Achetez vert. Mais achetez.
C’est fou comme les grosses compagnies sont devenues vertes tout d’un coup.
Un jour, elles s’en sacrent. Le lendemain: "Pouf!" Le patron de Loblaw s’engage à faire disparaître un milliard de sacs de plastique d’ici un an. "Re-pouf!" Quebecor imprime ses livres sur du papier 100 % recyclé. "Paf!" Wal-Mart vend du bio. "Pif!" Coca-Cola s’associe au World Wildlife Fund (WWF) et finance des programmes de conservation de l’eau.
Dans un geste écocitoyen sans précédent, des géants de l’automobile, dont Ford, DaimlerChrysler et Toyota, nous invitent maintenant à rouler plus vert avec eux. Oui, les mêmes géants qui, en 2004, poursuivaient l’État de la Californie afin de renverser une loi limitant les émissions polluantes des voitures.
Parlant de cohérence, la deuxième plus grande pétrolière au monde, BP, a rafraîchi son logo il y a quelques années. C’est désormais un joli soleil vert et jaune qui rappelle vaguement une rose des vents, un tournesol, la nature, bref, tout sauf ce qui représente l’activité principale de la multinationale, soit le pompage d’une substance noire, visqueuse et officiellement non renouvelable.
Lorsque BP se peinturlure en vert alors que l’essentiel de ses activités tourne autour d’une ressource au coeur de nos plus urgents problèmes environnementaux, elle fait du marketing. C’est le vampire qui donne du sang à la Croix-Rouge. Enfin…
Le vaste coming out vert de la petite, moyenne et trop grosse entreprise n’a rien d’étonnant.
Un sondage réalisé dans 20 pays, mené par la firme Synovate et BBC World, nous apprenait récemment que 68 % de la population mondiale s’inquiète des changements climatiques. Ces préoccupations se traduisent par de nouvelles habitudes de consommation. On change ses vieilles ampoules pour des fluocompactes et sa minoune pour une voiture à faible consommation d’essence.
Un autre sondage, réalisé par Ipsos Reid pour le magazine Marketing (juin 2007), montre que 71 % des Canadiens achètent plus de produis dits "verts" qu’il y a un an.
Il y a une piastre à faire avec le vert. Les vendeurs du Temple le savent.
On peut bien douter de leur sincérité, mais c’est tout de même une bonne nouvelle que les entreprises décident de faire du marketing vert.
La publicité est le premier système culturel mondial. Chaque année, les grandes marques dépensent des milliards de dollars afin d’implanter dans l’esprit des masses un message, une idée, une valeur. Et ça fonctionne. Le marketing a tout de même fini par nous faire avaler qu’une belle femme devait tenir sur un support, et qu’un VUS tout-terrain était le véhicule idéal pour la vie en banlieue…
En se mettant au vert, la pub peut propager des valeurs écologiques avec beaucoup plus d’efficacité que toutes les campagnes de Greenpeace, d’Équiterre et de David Suzuki réunies.
Sauf que le marketing vert n’est rien de plus que du marketing traditionnel.
Dans toute bonne stratégie marketing, il faut un "facteur de différenciation", un argument béton qui distingue un produit de son concurrent. Dans une société où les consommateurs sont plus écolos que jamais, verdir un produit ou un service est un facteur de différenciation prévisible.
La pub fait peut-être du prêchi-prêcha environnemental, mais elle poursuit toujours le même objectif: vous faire consommer.
Ainsi, comme l’indiquent Joseph Heath et Andrew Potter dans Révolte consommée (Trécarré), un essai sur les mythes de la contre-culture, cette vague de produits verts, équitables, bios ou écomachins ne modifie en rien les principes mêmes du capitalisme et les bases de notre société de surconsommation.
La publicité peut bien vous dire d’acheter vert. Elle ne vous dira jamais que vous achetez trop.
TELE /
Stéphan Bureau livre une nouvelle entrevue d’une profonde humanité avec l’écrivain Dany Laferrière (voir notre entrevue dans nos pages livres). On le traîne à Montréal, Miami et Port-au-Prince, des lieux qui représentent pour l’homme autant d’espaces qui ont forgé son identité. À voir absolument. Contact, à Télé-Québec, le jeudi 1er novembre, 21h.
Le 1er novembre, c’est le 20e anniversaire de la mort de René Lévesque. En attendant la suite de la télésérie sur sa vie (prévue pour l’instant à l’automne 2008), Radio-Canada propose une édition de Tous pour un consacrée à l’homme politique (première partie le jeudi 1er novembre, 20h). De son côté, Télé-Québec rediffuse le grand documentaire de trois heures René Lévesque, héros malgré lui. Le dimanche 4 novembre, 20h.