En 2010, Montréal a astiqué ses mille et une facettes de verre de sorte à leur redonner leur brillance naturelle. Matériau qui s'inscrit dans la génétique même de la métropole avec ses représentations architecturales, artistiques ou même scientifiques, le verre se révélait cette année plus que jamais sous son meilleur jour. Afin de pousser la fascination un peu plus loin, je me suis rendue à l'école-atelier Espace Verre pour suivre le cours d'introduction au verre, question d'apprivoiser cette matière complexe, coûteuse et capricieuse…
La cueillette du bonheur
Niché dans un coin industriel de Pointe-Saint-Charles, Espace Verre occupe l'ancienne caserne no 21, qui date de 1912, entièrement rénovée en 2009. Aussitôt arrivé, le groupe de participants (une quinzaine) fait plus ample connaissance: un bureaucrate bientôt à la retraite aimerait travailler de ses mains, une artisane du vitrail souhaite valoriser les artefacts hérités de la ferme familiale; trois copines célèbrent l'anniversaire de l'une; une fille et son père à la fibre artistique désirent passer du temps ensemble… La plupart nourrissent simplement une curiosité pour cette matière ancestrale.
La professeure et artiste verrière Angela Casalino (diplômée ici même) nous entraîne vers la galerie et la boutique pour contempler des ouvres contemporaines et aborder ainsi les différentes techniques que nous effleurerons aujourd'hui. On visite ensuite l'atelier à chaud: des artistes dans le feu de l'action soufflent des bulles de verre rougeâtres qui semblent sur le point d'exploser. "On se brûle une fois au début, lors de notre première année", relate Angela. C'est non sans regret qu'on s'extirpe de cette salle impressionnante avec ses fours et son feu où Nicole Trudel-Marion aura soufflé sous nos yeux une demi-douzaine de boules de Noël multicolores. "Cueillette du bonheur", peut-on lire sur la fournaise de verre. On adhère.
Premier exercice de la journée: le thermoformage. On assemble de petites lamelles de verre compatible qui seront plus tard laminées dans un four en céramique. Deuxième exercice – de loin le plus excitant! -, la confection de perles au chalumeau. Je choisis des tiges de verre Morretti coloré et réchauffe progressivement la première à la flamme jusqu'à ce qu'elle forme une goutte écarlate que je dépose sur ma tige de travail. Il en va de même pour les suivantes: les couleurs se mêlent, le verre fond comme du caramel. Oups, je l'ai trop chauffé ici – aïe, la tige a craqué. Je réalise deux perles miniatures avec fièvre: les mains sont en constant mouvement rotatif, les yeux sont rivés sur la bille difforme. "Avec le verre, il faut être à la fois lent et rapide", répète Angela.
Troisième et dernier exercice de la journée: la gravure au jet de sable. Après avoir dessiné et découpé un motif sur le masque d'une plaquette de verre, on le dépose dans un cabinet de jet de sable où on empoignera un fusil à travers d'énormes gants de plastique. À l'aide d'une pédale à air, on envoie le jet vers notre futur sous-verre personnalisé. Le mien: le profil d'une ville avec ses gratte-ciels. Le résultat est stupéfiant, si bien qu'on en créerait bien une série pour la maison!
Après une grosse journée remplie où on a aussi effleuré les techniques à froid, la pâte de verre et les types de peintures sur verre, les participants affichent un air satisfait. Les artistes dans l'âme consulteront avec entrain la liste des cours pour une immersion plus approfondie. Les autres (j'en suis) auront gonflé leur admiration envers les artistes verriers, en plus d'élargir leurs connaissances de spectateur pour l'art du verre.
Album-souvenirs /
-Lorsqu'elle décrit sa matière première, Angela Casalino donne l'impression de parler d'une entité vivante: "Le verre est capricieux, il ne supporte pas les changements brusques de température. Il a une mémoire, il ne pardonne pas. Il faut l'apprivoiser et comprendre son comportement pour arriver à en faire ce qu'on veut."
-Je garde vivement en mémoire l'ouvre Parc à chiens de Catherine Labonté exposée dans la galerie: des chiens colorés en pâte de verre sont emprisonnés dans un dôme en verre soufflé sur lequel repose une borne-fontaine fusionnée à chaud. Un tiroir sort de la structure dans lequel on trouve un frisbee. Du verre à croquer! L'exposition Montréal, la ville est en montre à la Galerie Espace Verre jusqu'au 14 janvier 2011.
-La veille de la rédaction de cette chronique, le paquet arrivait dans ma boîte aux lettres: restera plus qu'à trouver un cordon noir pour pendre ce petit bijou en verre laminé aux allures orientales à mon cou!
Adresse /
Espace Verre:1200, rue Mill, Montréal, www.espaceverre.qc.ca
L'horaire des cours de fin de semaine 2011 sera affiché dès le 1er décembre. Les 5, 12 et 19 décembre, vous pourrez souffler votre propre boule de Noël avec les couleurs de votre choix pour 25 $, avec l'aide d'un artiste verrier. Réservations requises: 514 933-6849