Les veudettes
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Les veudettes

Servez-moi une autre vedette et je restitue.

Serge Postigo partage sa passion pour la rénovation à Historia. Sylvie Léonard se débarrasse d’un pot de fleurs à ARTV. Jean Pagé nous emmène voir son fils jouer au hockey à Flash.

Dans Curieux Bégin, le comédien Christian Bégin nous parle de bouffe. Et Renée-Claude Brazeau prépare une soupe aigre piquante à la citrouille avec Ricardo. "À l’École nationale de théâtre et à Star Académie, il se donne sans doute des cours pour dire mounou-mounoum la bouche pleine en hochant la tête", écrivait le fondateur de L’actualité Jean Paré dans Délits d’opinion (Boréal, 2007).

Je fais une indigestion de vedettes.

Lundi dernier à Radio-Canada, Sébastien Benoit était invité à Pour le plaisir, l’émission de France Castel et de Michel Barrette, pour parler du célibat et de son amour pour Guy Lafleur. Le même Sébastien Benoit qui anime aussi La Fureur. Le même Sébastien Benoit qu’on a pu voir dans une danse bavaroise au Match des Étoiles il y a quelques semaines. Le même Sébastien Benoît que l’on verra au show de Luck Mervil, Le 3950, ce samedi à TV5.

Je n’ai rien contre Sébastien Benoît. Un sympathique gaillard. J’en ai seulement jusqu’ici des vedettes.

À Canal D, toute série documentaire qui se respecte doit être présentée par une vedette. Roger Léger présente Matière à enquête, Martin Deschamps présente Caméra tout-terrain, Patrick Labbé présente Biographies.

Cet automne, l’ex-Kiwi Vincent Graton présente la série Toxique, qui porte sur des catastrophes environnementales québécoises. Au lancement de presse de la série, une collègue journaliste a posé une question à monsieur Graton. "Vous savez, moi, je ne fais que présenter la série", a-t-il répondu. Et pourtant, c’est lui que l’on retrouve sur les photos promotionnelles, et c’est lui qu’on invite à Christiane Charette. Bien des honneurs pour quelqu’un dont le travail se résume à lire un cue card devant une caméra.

Cette semaine dans son carré de sable, Foglia demandait aux gens de lui nommer des choses dont ils n’étaient "pu capables". Dans le lot, beaucoup de vedettes. Pu capable de Denise Bombardier. Pu capable de Guy A. Lepage. Pu capable de Chantal Lacroix, de Jean-Luc Mongrain, de Lise Dion.

Vendredi dernier à ARTV, celle qui a remplacé Lise Payette à C’est juste de la TV, la productrice Monique Simard, en avait aussi contre l’usage abusif de la vedette au petit écran. "C’est comme s’il n’y avait personne d’autre qui n’avait rien à dire sur quoi que ce soit", a-t-elle dit.

Comprenons-nous bien, la vedette dont il est question ici entre dans la catégorie des "veudettes". Avec un "u" pour "ubiquité", ce don d’être partout à la fois.

Ces veudettes forment une communauté d’individus moyennement talentueux, régulièrement disponibles et exigeant des cachets raisonnables. Ils sont dotés d’un certain bagou et s’adaptent à merveille à plusieurs cadres: chant, danse, quiz, débat, cuisine, bricolage, jardinage, art de vivre.

C’est ainsi qu’un Guy Jodoin sera toujours plus facile à inviter à L’union fait la force qu’un Roy Dupuis.

Invitées ad nauseam, les veudettes finissent par s’enraciner dans l’espace télévisuel. C’est leurs vies, leurs avis, leurs positions et leurs humeurs que les caméras de télévision documentent chaque jour.

Malgré ce cliché voulant que la télévision soit une "fenêtre sur le monde", la réalité est que cette lucarne donne plutôt sur un monde virtuel peuplé de "bons amis" toujours de bonne humeur.

C’est un vase clos. La télévision s’intéresse d’abord aux veudettes de la télévision devenues veudettes de la télévision parce qu’elles passent à la télévision.

C’est la télé qui se nourrit d’elle-même.

Comme l’écrit Christophe Lamoure dans sa Petite philosophie de la télévision (Milan, 2006), "[la télé] construit un monde qui lui est propre et qu’elle exploite, inspecte et expose avec appétit à tous, délaissant alors le monde réel, celui du dehors, celui que les gens fréquentent. […] On n’en sort plus, il n’y a plus de dehors, la télévision vit en autarcie et se suffit à elle-même."

Pu capable les veudettes.

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TELE /

Le temps va toujours au même rythme et pourtant, on a de plus en plus l’impression qu’il nous échappe. Refusant d’être des esclaves du temps, des gens célèbrent désormais la lenteur. C’est la mode du slow: Slow food, Slow Schooling, Slow Travel. Un documentaire à écouter lentement. Vivre la lenteur, à TV5, le dimanche 28 octobre, 20h.

Vous croyez qu’il n’y a rien après la vie? Les témoignages entendus dans la série documentaire La Vie après la mort risquent de bousculer quelques-unes de vos certitudes. Deuxième épisode de huit à Canal D, le mercredi 31 octobre, 20h.