Tu comprends que tu as vieilli. Tu le sais lorsque la première bordée de neige te fait rager plutôt que sourire. Lorsque, pris derrière ton volant quatre heures dans la réserve faunique des Laurentides, tu ne penses qu'au travail que tu devrais être en train de faire, et pas à la beauté du paysage, ni au bonheur que ce pourrait être de te geler les pieds dehors jusqu'à la noirceur. Tu sais que tu as vieilli lorsque tu arrives à te refuser de plonger tes doigts nus dans la neige fraîche pour voir fondre ses cristaux, lorsque tu résistes au plaisir de t'en mettre un peu sur la langue jusqu'à la sentir bien froide. Tu sais que tu as vieilli lorsque, les yeux rivés sur la route, tu remarques la grisaille et la poudrerie plutôt que de prendre conscience que la vie vient de t'offrir quelques heures juste pour toi.
Un coup d'oeil au rétroviseur de ta familiale te montre ton fils assis dans un fouillis de jouets quelconques, perdu dans la lecture d'un Tintin t'ayant appartenu, retrouvé dans une vieille boîte, chez sa grand-mère. En attendant la prochaine bourrasque, tu t'égares avec lui dans cet univers en aplat que tu as parcouru si souvent et qui pourtant se perd dans ta mémoire. Tu te rappelles que c'est entre ces pages que tu as commencé à lire, bien avant de savoir lire entre les lignes. Et maintenant c'est à son tour. Tu te dis qu'il faudra bien que tu l'amènes voir cette exposition de Tintin au Pérou qui est présentée au Musée de la civilisation de Québec. Tu essaies de te convaincre que c'est pour lui que tu iras.
Avez-vous déjà remarqué que les gens de ma génération ont déjà le coeur vieux? Pas besoin d'attendre que le corps se mette à lâcher, les humeurs sont déjà là. À peine la trentaine et déjà on regarde derrière soi avec une boule de regrets prise dans la gorge, et on compte les pas que l'on a faits. Surtout les premiers, que l'on passe et repasse sans se lasser. Alors que ce serait le temps de vivre. Je le dis sans vraiment m'insurger. Il faut que je sois lucide. J'en suis.
Ma génération a cette tendance quasi maniaque à se tourner vers le passé. Alors que tout était possible. Alors que protéger l'environnement se résumait à ne pas jeter la papillote d'un bonbon au sol. Alors qu'on voulait sauver les bélugas parce qu'ils en avaient parlé aux 100 Watts. Alors qu'on pouvait croire qu'en l'an 2000 les voitures voleraient, les trottoirs seraient roulants et la souffrance aurait disparu.
C'est La Grand-Messe qui joue dans l'auto. Parfois je me dis que le succès des Cowboys Fringants n'est pas sans rapport avec cette attitude. Parce qu'au-delà de l'engagement politique qui a su leur attirer la sympathie des plus jeunes, il me semble que les Cowboys sont probablement ceux qui ont le mieux réussi à chanter la nostalgie de ma génération. "Quand j'agaçais les p'tites filles/Pas loin des balançoires/Et que mon sac de billes/Devenait un vrai trésor/Et ces hivers enneigés/À construire des igloos/Et rentrer les pieds g'lés/Juste à temps pour Passe-Partout." En même temps, ça fait mal au coeur de prendre conscience que nous ne regardons pas plus vers l'avant.
"C'était le bon temps!" nous disaient les plus vieux. Nous nous sommes accaparé sans attendre ce discours qui tire vers l'arrière. L'industrie de la nostalgie fait d'ores et déjà fureur avec nous. Bienvenue dans votre passé… Qu'est-ce qu'on peut vous servir? La publicité qui cherchera à attiser nos désirs s'en gargarisera de plus en plus, à mesure que se développeront nos moyens financiers – c'est déjà commencé.
C'était prévisible. Depuis longtemps déjà. Combien de nos soirées entre amis, plus ou moins bien arrosées, se sont transformées en chorales improvisées – souvent TRÈS improvisées -, se transformant en un tintamarre absurde, question de se laisser croire que ce n'est pas si dramatique? Combien de fois avons-nous revisité les grands succès de Passe-Partout, les chansons-thèmes d'émissions pour enfants qui ont alimenté chez nous de véritables cultes – Albator, Goldorak, Les Mystérieuses Cités d'or, Rémi sans famille, Belle et Sébastien, Fraggle Rock, l'hypnotisante flûte de Demetan… Et toutes ces ritournelles qui nous remontent à la bouche lorsqu'on est entre nous?
Quand sortira le coffret DVD de Passe-Partout – on le prévoit pour le 21 novembre -, combien d'entre nous feront la file devant les boutiques pour se procurer ce précieux aide-mémoire? Marie Eykel a beau dire qu'il n'y a pas d'argent à faire avec ça, j'ai plutôt l'impression que ce sera un succès. On ne blâmera personne. Nous le voulions, ce coffret. Nous l'aurons. Et tant mieux si Passe-Partout et compagnie font enfin un peu d'argent avec ça.
Faudrait quand même se retourner une fois de temps en temps vers l'avant.
Voilà bien une thématique qui m’interpelle, M. Caron. Vous avez, vous-même, beaucoup mieux dépeint la nostalgie palpable de notre génération que les Cowboys Fringants ne sauraient jamais le faire. Car, si les petits collages de réminiscences sont bien leur tasse de thé, la poche qui les infuse commence à avoir un peu trop servie à mon goût et, même si je suis conscient de mon âge, je ne me considère pas encore assez vieux pour boire des tasses d’eau chaude. Ce qui fait en sorte que je sois même nostalgique de l’époque de leurs premiers albums. Néanmoins (comme disait le sphinx), ils ont su laisser passer l’air dans une porte, qui, inconsciemment, commençait à être scellée de mono-tonie. La porte de nos coffres à jouets bourrés de figurines, hors de prix aujourd’hui sur l’e-bay du subconscient.
J’ai 23 ans et je suis à la limite de la génération passe-partout. Une génération qui se pose beaucoup de question, qui aimerait changer des choses mais, c’est encore la génération des baby-boomers qui contrôle tout, alors à la place de ce rebelliez contre cette génération, je crois que nous préférons tous simplement rêver à notre enfance, être nostalgique, à la place d’affronter les problèmes de notre société.
À quel âge sommes-nous vieux? Le jour où madame fut moi et pas seulement ma mère et où au lieu de me passer l’herbe qui fait monter vers les nuages, des jeunes qui m’invitaient tout de même à leur rassemblement autour du feu, m’offraient une cigarette et une chaise de parterre, pour ne pas que je prenne place à terre avec eux, je me suis senti vieille et je n’avais pas encore la quarantaine.
Je me suis senti vieille au premier vouvoiement et quand en recherche presque désespérée d’un emploi, j’ai constaté que j’avais dépassé la limite des 35 ans pour les programmes jeunesse. Le jour où mon fils a eu sa première peine d’amour, même si je me sentais encore « ado » à mes heures, mon rapport au temps et à l’âge me posaient questions.
Mes jeunes m’ont réclamé Harmonium, Vigneault, Octobre, Zappa, Yes et compagnie et ça m’a fait frissonner ce retour vers le passé, en même temps que ça me sécurisait. Il y avait un ancrage, un héritage à partager et qui permettait cet espace de sécurité pour continuer de se projeter vers l’avant.
Comment créer en toute liberté, sans un regard sur l’histoire ? Comment, sans références et sans racines, pouvons-nous prendre des risques dans l’innovation ?
Marie Eykel en entrevue, cheveux blancs, regard coquin, avait une répartie à la limite de la provocation et une énergie débordante pour s’insurger contre la bêtise. Elle me semblait plus « délinquante » que l’image angélique qu’elle projetait du temps de Passe-Partout. Mais à la fin de la rencontre, pour faire plaisir aux jeunes adultes présents qui l’avaient adopté à travers le petit écran comme amie, gardienne, soeur, mère, etc., d’une voix très douce elle leur a dit comment elle les trouvait beaux et qu’elle les aimait.
Dans l’assemblée émue on pouvait reconnaître à travers le visage des jeunes gens, celui des petits qu’ils furent au passé. Sont-ils coupables de cet élan de nostalgie? J’ose en douter, moi qui suis une « vieille » romantique qui l’assume.
Je suis très étonné, de lire, de tels passages remplis, de mélancolies et de nostalgies? Je ne voyais pas : «Les Cowboys Fringants», dont le nom, ne s’accorde certes pas, avec leurs propos? Mais, voyons, quand devenons-nous, donc vieux ou vieilles? Ne portons-nous pas, en nous même, l’âge de son COUR? Qui ne connaît pas, de jeunes vieux de 25 ans, qui ont peurs, d’avoir l’airs ridicules à jouer, à faire un gros bonhomme de neige (…)! Ou, peut-être, n’avez-vous pas, eu la chance, d’éprouver la joie de vivre, d’un individu de 70 ans, mordant à pleines dents, dans chaque journée? Vraiment, je suis perplexe!!! Car, la vie apporte assez, son lot d’amertume, sans avoir, en s’en créer soi-même! Diantre, ne craigniez pas, tôt ou tard, le temps rattrape chaque individu, que l’on veuille ou pas! Peut-être, après tout, est-ce la seule chose équitable, en ce bas monde…le temps? Inéluctable en-soi, qui n’épargnera, personne! Alors pourquoi donc, tant y songer, de toute manière, dès l’instant où on prend naissance, le chronomètre, se met en route…
Mon Dieu que ça fait du bien de savoir que je ne suis pas seul à m’être rendu compte de cette bizarre évolution. Moi aussi j’ai les mêmes symptômes, impliquant tous les questionnements qui viennent avec: pourquoi est-ce que je ne suis plus capable de m’émervieller devant des choses simples , ais-je perdu mon coeur d’enfant ou encore suis-je entrain de passer à côté de la « track »? . On se lève un matin, et on se dit: mais qu’ais-je donc fais durant ces années, je n’ai rien vu passer! Pas de panique, il suffit de S’ARRÊTER. On se laisse trop étourdir par la société de consommation qui nous entoure. Moi je dis, retour aux sources, à l’essentiel, c’est la seule chose qui fait qu’on se sent vraiment en vie, le reste c’est que de l’artificiel!
C’est déprimant votre affaire!! J’ai 41 ans et pourtant, je suis encore émerveillée par une tempête qui laisse un tapis blanc partout autour de nous. J’ai 41 ans et pourtant, je m’amuse encore comme une petite folle avec mes enfants qui sont presque grands. On joue à cachette, on se fait des peur à l’halloween, on fait du sport ensemble. Je vais même voir des shows de Simple Plan, Les trois Accords, Bon Jovi, Avril Lavigne… avec eux.
C’est dans la tête qu’on est vieux ou qu’on est jeune. Il n’y pas que l’âge physique, mais l’âge mental est très important aussi.
La nostalgie, non merci. Oui cela peut être drôle un soir de ressortir nos vieilles tounes de notre enfance, le temps de quelques instants. Mais de là à dire que je vais acheter le coffret de passe-partout. Je ne pense pas, non merci!
La pire façon de vieillir c’est de regarder en arrière. Car si tu tentes de marcher en regardant en arrière, c’est le meilleur moyen de se cogner contre un arbre ou un poteau. On ne l’aura pas vu venir!
Pour un peu,je vous la chanterais au complet cette chanson d’Aznavour!Moi qui à 54 ans,me fait reprocher de dire que je suis vieille parce que mes os craquent…Si déjà à 30 ans vous regardez derrière vous,qu’est-ce que ce sera à 50 ans?J’avoue être très surprise et par le texte et par cette réalité que vous décrivez et qui ne m’apparaissait pas aussi évidente à la lecture des commentaires écrits par certains jeunes qui « mangent » du baby-boomer.Surtout que je n’ai commencé à me sentir vieille qu’autour de la fin quarantaine et que je cultive la nostalgie depuis peu…
Décidément,il y a quelque chose qui m’échappe…Si j’éprouve de la nostalgie,ce n’est certes pas pour Maman Fonfon et ses 3 p’tits tours,ni pour Bobino et Bobinette (peut-être un peu pour Sol et Gobelet tout de même)…Ma nostalgie est pour le monde que je croyais changer, pour l’amour plutôt que la guerre,pour les nuits blanches sans conséquence,pour le Québec que je voyais indépendant avant l’an 2000,pour les grands rassemblements mobilisateurs, pour la révolte plutôt que le « bof! »…
Heureusement que j’ai lu les manifestes des jeunes du « Début global » de l’INM parce que sinon,je serais découragée.Je pense que l’athmosphère actuelle qui baigne dans le défaitis-me,le « à quoi bon? »,le nihilisme et la désespérance n’est pas étrangère à cette nostalgie pour l’enfance heureuse qui survient trop tôt dans votre vie.Il doit bien y avoir une cause pour laquelle se mobiliser que diable!
Achetez votre coffret de Passe-Partout si vous le désirez mais rangez-le dans un tiroir et ne le ressortez qu’à 50 ans et pas avant…La nostalgie à votre âge,c’est gaspiller le temps et je peux vous le dire avec regret:celui-ci passe vite…
Et en attendant que vous grandissiez,moi j’en profite pour rajeunir mon esprit à défaut du corps:j’ai découvert l’ordinateur,le plaisir d’écrire que je croyais perdu et je discute à nouveau par commentaires interposés,ce qui m’a fait redécouvrir les joies de la polémique…
J’ai lu les articles et j’en suis resté épaté ! Mais qu’est ce que vous avez tous a larmoyer sur votre passé ? Je ne dis pas que je ne regarde jamais le passé. Par contre, je regarde d’une manière positive. Je regarde en arrière pour voir le chemin que j’ai parcouru depuis et les améliorations qui sont survenu dans ma vie. Je vois la trentaine comme une période de la vie ou tout les éléments se placent et que le chaos plane moins sur ma vie.
Je regarde ce que j’ai: maison, auto, voyage, enfant etc… et je me dis que oui à 20 ans c’était agréable, mais que la trentaine l’est encore plus. On est maître de son destin et c’est la beauté de la chose. A vingt ans on est encore chez les parents (pour la plupart), on est au études, on sait pas toujours quoi faire de sa vie. Oui les partys, la boisson, l’irresponsabilité de la vingtaine est plaisante, mais la trentaine l’est encore plus.
Il n’en tient qu’à vous de regarder la vie du bon oeil, de voir ce qu’elle apporte de beau et de retrouver son coeur d’enfant à travers ceux-ci justement !
Ce que nous décrit cet article, c’est la nostalgie de l’enfance et celle de l’adolescence, une nostalgie qui concerne toutes les générations et toutes les classes d’âge et non celle d’une époque en particulier. Je ne sache pas qu’il y ait eu jadis un âge doré, un temps au-dessus de l’Histoire où tous et chacun pouvaient vivre à leur guise. Cette époque à laquelle rêvent des nostalgiques soit pour la dénoncer comme ayant été celle des grandes usurpations soit pour espérer son retour n’a jamais été que celle où une poignée de citoyens s’en est sortie mieux que les autres. Cette brèche dans les conditions de vie de cette minorité a correspondu à une époque de plus grande mutation sociale emportant dans son sillon davantage de promotions sociales qu’auparavant. Ce fut une époque où la méritocratie s’était donnée l’éducation comme outil de promotion et les fractions désormais plus nombreuses de la population à poursuivre des études leur valut d’améliorer un peu leur sort en comparaison de celui de leurs parents. Mais ces promotions sont quand même demeurées restreintes dans l’ensemble, juste assez pour que les nostalgiques d’encore plus de freins à la promotion sociale se mettent à rechigner et à exiger que les structures de l’éducation soient ramenées dans un état similaire à ce qu’elles étaient aux époques antérieures, histoire de se réserver de meilleures places pour eux et leurs rejetons. Par ailleurs, les chantres actuels de la nostalgie sont bien plus souvent hommes que femmes, car il y a bien moins de femmes maintenant qui font une fixation sur des époques où elles étaient moins libres et moins égales encore.
Bon c’est certain qu’à 19 ans nous n’avons pas le même vécu que des personnes dans la cinquantaine mais pas besoin d’être vieux pour être nostalgique. Quand j’écoute les chansons des Cowboys Fringants, je trouve la musique très bonne mais cela ne me fait pas sentir nostalgique. Par contre, lorsque j’entend une chanson du groupe français Manau je me souviens du temps que j’écoutais ces chansons dans la voiture avec mes amis pendant que nous allions au Nouveau-Brunswick ou à Buffalo. Je me rappelle en écoutant les Backstreet Boys mes voyages pour aller voir la lutte de la WWF à Montréal. C’est des évènements simples mais qui sont reliés à des chansons ou autres trucs pour moi. Quand je mange un hot dog au Colisée Pepsi je me souviens très bien de la première partie de la LNH que j’ai vu entre les Nordiques de Québec et les Capitales de Washington. Il y a de petits trucs comme cela qui nous rappelle de bons souvenirs et je trouve que lorsque cela arrive c’est génial !!!! Je comprend donc un peu tout ceux qui se rappellent de bons moments grâce à une chanson ou autre.