique, aux Grands Reportages. Le vendredi 9 février, 20 h, le deuxième volet de cette série porte sur les causes profondes de la guerre civile au Darfour. Le 16 février, un documentaire sur le pays le plus pauvre au monde, le Niger.

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TÉLÉ

Renée-Claude Brazeau, après des années d’animation (Loft Story, La Fosse aux lionnes), se commet à l’écriture d’une série. La Galère, qui démarre cette semaine, nous présente quatre filles en train de passer à côté de leur vie qui emménagent ensemble dans une grande maison, avec leurs sept enfants, pour un an. Les Invincibles, au féminin. La Galère, à Radio-Canada, dès le mardi 13 février, 21 h.