Et roulent les filles
Ballon d’essai

Et roulent les filles

Exit les bas résille, le maquillage trash et les minijupes pour les joueuses étoiles de roller derby montréalaises. Depuis qu’elles affrontent les meilleures équipes américaines et anglaises lors des tournois internationaux, la ligue Montreal Roller Derby (MTLRD) prend son sport encore plus au sérieux. Pour aller voir de quel bois se chauffe les New Skids on the block, considérée meilleure équipe au Canada, je me suis rendue au Taz pour sa dernière pratique avant le tournoi régional à Baltimore, la finale de la Women’s Flat Track Derby Association des équipes de l’Est.

Dures à cuire

Théâtral, festif et agressif, le roller derby tel que pratiqué aujourd’hui est beaucoup plus sportif que son ancêtre, créé à Chicago dans les années 30. Après le déclin des années 70, le sport est revenu en force en 2000, dans une version qui met en vedette une femme forte et combattante arborant un look punk-glam provocant. Or les filles que j’ai rencontrées au Taz affichaient plutôt le look et la forme athlétique.

Elles arrivent pour la plupart en vélo. Enfilent leur combinaison: camisole et legging avec des éclairs vert et rose fluo (couleurs de l’équipe). Des protecteurs aux coudes, aux genoux. Casque et protège-dents. Dans la vie, elles sont médecin, boulangère, architecte, ingénieure, infographiste. Sur patins, elles sont Nameless Whorror, Iron Wench, Georgia W Tush, Charlotte Bruise-a-lot… Et elles en imposent.

Avant de commencer la pratique, Ti-Loup, nouvelle recrue des Skids, accepte de faire quelques tours de piste avec moi. J’enfile la protection habituelle (en ajoutant les poignets, prudente) et tente de m’ajuster aux patins à quatre roues… Vous savez avec le butoir avant en guise de frein? Je finis par trouver mon erre d’aller. Leçon #1: Toujours garder les genoux fléchis pour rester stable lorsque l’adversaire vous plaque (Ti-Loup n’ira pas jusque-là). Leçon #2: avoir des yeux partout! (pour l’instant, les miens visent le sol!)

Leçon #3, ai-je envie d’ajouter, savoir tomber. «On l’apprend lors du camp d’entraînement où l’on voit aussi comment frapper, patiner, tomber et se relever rapidement», me confirme plus tard l’imposante et tatouée Trash n’Smash, cofondatrice de la MTLRD.

Les jams La pratique commence. «Après des étirements, les Skids font plusieurs mises en situation, d’abord au ralenti, puis à pleine vitesse. Les patineuses pratiquent des feintes et blocages de toute sorte, des exercices conçus spécifiquement pour battre l’équipe de Pittsburgh le vendredi qui suit.

Règles de jeu. Sur une piste ovale et plane, cinq joueuses de deux équipes s’élancent. La «jammeuse» de chaque équipe tente de dépasser les quatre bloqueuses de l’équipe adverse pour compter des points. Deux périodes de 30 minutes elles-mêmes divisées en «jams» d’environ deux minutes constituent un match. Des règles et pénalités viennent évidemment compliquer l’affaire.

Un jeu d’échec sur roulettes. «Comme au football, les non-initiés ne voient que des filles qui se frappent, mais en vérité, c’est très stratégique. C’est le seul sport où l’attaque et la défense sont jouées simultanément», expose Ti-Loup.

Parmi les joueuses venues me faire causette, Smack Daddy m’explique la tactique du genou à terre permettant d’accélérer le début du jam. «Il faut toujours jouer avec les règlements et repenser notre stratégie», confirme-t-elle. Pour cette ex-athlète universitaire aujourd’hui propriétaire de bar, le roller derby a imposé une autre approche au sport. Elle apprécie particulièrement la communauté d’ouverture que le derby réunit et sa grande diversité (sexualité, carrière, statut et âge). L’entraide aussi qui règne entre elles.

Je quitte la bande en ayant la ferme intention de suivre leur tournoi en direct sur le Web. Le verdict au moment d’écrire ces lignes: elles se sont inclinées devant Pittsburgh 88-134. Qu’à cela ne tienne, «à chaque fois qu’on perd, c’est pour revenir plus fort», dixit Smack Daddy à l’issue du match, qui promet que les Skids se rendront au championnat national l’an prochain.

Autre certitude: cette incursion a suffi pour faire de moi une nouvelle mordue de derby. Je serai parmi les nombreux fans dans les estrades lors des prochains matchs locaux où s’affrontent les trois équipes maison: La Rocaille, Contra-Banditas et Filles du Roy. J’ai déjà mes joueuses favorites… Et vous?

Album souvenir /

-Le derby, un sport démocratique. Les membres de la ligue doivent être impliquées dans au moins un comité pour faire rouler l’organisation. Lors des pratiques, toutes les joueuses ont voix au chapitre.

-Chaque match est suivi d’un afterparty avec un repas (souvent végétarien) arrosé. Lors des tournois régionaux, des équipes se mettent au défi lors d’un «danceoff» où elles s’affronteront avec des chorégraphies provocantes.

-Derby News Network: l’équivalent de CNN pour les joueuses de roller derby. Pour suivre les équipes montréalaises lors des tournois et pour tout connaître de l’univers derby. derbynewsnetwork.com

Adresses /

Ligue Montréal Roller Derby (MTLRD): mtlrollerderby.com

Le Taz: 8931, avenue Papineau, Montréal, taz.ca

Women’s Flat Track Derby Association: wftda.com