«On me surnomme le gars des festivals, ce qui peut être flatteur, mais en même temps un peu frustrant car cela signifie que je ne fais pas de box-office. J’espère que cela changera avec ce film, qui est plus chaleureux que ceux que j’ai faits précédemment, peut-être attirerai-je un plus large public. J’ai été présent dans plusieurs festivals importants et me retrouver ici en compétition, c’est de toute évidence la plus haute marche. En fait, je ne sais pas ce qui pourrait surpasser cette compétition.»
Celui qui a tenu ces propos plus tôt cette semaine, c’est Denis Côté à la conférence de presse suivant la projection de Vic + Flo ont vu un ours, comédie dramatique à l’humour très noir où le réalisateur nous révèle une Pierrette Robitaille insoupçonnée aux côtés de Romane Bohringer et de Marc-André Grondin. Le fameux «ici» dont il parlait, c’est évidemment le Festival de Berlin, qu’il connaît pour y avoir présenté l’an dernier Bestiaire dans la section Forum.
Pendant que Côté se mesurera en compétition officielle à des réalisateurs qu’il admire, dont Hong Sang-soo (Nobody’s Daughter Haewon), Anaïs Barbeau-Lavalette, accompagnée des actrices Évelyne Brochu et Sivan Levy, présentera au public berlinois Inch’Allah dans la section Panorama et François Delisle, Le météore dans la section Forum.
«C’est la première fois que je présente un film dans ce festival, confiait Delisle à un dîner de presse à l’ambassade du Canada, mais j’ai une histoire assez longue avec l’Allemagne. Mes films ont tous passé ici; même mon premier film est sorti en salle à Berlin. Étrangement, ça a toujours fonctionné. J’ai fait Munich, Mannheim, Tübigen, tous les festivals qui ont lieu autour, mais Berlin, c’est le gros festival. Les Allemands, selon mon expérience, c’est le meilleur public qu’on puisse avoir.»
Jeudi dernier, alors que je découvrais Berlin et son prestigieux festival, j’ai été renversée par l’ampleur de la délégation québécoise et canadienne. Outre les trois susmentionnés, 10 autres films figurent dans différentes catégories de la 63e Berlinale. Ainsi, le documentaire Richard Cardinal: Cry from the Diary of a Métis Child (1986) de la vénérable Alanis Obomsawin se retrouve dans le volet NATIVe, consacré au cinéma autochtone des quatre coins du monde.
«Peu importe où nous sommes, nous vivons tous des expériences similaires, nous avons survécu de différentes façons. Les autochtones sont des êtres humains incroyables qui ont réussi à survivre en des temps difficiles, à voir de belles choses dans les endroits les plus pauvres. J’adore écouter les gens à propos de ces temps difficiles, découvrir ce qu’ils ont inventé pour passer à travers et néanmoins être heureux», racontait la cinéaste avec émotion lors d’une conférence intitulée La voix sacrée des femmes.
En feuilletant le colossal catalogue, j’y ai trouvé une section assez surprenante: Kulinarisches Kino. Notre obsession pour la cuisine est devenue telle qu’on y consacre un volet, au plus grand bonheur de Damien Etcheverry d’EyesteelFilm, distributeur de Chasseurs de fruits de Yung Chang. «Le film voyage beaucoup dans les festivals environnementaux, axés sur les actions sociales et écologiques. Quand il était en préparation, on s’est dit qu’il fallait absolument qu’il soit dans la section culinaire de Berlin, la seule qui lui correspondait exactement. Pour chaque film, il y a une séance et un repas; cinq chefs font des menus en fonction des films. Je ne connais pas d’autres festivals qui offrent ce genre de programme, très couru.»
Au Marché du film, 15 films d’ici se retrouvent sous la bannière Perspective Canada, parmi lesquels Camion de Rafaël Ouellet, L’affaire Dumont de Podz et La légende de Sarila de Nancy Florence Savard. Au Talent Campus, carrefour de rencontre de 300 artisans du cinéma issus de 96 pays, 15 d’entre deux, dont Jonathan Durand (Memory Is Our Homeland) et Alexis Fortier-Gauthier (Après tout), sont des talents de chez nous.
«À Berlin, c’est notre année la plus importante, même au Marché, on sent qu’on est vraiment sur une rampe de lancement, résume Carolle Brabant, directrice générale de Téléfilm Canada. D’avoir eu l’année dernière un film en compétition (Rebelle de Kim Nguyen), d’en avoir un cette année, d’en avoir eu un à Cannes (Laurence Anyways de Xavier Dolan), d’avoir un troisième film sélectionné pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, tout cela fait qu’il y a comme un engouement pour notre cinéma. On a vraiment une signature canadienne et québécoise à l’international. On a du talent: on le disait, mais là, on est content parce que d’autres le reconnaissent.» Comme disent les Allemands: Alles gute!
Les frais du voyage à Berlin ont été payés par Téléfilm Canada.