Cinémaniaque

L’âme russe au Parc

En prévision du Festival international du film de Toronto, où je compte bien aller voir le nouveau film de Joe Wright, celui à qui l’on doit notamment les adaptations somptueuses de Pride & Prejudice de Jane Austen et d’Atonement de Ian McEwan, je ne quitte plus la maison sans Anna Karénine. Eh oui, il fallait bien que Wright en signe une nouvelle adaptation pour que je me décide enfin à m’attaquer à ce classique et, du coup, à ce monument de la littérature russe nommé Tolstoï – jusque-là, je m’étais contentée de Dostoïevski, de Tourgueniev et de Tchekhov…

Ayant reconnecté pour ainsi dire avec mon âme russe, c’est avec joie que j’ai appris que le Cinéma du Parc s’apprêtait à en faire autant en proposant à son fidèle public une rétrospective célébrant trois cinéastes russes: Tarkovski, Sokourov et Zviaguintsiev. Ainsi, en attendant de pouvoir découvrir l’extraordinaire Faust de Sokourov, dont la sortie est prévue le 21 septembre, vous pourrez patienter en revoyant cinq de ses œuvres, dont le magistral plan-séquence racontant 100 ans d’histoire de la Russie, L’arche russe.

Sept des plus grands films de Tarkovski, dont cette sublime plongée poétique dans les souvenirs d’enfance d’un réalisateur portée par l’exquise Margarita Terekhova, Le miroir, seront projetés en 35mm. Alors qu’Elena de Zviaguintsiev prend l’affiche ce vendredi (voir Coup de cœur), le Cinéma du Parc présentera deux autres films de cet ancien élève de Sokourov, Le retour et Le bannissement. Les maîtres russes, du 31 août au 27 septembre. Renseignements: cinemaduparc.com.

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Trois Anglaises et la Cinémathèque

En 2006, au Festival de Cannes, j’ai eu le coup de foudre pour Red Road d’Andrea Arnold. Trois ans plus tard, toujours à Cannes, je me suis rendu compte que cet amour-là n’était pas un feu de paille puisque je succombais à son deuxième long métrage, Fish Tank – sans doute que la présence de Michael Fassbender y était aussi pour quelque chose… Quelle ne fut donc pas ma frustration lorsque j’ai appris que son adaptation de Wuthering Heights d’Emily Brontë ne prendrait pas l’affiche au Québec – moi qui suis folle des sœurs Brontë depuis si longtemps! Grâce à un bon ami cinéphile, ayant fait venir la copie DVD d’Angleterre, j’ai tout de même pu me délecter cet été de la vision âpre et sensuelle d’Andrea Arnold. Réjouissez-vous lecteurs puisque la Cinémathèque québécoise consacre un cycle à trois réalisatrices anglaises remarquables, Andrea Arnold, Lynne Ramsay (We Need to Talk About Kevin) et Sally Potter (Orlando), au cours duquel sera (enfin!) projetée en première québécoise cette œuvre tant attendue. Réalisatrices britanniques: Arnold/Ramsay/Potter, du 5 au 30 septembre. Renseignements: cinematheque.qc.ca.

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Coup de cœur: Prix spécial du jury à Un certain regard l’an dernier, Elena d’Andrei Zviaguintsiev raconte la lutte d’une femme d’origine modeste (Nadezhda Markina, remarquable) mariée depuis peu à un homme d’une classe supérieure (Andrei Smirnov) pour la survie de son fils chômeur (Aleksey Rozin). D’une lenteur hypnotique, se mouvant au gré de longs plans fixes aux cadrages d’une précision chirurgicale que viennent ponctuer les accords dérangeants de Philip Glass, ce drame intimiste glace le sang par sa façon d’illustrer avec une sobriété déconcertante le courage d’une femme qui devra faire face à de lourds sacrifices, incluant son propre bonheur et sa propre morale. Une radiographie pour le moins troublante de l’âme russe…

Haut-le-coeur: À la suite des coupes draconiennes du gouvernement Harper dans le financement de l’Office national du film, Tom Perlmutter, directeur de l’ONF, a décidé de fermer la CinéRobothèque le 1er septembre. Pour vous donner une idée de la gravité de la situation, lisez, si ce n’est déjà fait, cet extrait de la lettre ouverte du Mouvement spontané pour la survie de l’ONF parue le 22 août sur jepenseque.voir.ca: «Dès le 1er septembre prochain, si rien n’est fait, les répercussions de cette fermeture seront désastreuses pour la société québécoise. D’abord, la population perdra son unique accès physique à l’ensemble de la production de l’ONF, qui compte plus de 10 000 films, une des collections les plus imposantes du patrimoine mondial des images. Bien qu’une mince partie de cette collection (3000 films seulement) soit aujourd’hui numérisée et accessible gratuitement sur Internet, près de 7000 films ne seront plus disponibles pour le grand public. […] La fermeture de la CinéRobothèque entraînera également une transformation majeure des ateliers de formation sur le cinéma qui étaient donnés entre ses murs à environ 30 000 jeunes chaque année. À cela s’ajoute le congédiement d’une vingtaine d’employé(e)s.» Croyez-vous aux miracles et autres deus ex machina?