Ballon d’essai

Chasse aux champignons

Et dire qu'enfant, leur odeur douteuse, leur texture caoutchouteuse et leur grise couleur dans l'assiette me rebutaient. Aujourd'hui, je raffole des champignons, que je cuisine aussi souvent que possible. Par amour pour ces végétaux dont je ne connaissais qu'une dizaine de variétés comestibles, j'ai voulu me coller à des experts qui organisent des sorties combinant randonnée en forêt, cueillette et dégustation. Rendez-vous à la Mycoboutique rue Rachel, point de départ d'une formidable journée enrichissante.

Hors sentier

Ouverte en 2006 par Pierre Noël, la Mycoboutique organise depuis trois ans, dans un rayon de 100 km de Montréal, des excursions en forêt pour les amateurs, initiés ou non. En ce dimanche du mois d'août, on se dirige vers Eastman, plus précisément sur les terres de 175 acres de l'auberge Entre cîmes et racines. Nous sommes une vingtaine de participants, dont la moitié s'est retrouvée à la boutique pour faire du covoiturage. Judith Noël, directrice de la Mycoboutique et biologiste, procède à une introduction à la cueillette avant de distribuer couteaux, paniers et sacs de papier à ceux qui n'en avaient pas. Le mot d'ordre: on évite les champignons blancs et les PCB, pour "petits champignons blancs", souvent inintéressants. Sinon, tout peut être cueilli et récolté pour analyse ultérieure. Jean-François Girard, guide de plein air, nous explique les mesures de sécurité en nous remettant un sifflet jaune et lance la chasse! Bottes de marche aux pieds, bouteille d'eau et imperméable dans le sac à dos, je suis la troupe d'apprentis cueilleurs hors des sentiers.

Au départ, je ne sais trop où je dois chercher. Les champignons aiment les zones humides et poussent souvent au pied des arbres, ai-je retenu. Au fil des découvertes de mes camarades (qui semblent plus doués que moi), je commence aussi à scruter les troncs d'arbres, les mousses, sous les plantes… Judith nous réunit pour nous présenter un bouleau parasité au chaga, un champignon aux vertus médicinales qui peut être un substitut du café.

Je mets enfin la main sur un champignon que Judith identifie comme une russule non comestible à l'odeur d'amande ou d'amaretto. Des tricholomes, des amanites sont aussi trouvés, de même qu'une première chanterelle que tous envient à son cueilleur…

Nous changeons de boisé pour découvrir d'autres espèces telles que le clitocybe lumineux, le bolet poivré, mais les découvertes se distancient de plus en plus. L'heure du lunch approche et on n'a pas le nécessaire à une belle poêlée de champignons comestibles.

L'orage approche

Après un repas sans champignons, Judith suggère de se transporter à Saint-Étienne-de-Bolton pour cueillir sur les terres du chalet familial qui profite d'un climat continental-humide. Sous un ciel de plus en plus menaçant d'orage, nous marchons à travers de hautes fougères pour rejoindre une forêt hirsute à la flore diversifiée (les champignons aiment le désordre!). Parce que ça fait aussi partie de l'expérience du cueilleur: s'égratigner la peau pour se faire un chemin dans les bois denses afin de trouver des petits bijoux sauvages. Mon panier se remplit d'autres espèces telles le coprin noir d'encre (qui tache les doigts!), la russule rose, le calvaire doré, etc.

Nous nous réfugions au chalet juste avant que l'orage ne tombe pour disperser toutes nos récoltes sur la table (et ma foi, c'est abondant!). L'après-midi a été à ce point fructueux que nous profiterons de plusieurs poêlées: délicieuses chanterelles (commune, des marais), bolet peint (au goût viandeux), clitopile petite prune (mon préféré), reichi… On termine la dégustation par une infusion de trametes versicolor, qui rappelle le plus doux des thés japonais. La découverte de l'année pour Judith!

Aussi active qu'instructive et passionnante, la journée m'a permis de démystifier le monde de la mycologie, en plus de découvrir une bonne vingtaine de nouveaux champignons, dont quelques comestibles à cuisiner absolument! Et puisqu'il y a beaucoup plus à faire avec les champignons forestiers qu'une savoureuse poêlée au beurre, rendez-vous à la Mycoboutique qui propose sablés, huile infusée, mousse glacée, pâtes farcies et même farine aux champignons, en plus des articles en tout genre pour mycologues d'un jour ou de toujours…

Album souvenir /

– Zéro culpabilité: cueillir un champignon entier, c'est comme cueillir le fruit du pommier. On n'affecte aucunement le mycélium (racines) sous terre qui assure son renouvellement.

– Une activité sensuelle que cette cueillette de champignons! On scrute, on touche, on extirpe, on sent, on goûte, on cuisine, on mange… Les termes utilisés dans les livres pour décrire les champignons sont aussi des plus suggestifs: l'amanite vaginée, l'inocybe spermatique…

– La banale découverte qui a fait ma journée: le polypore des artistes sur la surface duquel on peut faire un dessin ou une peinture…

Adresses /

Mycoboutique: 16, rue Rachel Est, Montréal, 514 223-6977, mycoboutique.ca

Entre cîmes et racines: 80, chemin Simard, Eastman, 1 866 297-0770, entrecimesetracines.com