Écoutons les démographes
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Écoutons les démographes

Vous voulez connaître l’avenir? Parlez à un démographe.

L’astrologie, c’est mignon. Mais pour un topo solide de ce qui se passe aujourd’hui, et de ce qui se passera demain, rien ne vaut une bonne étude démographique.

Interviewé par le magazine français Médias au printemps dernier, l’historien et démographe Emmanuel Todd était catégorique sur ce point: "Je préfère toujours la consultation de tables de fécondité ou de mortalité infantile à la lecture de la presse." Il faut dire que Todd a pu, avant tout le monde, entrevoir la chute de l’URSS en étudiant simplement les courbes démographiques de la société soviétique des années 70.

Je vous le dis: écoutez toujours les démographes.

Or, ces temps-ci, ils n’ont pas de très bonnes nouvelles pour nous, les démographes. La croissance de la population humaine se présente de plus en plus comme le bogue des prochaines décennies. L’humanité se multiplie tel un virus. Quand mon père est né, il y avait sur cette boule deux fois moins d’individus. D’ici 2100, nous pourrions être plus de 9 milliards. Et la planète n’aurait de ressources que pour nourrir 10 milliards de personnes, maximum.

Parole de démographe, la surpopulation sera le prochain dossier chaud.

Pendant que nous y sommes, une autre affaire démographique devrait attirer notre attention: le "foeticide" discriminatoire en Inde et en Chine.

Selon des estimations conservatrices, 500 000 fillettes seraient victimes de l’avortement sélectif, chaque année, en Inde. C’est que dans la plus grande démocratie du monde, la naissance d’une fille est considérée comme un mauvais sort. "Élever une fille, c’est comme arroser le jardin du voisin", dit même un proverbe indien.

Pourquoi préférer les garçons aux filles? C’est culturel. En Inde, la famille de la mariée doit payer la noce et verser une dot à la famille de l’époux. Une dot parfois si onéreuse qu’elle accule des parents à la faillite. Du coup, comme l’affichait une clinique d’avortement indienne, "mieux vaut payer 2500 roupies aujourd’hui (pour un avortement) que 25 000 roupies lorsque la fille se mariera".

Quand la persistance de traditions moyenâgeuses et la légalisation de l’avortement forment un cocktail tragique.

La journaliste Karina Marceau s’est rendue en Inde pour constater l’ampleur du phénomène de l’avortement discriminatoire. Elle en a rapporté un film troublant, Filles de jardiniers.

Troublant, par exemple, lorsqu’on constate les dommages collatéraux de ces milliers de meurtres de fillettes. Car selon les démographes, si cet infanticide perdure, il pourrait y avoir 31 millions d’hommes "en trop" en Inde en 2020 (et 28 millions en Chine, où des pratiques similaires ont cours).

Des millions d’hommes incapables de se trouver une épouse. D’éternels célibataires qui n’auront aucune descendance. On les appelle les "branches nues" (bare branches, en anglais). Et ces surplus de jeunes vieux garçons pourraient menacer la sécurité en Asie et ailleurs…

C’est du moins la thèse que soutiennent deux expertes en politique internationale, Valerie Hudson et Andrea den Boer, dans leur ouvrage Bare Branches: The Security Implications of Asia’s Surplus Male Population.

Selon elles, les sociétés où les hommes sont plus nombreux seraient une menace à la paix. Les hordes de jeunes hommes célibataires font de bonnes recrues pour l’armée. Les populations comptant des niveaux d’hommes anormalement élevés seraient aussi des terreaux plus fertiles pour les gouvernements totalitaires. Et l’histoire regorge d’épisodes violents nés dans des sociétés plus "testostérone" qu’"oestrogène".

Bien sûr, les auteures ne vont pas jusqu’à faire l’équation "surplus d’hommes" égale "guerre". Elles y voient toutefois un facteur aggravant.

Oui, on devrait écouter les démographes lorsqu’ils nous disent que la survie des fillettes en Inde ou en Chine a tout à voir avec l’avenir du monde…

Filles de jardiniers, à RDI, le jeudi 18 octobre, 20h.

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TELE

Cet automne, Stéphan Bureau a décidé d’inviter à Contact des créateurs plus "populaires". Il ausculte cette semaine l’intérieur de l’homme qui possède tous les talents, y compris les vôtres, Gregory Charles. Contact, à Télé-Québec, le jeudi 11 octobre, 21h.

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RADIO

photo: Radio-Canada

Pendant huit jours, dans la deuxième heure de l’émission Christiane Charette, la Première chaîne diffuse une série sur le plus célèbre de nos paroliers, le grand blond avec des lunettes noires, Luc Plamondon. Écrire à tue-tête: la constellation Plamondon, à la Première chaîne (95,1 FM) dès le lundi 15 octobre, 10h.