Les vrais enjeux
Au bout d’un moment, j’ai cessé de compter les chroniques, les éditoriaux, les lettres ouvertes réclamant une campagne électorale centrée sur les "vrais enjeux" plutôt que sur les petites choses et autres gestes anodins…
Remarquez, on a un peu raison de se plaindre. Selon Influence Communication, au palmarès des dix sujets les plus couverts par les médias depuis le début de cette course, un seul est lié à un engagement ferme de la part d’un parti. Il s’agit de l’abolition des commissions scolaires. Cette proposition de l’ADQ a occupé 3,4 % de la couverture électorale, ce qui la place en 5e position des "enjeux" les plus médiatisés.
Quant aux autres sujets? La question nationale et les relations intergouvernementales ont ravi 13,62 % de l’espace médiatique alloué aux élections. Le débat des chefs a grignoté 9,77 % de la tarte, tandis que l’analyse des sondages est arrivée troisième avec 5,76 %. Les médias ont aussi beaucoup jasé d’homosexualité et d’homophobie avec André Boisclair (3,49 %), d’accommodements raisonnables (3,32 %), des propos sur les femmes et l’homosexualité du candidat adéquiste Jean-François Plante (3,05 %), du viaduc de la Concorde (2,86 %), du "génocide ou pas?" de Robin Philpot (2,19 %) et, bien sûr, du mont Orford (2,09 %).
Cumulés, ces dix "enjeux" ont mobilisé la moitié de la couverture électorale jusqu’ici. S’agissait-il de "vrais enjeux"? Et d’abord, qu’est-ce qu’un "vrai enjeu"?
Je pose la question car, voyez-vous, j’ai lu beaucoup plus de textes déplorant l’absence de vrais enjeux que de textes abordant clairement ces mêmes "vrais enjeux". Me suivez-vous?
J’ai donc tenté de cerner l’enjeu incontournable de cette campagne. Le vrai. En 2003, les choses étaient claires: la santé, les défusions. Cette fois-ci, on s’éparpille. Qu’est-ce qui compte? La santé? L’environnement? L’éducation? La dette? Les politiques familiales?
À force de chercher, j’en suis venu à une conclusion: les médias n’abordent pas les vrais enjeux tout simplement parce que cette élection manque terriblement de vrais enjeux.
Il y a bien sûr sur la table des sujets importants. Seulement, aucun n’électrise les foules. Un "vrai enjeu", pour moi, sera différent du "vrai enjeu" d’un fonctionnaire syndiqué de Sherbrooke, ou d’une retraitée de Rosemère.
En fait, cette campagne porte sur un paquet de petites choses. Mis à part l’idée d’un troisième référendum sur la souveraineté – projet qui ne séduit plus autant que jadis -, les grands partis nous présentent un menu varié d’améliorations à apporter au système. On coupera un peu ici, on ajoutera un peu là, on changera tel truc. Dans l’ensemble, hormis quelques flous artistiques en ce qui concerne le prix de la table d’hôte, tous les menus s’équivalent plus ou moins.
Cette absence de vrais enjeux se révèle d’ailleurs dans les intentions de vote. Les trois grands partis sont à peu près nez à nez dans les sondages. La population est divisée. Plutôt que de voter pour un programme, on se base sur le talent d’un chef, sur la notoriété de l’autre, sur les spéciaux du troisième…
Pour donner à cette course une apparence sportive, les médias n’ont donc pas d’autres choix que de couvrir des sujets qui rallieront le plus bas dénominateur commun: la "clip" colorée, le mot scandaleux, la pelure de banane. On peut toujours lancer la pierre aux médias, mais à mon avis, s’il y avait dans cette campagne de véritables enjeux rassembleurs, les journalistes en parleraient.
En attendant, il faut tout de même vendre des journaux. Or, quel titre vend le mieux, selon vous: "Philpot nie le génocide rwandais" ou "20 000 nouvelles places dans les CPE: le PQ conservera le tarif à 7 $, pas de hausses prévues non plus pour le PLQ"?
Élections 2007, à Radio-Canada et TVA le lundi 26 mars, 20 h, et à TQS, 21 h 30.
À noter: Marie-France Bazzo aura sa soirée électorale alternative lors d’une édition spéciale de Bazzo.tv. À Télé-Québec, 20 h.
RADIO
Au lendemain des élections, à Pensée libre, on discute de stratégies de séduction par l’image. Dans ce monde marchand, pour vendre des produits autant que des idées politiques ou des causes environnementales, il faut bien les emballer. Entre autres invités: Pauline Marois et le publicitaire Jean-Jacques Strélisky. À la Première Chaîne (95,1 FM), le mardi 27 mars, 20 h.
TÉLÉ
L’Art du nu |
On considère souvent les modèles comme passifs dans le monde de l’art. Trois films indépendants nous présentent l’art du nu du point de vue du dénudé. Fascinant. L’Art du nu, à ARTV, le jeudi 22 mars, le vendredi 23 mars et le samedi 24 mars, 21 h.