Dans moins d’un mois s’ouvre à Bali la prochaine séance de négociation sur les changements climatiques et l’un des principaux enjeux porte justement sur la deuxième période de Kyoto.
Une étude récente publiée dans la prestigieuse revue scientifique Nature remet en question l’efficacité du Protocole de Kyoto et propose d’abandonner ce dernier au profit d’une autre entente internationale dite "plus flexible". De plus, un bilan mondial des émissions de gaz à effet de serre (GES) publié par les Nations Unies montre que, malgré certains efforts, les émissions de GES continuent d’augmenter.
Le contenu de ces nouvelles a été largement repris par la presse mondiale et les détracteurs de Kyoto en ont évidemment fait leurs choux gras. Qu’en est-il vraiment?
Le Protocole de Kyoto a été adopté le 11 décembre 1997 vers 16 h. Je m’en souviens comme si c’était hier. Nous avions assisté à un marathon de négociation comme j’en ai rarement vu, alors que plusieurs d’entre nous avaient passé plusieurs nuits blanches d’affilée. Aujourd’hui, plus de 168 pays l’ont ratifié, bien que sa mise en oeuvre tarde toujours à se manifester dans certains pays.
Est-ce que le Protocole de Kyoto vise à réduire les émissions de GES pour l’ensemble des pays de la planète? Oui et non. Oui, parce l’objectif ultime du Protocole et de la Convention de Rio sur les changements climatiques est de "prévenir toute interférence humaine dangereuse avec le système climatique global" et que l’ensemble des pays signataires doivent mettre de l’avant des mesures pour réduire, ou limiter, leurs émissions de GES. Non, parce que le Protocole ne prévoit pas d’objectifs de réduction des émissions pour tous les pays.
Pourquoi ne pas avoir adopté des cibles de réduction pour l’ensemble des pays? Pour la simple et bonne raison que la responsabilité historique, et donc la contribution au problème du réchauffement, est très différente pour les pays du Nord versus les pays du Sud. En termes onusiens, on parle de "responsabilité commune mais différenciée". Les pays industrialisés sont responsables d’environ 80 % de l’accumulation des GES dans l’atmosphère alors qu’ils ne représentent que 25 % de la population mondiale. Les pays membres de l’ONU se sont donc entendus pour que ce soient les pays industrialisés qui prennent d’abord le leadership de la réduction des émissions, puisqu’ils disposent de beaucoup plus de ressources financières, techniques et humaines pour relever ce défi. L’entente tacite entre les pays du Nord et du Sud était: "Vous y allez les premiers et si vous nous faites la preuve que vous êtes sérieux, nous vous suivrons dans cette voie." En un mot, la Chine et l’Inde n’ont pas causé ce problème, cette responsabilité, c’est celle des pays industrialisés, donc la nôtre.
Dix ans après l’adoption de Kyoto, on constate que les États-Unis, le plus important pollueur de la planète, ont décidé de ne pas ratifier le Protocole. On constate également que l’Australie, qui avait réussi à négocier une augmentation de 8 % de ses émissions de GES au-dessus des niveaux de 1990, ne l’a pas ratifié non plus, et finalement que le Canada a augmenté ses émissions de plus de 25 %, alors qu’à partir de l’an prochain, nous devrions être 6 % sous les niveaux de 1990.
Je ne sais pas pour vous, mais je ne sens pas beaucoup de leadership de la part de ces trois pays. Est-ce la faute au Protocole de Kyoto, à son manque de flexibilité, ou encore, comme l’ont si souvent affirmé messieurs Bush et Harper, "parce que la Chine et l’Inde n’ont rien fait…"?
Cela étant dit, nous savons maintenant des choses que nous ne savions pas en 1997, à savoir que le problème des changements climatiques est beaucoup plus important, qu’il se manifeste beaucoup plus vite que prévu et que le temps nous est compté. Le rapport publié cette semaine par les Nations Unies nous rappelle que les émissions globales de GES devront plafonner d’ici 2015 et que nous devrons les réduire de 50 à 85 % d’ici 2050.
Dans moins d’un mois s’ouvre à Bali la prochaine séance de négociation sur les changements climatiques et l’un des principaux enjeux porte justement sur la deuxième période de Kyoto, soit après 2012. Dans cette optique, l’Union européenne s’est déjà engagée à réduire ses émissions de 20 à 30 % sous les niveaux de 1990 d’ici 2020 et elle invite le Canada à faire de même, plutôt que d’atteindre les cibles de Kyoto de moins 6 % quelque part en 2026, comme le prévoit le plan Harper (si on peut appeler ça un plan). Pour une fois, souhaitons que M. Harper écoute les Européens plutôt que son ami George.