Les hommages se multiplient sur la planète jazz. On revisite les grands noms et on actualise le tout au goût du jour. Parfois l'exercice vaut le coup, d'autres fois on se retrouve devant une énième relecture factuelle, c'est selon. Les répertoires de Billie Holiday, Miles Davis et John Coltrane sont sans doute les plus prisés par les virtuoses. On pense aux interprètes Dee Dee Bridgewater (Holiday) et Kurt Elling (Davis et même les Beatles sur son dernier album The Gate), ainsi qu'aux saxophonistes Joe Lovano et Rémi Bolduc (un Québécois) pour leurs derniers opus respectifs consacrés à Charlie Parker. L'âge d'or du jazz ne cesse d'être une source d'inspiration.
Parfois, certaines directions artistiques nous paraissent plus téméraires et audacieuses. C'est le cas du travail du saxophoniste (soprano, ténor) David Liebman, qui a fait une synthèse bien personnelle de l'univers musical d'Ornette Coleman il y a deux ans. Intitulé Turnaround, le disque touche aux albums Something Else!!! (The Blessing), Tomorrow is the Question! (Turnaround), The Shape of Jazz to Come (Lonely Woman) et Change of the Century (Una Muy Bonita). Quatre disques qui allaient devenir le préambule d'une révolution esthétique qui s'est incarnée avec la parution de Free Jazz au début des années 60.
Liebman évite de revenir sur ce dernier album dont la pochette reproduisait une toile de Pollock. En effet, difficile de reproduire cette joute d'improvisation libre qui employait deux quartettes en symbiose. L'intention était plutôt de valoriser l'attitude frondeuse d'un Coleman qui, en parallèle avec Coltrane, était en train d'écrire un nouveau traité d'harmonie tout en posant de nouvelles balises pour l'avant-garde. Le free jazz était né.
S'inspirer de ce chapitre aujourd'hui est fondamental. Avec le temps, les mours changent et l'écoute aussi. Il ne fait aucun doute qu'Ornette Coleman et son quartette étaient en avance sur leur temps. Les mélomanes et les critiques de l'époque semblaient curieux, mais surtout excités par cette nouvelle vague qui faisait son apparition. Et les propriétaires d'Atlantic Records, les frères Ertegun, ont sans doute signé Coleman à la fin des années 50 en se disant: "Si ça dérange, ce doit être intéressant."
La lecture que font David Liebman et son quartette (complété par le guitariste Vic Juris, le contrebassiste Tony Marino et le batteur Marko Marcinko) de cette ouvre vaut le déplacement. C'est un regard neuf sur une matière brute qui est faite pour être métamorphosée et restructurée. Sans compter que Liebman cumule déjà plus de 40 années de carrière et qu'il a fait ses classes dans le giron de Miles Davis, McCoy Tyner et Chick Corea… Au Largo, le 19 mai à 20h.
À surveiller: FIMAV
Le Festival international de musique actuelle de Victoriaville se tient jusqu'au 22 mai. Les nostalgiques de la formation postindustrielle Einstürzende Neubauten pourront renouer avec le percussionniste du groupe, FM Einheit, qui sera en duo le 19 avec eRikm aux platines. Et les amateurs de Robert Wyatt seront servis avec le collectif Comicoperando qui lui rend hommage le 22. Il y a beaucoup plus au menu. Pour les détails: fimav.qc.ca.
***photo Pin Lim