Complètement Martel

Compte à rebours

Je suis allé voir, dimanche dernier, la production du Théâtre du faux coffre, En attendant l'dégât d'eau. Avec les Clowns noirs, on commence à le savoir, le spectacle est une affaire de tous les jours, ne se résumant pas à la durée d'une représentation. Déjà, avant d'entrer en salle, le jeu était commencé avec la collecte des denrées non périssables apportées par les spectateurs ayant accepté l'invitation. Puis, une fois comptés et bien assis, attendant en silence…

"Vous pouvez discuter, ce n'est pas un spectacle! On provoque un déluge…" lance l'un des clowns. Déjà sur le bout de mon siège, la veste de sauvetage bien calée sous le bras, prête à être enfilée au moindre signe d'un quelconque danger aqueux, je me sentais fébrile.

Tout commence avec l'attente, comme l'indique le titre de la pièce, jeu de mot inspiré d'un texte de Beckett qui donne le ton à cette production. La mèche est un peu longue… Alors, comment meubler cette attente? C'est à ça que s'appliquent les cinq hurluberlus affamés et gueulards qui occupent la scène.

Si le message est parfois un peu gros, surtout lorsque l'on parle de la difficulté de vivre du théâtre en région, les Clowns noirs n'ont jamais eu la prétention d'être subtils – au contraire, c'est justement leur franc-parler qui les distingue. Trac en profite aussi pour régler ses comptes à propos de la saga de son bâton de baseball – un simple artifice qui lui a attiré des coups à quelques reprises, certaines personnes ayant peine à discerner la réalité du théâtre. Probablement sous l'emprise de la brigade anti-culture…

Quelques traits de génie ponctuent la mise en scène, dont la référence au fameux coup de boule de Zinedine Zidane (tout simplement tordant). Le jeu est souvent physique, caricatural à souhait… Les Clowns noirs sont fidèles à eux-mêmes, quoi! Et le texte est bien ficelé, arrivant à passer de la publicité sans heurter l'auditoire, mais surtout, réussissant à condenser tous les aspects de leur production, jusqu'à leur affiche…

Léger bémol… C'est peut-être une erreur de s'adresser aux spectateurs comme s'ils étaient ceux qui ont abandonné leurs idéaux… Car si des gens se trouvaient dans la salle, c'est probablement parce que ces idéaux leur tenaient toujours à coeur. Par contre, si la cible, à ce moment, a été mal choisie – et à ma souvenance, ça n'arrive qu'une seule fois -, le questionnement soulevé tout au long de la pièce reste des plus pertinents: que faudrait-il faire pour que les gens aillent enfin au théâtre?

Le compte à rebours est commencé… Il ne reste plus que quelques représentations avant que les clowns ne s'effacent. Allez meubler l'attente de belle manière à la salle Murdock… Soyez sans inquiétude, elle est bien étanche. Et comme moi, vous pourrez dire: "J'ai survécu au déluge!"

ooo

AU BOUT DU FIL

Los Mundos de Fingerman, du Gaïa Teatro, sera présenté les 15, 16 et 17 septembre, au Côté-Cour.

C'est toujours avec une naïveté assumée que je me faufile dans une salle où sera présenté un spectacle de marionnettes. J'aime voir à quel point les manipulateurs arrivent à donner vie à ces objets parfois très simples.

Au bout du fil, une petite main presque vivante qui salue l'auditoire, et sur cette tête de bois, des yeux qui clignent, qui s'écarquillent, comme impressionnés par le nombre de spectateurs. Et soudainement, cette chose à laquelle on prête vie se met à nous raconter une histoire, comme si ça allait de soi. Et même si elle est toute petite au centre d'une scène démesurée, même si nous sommes nombreux dans la salle, toute l'attention du monde est dirigée vers elle, lui conférant ainsi un pouvoir proche de la magie.

Vie et mort du petit Chaperon rouge en 8 minutes ralenties, de Dany Lefrançois, sera présenté les 12, 13, 16 et 17 septembre, au Mont-Jacob.

Il ne s'agit pas de croire que la marionnette soit véritablement animée de vie, indépendante. Les manipulateurs ne cherchent plus autant à disparaître. Comme me le disait en entrevue Pier Dufour, directeur artistique du Festival international des arts de la marionnette, lui-même manipulateur professionnel: "Avant, il fallait absolument être caché. C'est ce qu'on avait appris. Mais quand tu mesures 5 pieds 9, que ta marionnette mesure 30 centimètres, quand même que tu serais caché derrière, c'est bien difficile de disparaître…"

Et pourtant, ils arrivent à s'effacer, traitant avec un respect presque sacré l'objet dans lequel ils se projettent. C'est la finesse de leur chorégraphie de mains, calculée et mesurée, qui rend la représentation aussi fascinante, qui donne sur le miracle tant attendu. Sincèrement, je trouve que c'est une chance inouïe de pouvoir apprécier le travail de ces manipulateurs professionnels du monde entier.

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