Avez-vous cette impression que tous les médias se sont gargarisés de politique étrangère dans la dernière semaine? À vue de nez, le duel Nicolas Sarkozy/Ségolène Royal, ainsi que le taux de participation particulièrement élevé des électeurs français, ont certainement suscité beaucoup d'intérêt. Et depuis quelques jours, le décès de Boris Elstine, qui lui a valu de nombreux articles et reportages où il était gratifié de tous les superlatifs.
Il y a des semaines comme ça. Des semaines politiques.
Question de me faire chien dans ce jeu de quilles, j'ai eu envie de faire diversion avec des propos d'ordre plutôt littéraires. Je pense à Yves Beauchemin qui révise Le Matou, éditant une nouvelle version corrigée. Il aurait modifié certains passages dont il n'était pas satisfait, des incohérences dont il aurait pris conscience seulement après coup.
Il faut savoir que beaucoup d'auteurs sont ambivalents dans le rapport qu'ils entretiennent avec leurs propres oeuvres, en particulier lorsque ces oeuvres ont été publiées alors qu'ils étaient jeunes. Je me souviens, un jour, alors que, jeune et naïf – je suis encore l'un et l'autre, à l'occasion -, j'avais dit à un professeur que je voulais écrire des romans. Malgré les nombreux livres théoriques et articles qu'il avait publiés, ce dernier m'avait répondu qu'il aimerait aussi le faire, mais qu'il attendrait d'être beaucoup plus vieux, craignant de ne pas pouvoir vivre avec l'insatisfaction d'une oeuvre imparfaite.
Voilà deux façons bien distinctes de voir l'oeuvre littéraire.
Pour les uns, le roman destiné à être publié n'est qu'une version possible de l'histoire qu'ils veulent raconter. Il mériterait alors d'être présenté au public même sans prétendre à la perfection, ce qui s'applique à la majorité – voire à la totalité – des romans.
D'autres, comme ce professeur qui avait tempéré mon impatience de jeune à la plume fougueuse – sans pour autant chercher à me décourager d'une telle entreprise – ne tolèrent pas l'imperfection. La légende a consacré plusieurs auteurs comme étant de minutieux maniaques, corrigeant leurs épreuves jusque sur les presses – la petite histoire raconte que Charles Baudelaire agissait de la sorte.
Cette attitude perfectionniste n'est certainement pas mauvaise en soi – qui n'a pas lu Les Fleurs du mal? -, à condition qu'elle ne mène pas à une castration littéraire empêchant tout projet d'aboutir. Car je soupçonne certaines personnes de se servir de ce prétexte pour ne jamais en venir à une oeuvre concrète, préférant les voeux pieux à la nécessité pour un auteur d'assumer ses élucubrations littéraires de "jeunesse".
Yves Beauchemin aurait fait de très nombreuses corrections au roman qui lui a apporté le succès dans les années 1980. |
Aurait-il été préférable que Beauchemin attende 2007 pour publier Le Matou? Imaginons un instant…
Sans Monsieur Émile, Guillaume Lemay-Thivierge, qui l'a incarné dans l'adaptation télévisuelle réalisée par Jean Beaudin en 1985, ne serait peut-être jamais devenu comédien – à vous de décider de la portée tragique de cette hypothèse…
Mais surtout, des milliers de gens auraient dû se trouver autre chose à lire. Pas tragique, vous croyez?
Je me souviens de ces quelques jours d'été passés à lire Le Matou, assis sur la galerie, un verre d'eau glacée suintant sur une table à proximité, quelques gouttes froides me roulant sur le torse lorsque je l'approchais de mes lèvres, entre deux paragraphes. Ce n'était pas une oeuvre parfaite. Mais le vieux livre emprunté à la bibliothèque gardait, il me semble, le poids de tous les regards qui l'avaient parcouru, comme un parfum dont il se serait imbibé, et était chargé de ces moments intimes qu'il avait offerts à tous ses lecteurs. J'avais moi-même passé un bon moment, sans prétention, avec Florent Boissonneault et Monsieur Émile.
Le Matou a remporté plusieurs prix, a franchi le cap du million d'exemplaires et a été traduit dans plusieurs langues. Mais surtout, il a donné du bon temps à nombre de lecteurs. Même si je ne suis pas de ceux qui le considèrent comme un chef-d'oeuvre – je n'ai pas cette expression facile -, même s'il n'était pas parfait, ce n'était certainement pas une erreur de le publier.
Pour moi, la publication ne tue pas l'oeuvre littéraire, romanesque ou autre. Elle lui permet au contraire d'évoluer. Et s'il fallait que trois fois dans sa vie un auteur réécrive le même roman, pourquoi pas? Je suis de ceux qui préfèrent une littérature vive, qui se fait entendre, qui envahit le monde.
Ce n'est pas sans rappeler l'argumentaire de Fred Pellerin, qui vient justement de gagner un prix littéraire pour son livre Comme une odeur de muscles. Inspiré par le volet improvisé de la vie du conte, Pellerin préfère parler de multiples versions d'une histoire qui ne se fige jamais vraiment.
Et si c'était le cas pour toute la littérature? La même histoire ne peut-elle pas être racontée d'une multitude de façons?
L’ambiguité de vos interrogations sur la valeur temporelle d’un roman ou de toute forme d’écriture littéraire, pose le dilemme de l’auteur d’accepter ou non le roman qu’il a écrit, déjà depuis quelques années. Durant le processus de l’écriture, en tant que matériau, l’auteur, selon ses inspirations et son humeur du moment, va établir de multiples brouillons du scénario de son histoire, avant d’en arriver à une version finale dont il sera, de toute évidence, satisfait puisqu’il procèdera, ensuite, à sa publication, avec l’accord de son éditeur. Il serait, éthiquement , insensé, après de nombreuses années de publication et de reconnaissance, que cet auteur revienne sur ce qu’il a écrit, recorrige le roman qui a été un succès littéraire et propose une nouvelle version insipide qui ne correspond plus au momentum initial de l’écriture. Un crime et un véritable gâchis littéraire! Il aurait été préférable qu’Yves Beaucheminne cesse de se torturer sur la réécriture de son propre roman. Une telle obsession littéraire est malsaine, ne mène nulle part et propose au lecteur une oeuvre déchiquetée, qui a perdu sa valeur initiale. Le purisme, en littérature, est essentiel à la réputation de son auteur. Yves Beauchemin ruine sa réputation pour relancer sa carrière? Une oeuvre littéraire est une oeuvre crucifiée dans un moment précis qui ne peut se réécrire. Vous confondez aussi oralité de l’histoire et écriture littéraire. Le conteur devrait rester dans l’oralité de son histoire et ne jamais fixer cette oralité dans une écriture littéraire. Fred Pellerin ne mérite pas un prix littéraire puisqu’il n’est pas un auteur mais un conteur.
J’ai déjà vu un sectacle de Fred pellerin et croyez moi il en vaut vraiment la peine ! Il nous raconte une histoire de manière toute simple avec seulement lui sur scène et sa guitar mais après l’avoir écouter »raconter », je vous garantis qu’il n’a pas besoin de plus . Il a un don c’est certain car juste en racontant ses histoires il nous fait voir et vivre toutes sortes d’émotions. Si il nousparle d’un cirque , on le voit et on peut quasiment sentir les odeurs et ressentir l’ambiance. C’est impressionnant . Il est tout simplement à voir unefois po en être convaincue !!
Il existe des perfectionnistes qui vont jusqu’à la dernière minute modifier certains passages de leur livre et toujours douter de la qualité de leur travail. Par contre, il y en a d’autres qui après l’avoir écrit, considèrent que c’est le mieux qu’ils pouvaient faire à ce moment-là avant de l’envoyer sous presse. Par conséquent, que l’auteur Yves Beauchemin ait décidé de modifier quelques sections de Le Matou à sa réédition par rapport à l’oeuvre originale me laisse indifférent. Je suppose, de toute façon, que ces changements sont mineurs. C’est vraiment la personnalité de l’auteur qui régit sa méthode de création.
Votre chronique est très intéressante, car elle nous renvoie à nous-mêmes, et jette en même temps un regard, peut-être foudroyant sur les autres. Cependant, il existe tellement d’écoles de pensées, que chaque personne a le droit, de croire qu’il possède, la vraie, la seule et l’unique. Car voyez-vous, dans le processus d’écrire, il n’y a pas de manuel d’instruction (ou de mode d’emploi). Le processus de création, est tellement différent, d’un individu à l’autre, que personne ne peut prétendre, détenir la formule gagnante. Il existe des personnes, qui peuvent écrire sans même se relire, et peut publier du premier coup. Tandis que d’autres, peut-être par manque de confiance, ont vraiment besoin de peaufiner! Cependant, à force de vouloir parfaire, on finit par ne jamais passer aux actes. On trouvera toujours des coquilles, quand on veut on peut, croyez-moi! Mais, une fois la décision précise. Publication en main, cela ne nous appartient plus. Le bouquin, a été fait, à un moment précis d’une époque, là où la personne pensait, à ce moment-là, d’une telle façon. On ne peut donc jamais, refaire ses propres livres, car ce serait trahir, sa propre identité.
Nous sommes dans un monde beaucoup trop perfectionniste et compétitif. Je vous dit cela et je suis probablement l’un des plus compétitifs, chercher l’erreur.
Pour certains auteurs, c’est peut-être dommage parce que toute l’énergie qu’ils mettent à corriger des facteurs de leur ouvre, pendant ce temps ils perdent probablement de l’inspiration dont ils auraient pu consacrer à une autre histoire.
Je crois que c’est en écrivant de plus en plus que l’on s’améliore et non en regardant le passé et essayé de changer nos brouillons. De toute façon, la perfection n’existe pas, il faut juste savoir apprécier.
On peut voir qu’au Québec il ne manque pas de talents…J’étudis « Fred Pellerin » dans mon cours de français a l’école. J’étudis plus précisement le compte merveilleux. j’ai écouter ces cassettes , et la façon qu’il compte ces histoire ou légende, ça ne peu pas être plus interessant. c’est captivant mé a la fois vraiment rigolo..Mon professeur de français est allé le voir en spectacle.. au début il se disais que ca allait être une soiré pénard.. Mé il m’a dit, qu’en revenant du spectacle.. il a trouver sa merveilleux de voir qu’il y a encore et toujours des conteurs qui on pourrait dire..son dans leurs histoire quand il la compte. On dirait qu’il étais sur place quand ca c’est passer. Bref.. c’est un conteur a drole d’allure ou de facon de s’exprimer mais mafois excellent..A voir !
Je ne vois pas pourquoi un livre ne pourrait pas être réécrit, revisité, modifié. On le fait bien avec les films. On reprend une histoire racontée il y a plusieurs années et on refait le film. Quand c’est refait exactement pareil avec d’autres acteurs, je me demande toujours pourquoi refaire la même chose. Mais lorsqu’on reprend l’idée, l’essence du film et qu’on en change la façon de le présenter, alors là, je trouve que ça en valait la peine. C’est pareil dans les livres.
Je comprends M. Beauchemin d’avoir repris son Matou et de l’avoir corrigé, adapté. À l’époque où il l’a écrit, il était à une étape de sa vie, il avait vécu des choses, il avait une vision des choses qui a fait en sorte que ce livre a été pondu. Mais des années plus tard, il a évolué. Sa vision a peut-être changé, il a maturé, il a vécu d’autres choses qui fait en sorte qu’en retouchant à son livre, il met une autre saveur, une autre texture à son histoire du Matou.
C’est pareil pour la pièce Broue que les trois acteurs ont modifiés au fil des ans. J’ai vu la pièce, il y a 25 ans et aussi tout récemment, et effectivement, l’essentiel est toujours là, par contre, la pièce a évolué au fil des ans, ce qui fait qu’elle est toujours aussi vivante.
Même chose pour Fred Pellerin. J’ai acheté un de ses livres, et j’ai lu les histoires. Puis j’ai écouté le CD qui l’accompagne et j’ai entendu ces mêmes histoires en spectacle, mais modifiés, accentués à certains endroits, moins en détail à d’autres, avec de petites substitutions. Bref, l’histoire évolue, change, s’adapte au moment, au feeling du temps. Et selon moi, c’est très bien comme cela.