La liste du vendredi: cinq musts au Centre Phi
En janvier, le Centre Phi propose une alléchante programmation composée de primeurs et de reprises à ne pas manquer. En voici un aperçu.
Il divo, drame biographique de Paolo Sorrentino
Avec son montage musclé, ses plans recherchés, son ambiance insolite, sa bande sonore farfelue (on passe de Fauré à Trio, en passant par la pop sirupeuse italienne) et ses répliques assassines, Il Divo de Paolo Sorrentino évoque Tarantino et les Sopranos dans sa façon de dépeindre avec un humour noir un milieu corrompu, celui du gérontocrate Giulio Andreotti (extraordinaire et méconnaissable Toni Servillo). S’il fait penser au Nosferatu de Murnau dans sa façon de cadrer et d’éclairer son personnage central, Sorrentino rappelle par son utilisation judicieuse de la contre-plongée et de la profondeur de champ pas moins que le Citizen Kane de Welles. Avis: renseignez-vous un peu sur la politique italienne avant la projection, car dès les premiers plans, ce biopic explosif balance à la gueule énormément d’info. (16 janvier)
La grande bellezza, comédie dramatique de Paolo Sorrentino
En décembre dernier, le nouveau film de Paolo Sorrentino remportait quatre prix aux European Film Awards: meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur et meilleur montage. Journaliste célèbre, auteur d’un seul roman lui ayant valu la gloire dans sa jeunesse et coureur de jupons, Jep (impeccable Toni Servillo) reçoit dans son appartement avec vue imprenable sur le Colisée la faune romaine pour des soirées endiablées. Mouvements de caméra vertigineux, utilisation judicieuse des lieux et montage en diapason avec la folie ambiante font de cette Dolce Vita trash et clinquante un objet de beauté pour le moins spectaculaire. (16 janvier)
La vie d’Adèle – Chapitres 1 et 2, drame d’Abdellatif Kechiche
L’histoire est toute simple, celle d’une fille modeste rêvant d’être institutrice, Adèle (exquise Adèle Exarchopoulos, grande révélation du film), qui tombe amoureuse d’une artiste fantasque aux cheveux bleus, Emma (sublime Léa Seydoux). Au fil des années, leur relation fusionnelle connaîtra des hauts et des bas. S’inspirant de l’émouvant roman graphique de Julie Maroh (Le bleu est une couleur chaude), Abdellatif Kechiche évoque à petites touches l’homophobie, les rapports de classe, la notion d’engagement, sans jamais se faire donneur de leçons. Maîtrisant brillamment l’ellipse, il signe un récit où le temps s’écoule avec tant de fluidité que la durée du film, trois heures, ne se fait aucunement sentir. En plans rapprochés, le prodigieux réalisateur de La graine et le mulet scrute les visages et les corps de ses actrices jusqu’à en dévoiler leur âme, sans jamais se faire indécent. Rarement le désir et la passion auront été dévoilés avec autant d’authenticité et de beauté au grand écran. Une Palme d’or fort méritée pour le cinéaste et ses deux muses. (20 janvier)
Le passé, drame d’Asghar Farhadi
Dès que le générique défile sur ce superbe plan final où le sort des personnages est laissé en suspens, comme c’était le cas dans Une séparation, on se dit immédiatement que l’on vient de voir un grand film… Et pourtant, bien vite on constate que celui-ci ne se révèle pas à la hauteur du précédent. Malgré tout, force est de reconnaître le grand talent de scénariste d’Ashgar Farhadi. Une fois de plus, le cinéaste iranien propose un récit en apparence assez classique, celui d’une femme (Bérénice Bejo, dans le plus grand rôle de sa carrière) demandant le divorce à son mari (Ali Mosaffa) afin de refaire sa vie avec un autre (Tahar Rahim), qu’il complexifiera au fur et à mesure que les personnages dévoileront des pans de vérité. Moins subtil qu’Une séparation, Le passé s’avère une fine exploration du mensonge et ses dommages collatéraux. (23 janvier)
Une séparation, drame d’Asghar Farhadi
Que les univers des Panahi, Majidi ou Kiarostami nous soient familiers ou non, Une séparation donne l’impression de découvrir l’Iran sous un jour nouveau grâce au remarquable souci d’authenticité d’Asghar Farhadi. Offrant des personnages d’une formidable complexité, qu’il dispose stratégiquement dans chaque lieu où se joue le drame, le cinéaste illustre avec finesse le pouls d’une société déchirée entre modernité et tradition, réalité et religion, émancipation et filiation. D’une prémisse mille fois empruntée, Farhadi parvient à faire d’Une séparation un récit d’une grande délicatesse où chacun est poussé dans ses derniers retranchements tandis qu’arrivent sans crier gare de nouveaux éléments perturbateurs. Au sein d’une distribution impeccable, la bouleversante Leila Hatami s’impose en femme fière et forte. Oscar du meilleur film en langue étrangère. (23 janvier)