Cinémaniaque

Pour la suite du monde. 50 ans plus tard

Dans la filmographie internationale, le plus grand apport du cinéma québécois s’avère sans contredit le cinéma direct. Et parmi ses plus remarquables figures se trouve Pierre Perrault qui, en 1962, suivant la proposition de l’ONF d’aller tourner un documentaire sur les habitants de L’Isle-aux-Coudres, signa l’une des plus belles pages de l’histoire de notre cinéma. Accompagné de Michel Brault, coréalisateur, et des caméramans Marcel Carrière et Bernard Gosselin, Perrault partit à la rencontre des familles Tremblay et Harvey. Avec les aînés du village, il allait faire revivre une tradition reléguée aux oubliettes par les jeunes, la pêche au marsouin.

Dans Le dictionnaire du cinéma québécois de Michel Coulombe et Marcel Jean, Pierre Véronneau écrit ceci à propos de Pour la suite du monde: «En proposant un trait d’union entre la civilisation traditionnelle et le présent, le cinéaste redonne racine et voix à un peuple dépossédé, qui avait néanmoins laissé partout des traces de sa singulière poésie: les récits des pêches traditionnelles sur le fleuve, les ”voitures d’eau”, etc. Le direct, plus particulièrement celui de Perrault, s’inscrit au cœur de la résurgence du nationalisme québécois.»

Que pourrais-je ajouter à cela, sinon que ce week-end, L’Isle-aux-Coudres soulignera le 50e anniversaire de ce chef-d’œuvre du cinéma direct. Parmi les activités, il y aura une projection du film sur écran géant, des feux d’artifice sur la trame sonore de Jean Cousineau et Jean Meunier, de même qu’un hommage à la pêche au marsouin au cours duquel sera inauguré le monument Planteur de harts du sculpteur Martin Brisson. Il paraît même que Michel Brault, Marcel Carrière et Werner Nold, monteur de Pour la suite du monde, seront des célébrations. Dites, vous me raconterez si vous y allez? Renseignements: grandetraversee.com.

/

Le goût des autres

La semaine dernière, à la une du Voir, vous avez pu admirer le talent de Geneviève Perron, directrice photo de Camion de Rafaël Ouellet. Ayant récolté des critiques élogieuses, ce quatrième long métrage du réalisateur de Dégelis n’a toutefois pas plu à certains spectateurs. Sur son compte Facebook, Ouellet s’est d’ailleurs amusé à répertorier quelques perles cueillies sur cinemamontreal.com:

«Un vrai de vrai somnifère. On dirait un documentaire de chasse et pêche. À éviter totalement. – une totale perte de temps et d’argent.»
«Plate, endormant à souhait. N’ai jamais vu un film aussi nul. Même pas bon pour la télé.»

«Un scénario poche.»

M’entendez-vous soupirer? Ces remarques désolantes sur ce très beau film m’ont rappelé une anecdote. Un jour, un soi-disant cinéphile me disait qu’il ne se fiait pas aux cotes du télé-horaire (comprendre les cotes de Mediafilm): «Plus la cote est haute, plus le film est plate pis poche. La pire, c’est la cote 1! Moi, j’aime les cotes 5 pis les cotes 6, y a rien de mieux!»

Pour mémoire, les cotes 5 et 6 renvoient aux films moyens et pauvres, tandis que la cote 1 n’est attribuée qu’aux chefs-d’œuvre. Savez-vous quel est le premier film québécois à avoir obtenu cette cote? Pour la suite du monde de Pierre Perrault. Récemment, Les ordres de Michel Brault et Mon oncle Antoine de Claude Jutra étaient promus au rang de chef-d’œuvre. I rest my case, comme disent les Chinois.

/

Coup de cœur: Parmi les films ayant fait les délices de mon enfance se trouve sans contredit The Wizard of Oz de Victor Fleming. Eh bien depuis que j’ai assisté à la comédie musicale Wicked, je vous jure que je ne verrai plus jamais ce film du même œil! De fait, bien qu’elle soit dépourvue d’airs mémorables et offre une conclusion douteuse, Wicked retrace de façon charmante et originale les origines des sorcières et des camarades de Dorothée. Jusqu’au 26 août à la Salle Wilfrid-Pelletier. Quand je pense que Mary Poppins viendra faire son tour en novembre à Montréal, je ne me possède plus!

Haut-le-cœur: L’ayant qualifié de tâcheron à quelques reprises dans ces pages, il serait hypocrite de ma part de louer l’œuvre du réalisateur britannique Tony Scott (The Hunger, Top Gun, Spy Game…). Pourtant, c’est non sans tristesse que j’ai appris sa mort lundi matin, à l’âge de 68 ans. Se sachant atteint d’un cancer au cerveau inopérable (non confirmé par la famille), le frère cadet de Ridley, élégamment surnommé «le virtuose du blockbuster» par Les Inrocks, a choisi de se jeter du haut d’un pont près de Los Angeles. Une fin tragique qui n’est pas sans rappeler celle du grand Jutra. Au moment d’écrire ces lignes, j’apprends la mort de l’hilarante Phyllis Diller (Splendor in the Grass, A Bug’s Life) à l’âge de 95 ans. Sombre lundi…