Ballon d’essai

Un peu de tendresse…

Les danseurs-contact Catherine Lessard, Isaac Savoir et Louis Guillemette. Photo Véro BoncompagniÊtre dans sa bulle est un concept répandu de nos jours. Du matin au soir, on évolue entre le métro/vélo-boulot-dodo en longeant les murs, en évitant les "collisions" avec les autres. Si d'aventure on se trouve coincé en sardine dans un wagon ou un ascenseur surchargé, on grimace de dédain pour ensuite se laver les mains au Purell. J'exagère. À peine. Je ne peux que m'inclure (sauf le désinfectant) dans cet inconfort généralisé devant ces attouchements accidentels et non sollicités. Expérimenter le contact improvisation n'allait pas être de tout repos, je le craignais. Mais comment expliquer… une propension à sortir de sa zone de confort?

Le langage des corps

Je rejoins Catherine Lessard, enseignante de contact improvisation, au studio Fleur d'asphalte, rue Saint-Hubert. Avant que le cours commence, je tente de démystifier cette pratique que l'on dit "à mi-chemin entre la danse, les arts martiaux, la gymnastique et le psychocorporel". Points d'interrogation… La danseuse et chorégraphe répond à mes questions tantôt avec philosophie, tantôt par d'autres questions. "C'est non pas une technique mais une recherche personnelle, physique, qui permet d'explorer comment fonctionne le corps dans son environnement", résume-t-elle. Il n'y a donc pas de règles établies, bien que ses fondateurs – des danseurs professionnels dont Steve Paxton, élève de Merce Cunningham – aient créé en 1972 les bases, les patterns. Bon, bon, je ne suis toujours pas très avancée dans ma compréhension de la forme. Dansons, maintenant.

Je gagne le studio où les participants – une quinzaine dont la plupart des trentenaires – se réchauffent: on pousse des soupirs, on bâille bruyamment, on s'étire… "Je vous laisse encore cinq minutes pour "arriver"", lance Catherine. Voilà un concept intéressant: suis-je bien ici, à 100 %?

L'exercice premier nous invite à explorer les extrémités de notre kinésphère, cette bulle invisible – j'y reviens! – qui nous entoure, en gardant un pied bien ancré au sol. Rapidement, mes comparses s'activent et entament une danse libre et improvisée – beaucoup de mouvements au sol – suivant cette directive. J'obtempère. La recherche: faire fi des apparences, de l'esthétisme, des mouvements formatés pour laisser le corps inspirer les gestes, le rythme, l'intention.

Nouvelle piste d'exploration: on bouge maintenant dans l'espace en pénétrant les sphères des autres. Voilà que surviennent les premiers contacts: je me retrouve dos à dos avec une personne, mon pied touche la tête d'une autre, une main pousse mon bras… La forme nous incite à "observer" comment notre corps réagit à l'impact, comment il répond, instinctivement. Je comprends le principe, mais ne peut m'empêcher de chercher le cadran du regard… Ça doit être que je ne suis pas totalement "arrivée", en éveil. Pour les exercices suivants, l'enseignante nous fera rouler sur le sol avec des consignes: relâchement complet, un partenaire fait des pressions sur notre taille pour marquer les points de gravité, les mains et pieds ne doivent pas quitter le sol, etc. On pousse alors l'exploration sur la façon dont le corps s'organise pour ordonner ces puzzles.

L'atelier prend fin mais la soirée est toute jeune puisqu'elle s'ouvre sur un jam. Cinq personnes joignent le groupe et Catherine donne le thème du jam: "franchir le mur du décrochage", illustre-t-elle pour inciter les danseurs-contact à se laisser heurter, déranger, provoquer, tout en continuant à être dans la danse. En novice que je suis, je reste inerte et observe plutôt les corps se mouvoir. Or, avant de m'extirper de ce microcosme sensitif, je plonge une dernière fois dans cette mer de monde. J'essaie de concentrer mon attention sur mon improvisation en ne tenant pas trop compte de mes partenaires de jeu, tout en me laissant influencer par leur contact. Soulèvements, tapotements, accidents, heurts. Les regards se croisent, les corps parlent.

Album-souvenirs /

-Le contact improvisation se fait sans musique. Bien qu'austère au premier abord, le silence nous aide finalement à entrer dans un état méditatif et à danser impulsivement. Or, c'était plus fort que moi, un "beat" me bourdonnait dans les oreilles.

-Prenant racine dans les années 70, le contact improvisation jouit d'un esprit flower power: pas de règles, les pieds nus, on "rencontre" l'autre sans s'inscrire dans une dynamique de compétition ou d'apparence… Belle manière de communiquer sans user de mots, de dialoguer avec son corps, de briser l'isolement.

-Laisser parler le corps: ce n'est pas un concept évident à assimiler, mais ô combien révélateur lorsqu'on s'y abandonne. Une deuxième séance m'aurait sans doute été nécessaire pour que j'y prenne plus de plaisir, que je fasse confiance à mes instincts, à mes forces et faiblesses.

Adresses /

Association de contact improvisation: 4552, avenue de l'Esplanade, Montréal, 514 762-3634, www.contactimpro.org

Le 28e Festival de contact improvisation de Montréal aura lieu du 1er au 12 novembre. Consultez le site de l'Association pour connaître les dates des jams, stages et performances (FaceBackProfil le 5 novembre). La prochaine session de cours de contact improvisation avec Catherine Lessard s'ouvre le 27 janvier 2011.