Aut’Fréquences

Entre la conscription et l’ovation, une marge

 photo Sam Murdock

Son slogan est clair: Québec, la capitale de la relève. Le maire Régis Labeaume (il est vraiment partout) nous a répété cette vision depuis son entrée en fonction, citant au passage l'exode à Montréal de sa fille qui s'active au sein du groupe punk Shortpants Romance.

L'initiative Première Ovation a ensuite vu le jour en 2008, avec une enveloppe de trois millions de dollars étalée sur trois ans, mettant en place un réseau de soutien aux diffuseurs déjà établis à Québec, tels que le Palais Montcalm et le Théâtre Petit Champlain. Comment critiquer cette initiative? La cause est noble et personne dans le milieu artistique ne s'en plaindra, au contraire.

En 2010, deux projets ont illustré la volonté culturelle de Première Ovation en ce qui a trait à la musique. Tout d'abord, la création de l'Ampli de Québec et du Volet Pro (l'école du rock) au mois d'octobre et, par la suite, la mise sur pied d'un nouveau festival artistique multidisciplinaire, Relève en Capitale, qui s'est tenu en décembre. Passons sur cette dernière manifestation, on s'y attardera plus tard.

Le producteur et gérant Richard Samson (Lost Fingers, Jonathan Roy) est à la tête du Volet Pro de l'Ampli. Quatre "étudiants" ont été choisis, dont l'auteur-compositeur-interprète Philémon, et auront ainsi accès à une forme de stage de perfectionnement. Philémon a déjà participé aux ateliers de formation 5 fois 5 au Petit Champlain, à Petite-Vallée et au Festival de la chanson de Tadoussac. Il a sorti cette année le disque Philémon chante… Les sessions cubaines. L'expérience est là.

Le modèle d'affaires des Lost Fingers ou de Pascale Picard peut-il s'appliquer à Philémon ou à d'autres dans son genre? Permettez-nous d'en douter. Peut-être l'artiste aura-t-il la chance de trouver sa niche, mais sa direction artistique risque de le cantonner à un succès d'estime qui rallie rarement le vaste public.

Pour le succès, surtout quand on penche pour ce type de pop romantique, il faut s'attendre à crever la dalle en restant à Québec, avec ou sans aide, et malgré la volonté d'un programme qui voudrait freiner l'exode vers la métropole. Mais on peut quand même douter des résultats en ce qui concerne la musique. Dans le cas de Philémon, je m'en remettrais à la providence.

Lorsque je vois des groupes se défoncer (sur la scène) et s'obstiner avec les moyens du bord, je trouve cette stratégie quelque peu réductrice. Dance Laury Dance, Shampouing, Keith Kouna, le pianiste jazz Vincent Gagnon, L'Orchestre d'hommes-orchestres, Isabeau et les Chercheurs d'or, I.No, Who Are You, Jeanphilip, Millimetrik, Tire le coyote, LaTourelle Orkestra, Guillaume Tondreau, Jane Ehrhardt, Forgotten Tales, Sam Murdock… Ils n'incarnent pas la "relève" – on n'est pas dans la fonction publique. Ils sont là. Ils n'attendent pas nécessairement le mécène: ils font à leur tête, et foncent droit devant.

Le monde de la musique, c'est le bordel. Tout le monde apprend sur le tas, les producteurs compris. C'est un monde d'idéalistes, de parasites, d'hommes d'affaires et… de subventions. La musique, c'est un choix. Parrainage ou pas, l'artiste sera peut-être assez opportuniste pour se payer, le moment voulu, en participant à Relève en Capitale par exemple. Ensuite? Il ira s'installer à Montréal, et là, ce sera un job à temps plein, et encore…