Tout est possible
Médias

Tout est possible

Mon rédacteur en chef m’a téléphoné l’autre jour. Il avait dans la voix une piqûre de panique.

"Tu connais Twitter.com?, dit-il. C’est un site où les jeunes peuvent publier sur le Net quelques mots sur ce qu’ils font en ce moment. C’est super tendance. Mais à quoi ça sert? Je ne comprends pas…"

Son commentaire trahissait une sorte d’angoisse. Il ne comprend pas. En d’autres mots, il est désemparé. Au bout du fil, j’ai senti que mon patron venait de se découvrir des écailles entre les omoplates. Il devenait un dinosaure. Bientôt, lui aussi serait dépassé par la technologie. C’est inévitable. C’est de son âge. Il a fêté ses 32 ans la semaine passée.

Remarquez, je suis d’accord avec lui. Twitter a beau être la vedette du "microblogging", je n’arrive pas, du haut de mes 30 ans, à trouver une quelconque pertinence à ce site. Pourquoi serais-je intéressé de savoir qu’un certain Pixelfooder est parti acheter du lait, ou que Babybug est en train de manger des bleuets avec son père sur un sofa?

Enfin… J’ai tenté de calmer mon rédac’ chef en lui parlant de notre génération. Je lui ai fait valoir que nous, nouveau saurien de l’ère trentenaire, étions en fait les derniers vrais humains.

Après nous, il n’y a que ces curieuses bibittes que l’on nomme les "techno natives".

Ils ont entre 15 et 25 ans. Plusieurs d’entre eux n’ont jamais vécu sans téléphone cellulaire, sans courriel, sans Internet, sans Google. Et pourtant, ils s’habillent tous comme dans les années 80. Cherchez pas à comprendre…

Les "techno natives" baignent dans les gadgets. En Angleterre, des études sociologiques ont montré que, chez les adolescents, le téléphone cellulaire avait même supplanté la cigarette en tant que symbole du passage à l’âge adulte.

"C’est la génération du "je peux" et du "tout est possible, tout est à notre disposition"", dit une spécialiste des marques dans le numéro de juin du magazine Influencia. Ce magazine français, qui s’intéresse au marketing, a consacré son dernier numéro à ces "techno natives", cette génération No Limit.

Oui, car comment les vendeurs de marques pourront-ils continuer à séduire ces jeunes nés les deux pieds dans le Web?

Simple. Les marques devront d’abord se trouver là où ils sont, ces jeunes. Et ils sont autant dans le réel que dans le virtuel. C’est ainsi que dans le faux monde en ligne de Second Life – population: 7,6 millions d’habitants – votre Moi virtuel peut se rendre sur Pizza Island et commander une pizza qui sera livrée chez votre Moi réel par un vrai livreur qui appuiera sur votre vraie sonnette et qui s’attendra à recevoir un vrai pourboire.

Pour rejoindre les jeunes, les marques devront aussi assouvir le besoin de s’exprimer de cette génération de m’as-tu-vu-sur-Youtube? La marque centenaire Orangina a ainsi réussi à créer un buzz, en France, en permettant aux jeunes de télécharger sur le Web des vidéos d’eux-mêmes en train de secouer des bouteilles d’Orangina. Gros succès.

Les marques devront enfin permettre aux jeunes d’exprimer leur individualité. Elles devront leur fournir des sonneries pour leurs portables, les aider à customiser leur iPod, leur MySpace ou leur Facebook. Chaque jeune est unique et veut que tout le monde le sache, sachez-le.

Les jeunes de la génération No Limit ont accès à toute l’information du monde en trois clics. Ils peuvent télécharger toute la musique qu’ils veulent, avoir des amis sur tous les continents et, grâce à Twitter, les tenir informés des menus détails de leur existence. Ils peuvent aussi se fabriquer des vies parallèles en ligne.

Bref, ils sont bien mieux adaptés que nous, les dinosaures, à l’ère technologique. Sont-ils pour autant plus évolués?

Le plus beau paradoxe de cette génération du "tout est possible"? Alors que tout leur est possible, justement, ils ne s’éloignent jamais trop de la tribu…

Partout dans le monde, ils boivent à peu près tous du Pepsi ou du Coca-Cola, ils mangent tous chez McDo, ils ont tous la même musique pop dans le même iPod et portent tous des Nike. Et, cet été, qu’ils habitent à Londres, à Montréal ou à Wichita, ils iront tous voir Les Simpsons au cinéma…

Heureusement que le marketing de masse est là pour garder ces petits rois dans le droit chemin…

ooo

TÉLÉ

Nestor et les oubliés

À défaut de pouvoir nous déplacer à tous les festivals du Québec, une série à TV5 nous y transporte. Cette semaine, escale au Festival en chanson de Petite-Vallée. Sur la route des festivals, à TV5, le jeudi 28 juin, 20 h 30.

Un portrait de Nestor, orphelin de Duplessis aussi coloré qu’attachant. Du réalisateur de Roger Toupin, épicier variété. Nestor et les oubliés, à Télé-Québec, le dimanche 1er juillet, 20 h 30.