Parce qu’on a le choix
Nous serons quatre. À tour de rôle et à force de mots, nous tenterons de faire virer le vent. Celui du cynisme ambiant qui trop souvent fait tanguer la société vers l’abdication. La chronique Antidote présentera donc des réflexions et des pistes de solutions pour nous conduire au monde que nous souhaitons à nos enfants et tous ceux qui suivront.
L’environnementaliste Steven Guilbeault, la présidente, chef de direction et porte-parole de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain Isabelle Hudon, l’économiste et activiste François Rebello et moi-même, écosociologue et auteure, nous relaierons sur des sujets différents. Nous traiterons d’environnement, d’économie et de société: les trois piliers du développement durable. Dans cet esprit, nous occuperons l’espace chacun à notre façon. Merci à Voir de nous l’accorder avec autant de liberté.
PREMIER SUJET
Alors je saute et m’empare d’un sujet. Il est d’actualité: les projets de ports méthaniers. Bien que la problématique énergétique soit complexe, plus je l’analyse et plus j’ai l’impression que nous sommes en train de nous faire passer un sapin, une branche à la fois. Un port méthanier par ici, un port méthanier par là, et l’on discute d’un troisième au Saguenay. Chaque projet est analysé et autorisé à la pièce, sans vue d’ensemble et sans cohérence avec une politique énergétique qui regarde vers l’avenir. Plusieurs centaines de milliers de dollars en fonds publics et en temps investis par les citoyens ont été dépensés pour évaluer les projets de Cacouna et de Rabaska, avant même que le Québec se soit posé la question: avons-nous besoin de ports méthaniers? Il faut aussi se demander s’il est pertinent, pour un État qui contrôle sa richesse énergétique et la partage équitablement dans la société depuis plus de 40 ans, de laisser glisser une part grandissante de ses intérêts entre les mains de multinationales principalement étrangères.
Nous avons pourtant le choix. Contrairement à plusieurs régions du monde, le gaz n’est pas une solution écologique pour le Québec puisque nous possédons d’autres options beaucoup plus durables. Entre le moins pire et le meilleur, nous devons choisir le meilleur. Certes, le gaz naturel produit moins de gaz à effet de serre que le mazout, mais il n’est pas pour autant la panacée, surtout s’il nous arrive par méthaniers de Russie et d’Afrique du Nord.
Il y a d’abord l’efficacité énergétique. Nous figurons parmi les plus gros consommateurs d’énergie au monde. Comparons-nous à la Suède ou à la Norvège, deux pays nordiques similaires au Québec à maints égards: conditions climatiques semblables; portion de leur consommation globale d’énergie occupée par l’électricité aussi, sinon plus importante qu’ici; niveau de vie de leurs habitants et vigueur de leur économie comparables, sinon supérieurs aux nôtres; etc. Malgré toutes ces similarités, ces pays consomment la moitié moins d’énergie que le Québec, autant en matière de consommation par habitant qu’en matière de consommation par unité de production.
Il n’est donc pas étonnant que les experts en énergie soutiennent que le Québec a tout intérêt à investir dans la production de néga-watts, formule utilisée pour décrire l’énergie économisée pouvant combler la croissance de la demande sans recours à de nouvelles centrales ou à de nouveaux achats. Le potentiel économiquement rentable de l’efficacité énergétique est évalué, selon les consultants d’Hydro-Québec, à plus de 23 TWh/année, soit l’équivalent de quatre fois le défunt projet du Suroît! Des efforts semblables visant la consommation directe de gaz, pour le chauffage et pour l’industrie, pourraient donc éliminer le besoin de nouvelles sources d’approvisionnement.
Autre solution de rechange à l’importation de gaz naturel? La production locale d’énergie verte. Là encore, le Québec est loin d’avoir atteint son plein potentiel. Pensons entre autres à la géothermie, au solaire thermique et passif et au biogaz. Le biogaz peut d’ailleurs être utilisé de la même manière que le gaz naturel, tout en libérant 50 % moins de CO2. Cette technologie permet de récupérer de l’énergie autrement gaspillée en valorisant des déchets, des boues de stations d’épuration, des déjections animales ou des résidus agricoles. Sans être irréprochable, puisqu’elle peut contrevenir aux efforts de réduction des déchets, cette technologie est, d’un point de vue environnemental, beaucoup plus intéressante que l’importation de gaz naturel liquéfié.
Quant à moi et à ma petite famille, qui habitons un appartement chauffé au gaz, ce ne sera peut-être plus pour longtemps. Nous allons changer notre vieille fournaise pour un système de chauffage plus écologique. Nous regarderons du côté de sources d’énergie renouvelables et plus acceptables socialement. N’ai-je pas dit qu’acheter, c’est voter?
La semaine prochaine : Isabelle Hudon