La semaine dernière, je me suis extasié encore un bon moment après avoir terminé ma chronique, en croisant le regard de mon prochain au hasard de mes aventures urbaines. Depuis que l'été a commencé à répandre par flaques éclatantes ses pissenlits sur les pelouses – et par vagues souriantes les badauds se délassant sur les terrasses des centres-villes -, je ressentais comme plusieurs autres cette légèreté qu'on associe spontanément à l'été.
Soudain, comme une gifle dont on se souvient, la vie s'est mêlée de me flanquer une dégelée qui m'a saisi.
C'est sous les traits d'un homme déguenillé passablement éméché que la lucidité m'a forcé à véritablement ouvrir les yeux, à ne pas voir qu'en surface le reflet aveuglant d'un soleil enfin ardent.
À la croisée de Saint-Paul et de Price, il avançait en titubant, son sac à l'épaule comme un vieux baluchon, le regard éteint par l'alcool déjà en cette fin de matinée. Son corps fluet ne semblait pas pouvoir trouver l'équilibre, et chacun de ses pas menait ses pieds avec une incertitude patente. Fallait-il trouver la motivation d'avancer encore? Qu'y avait-il au-delà du brouillard éthylique qui vaille la peine de se donner tant de mal?
Son havresac affalait sa veste trop petite, de sorte que l'ourlet était relevé sur sa hanche. Et son jean égueulé, probablement mal attaché, laissait poindre l'élastique de son sous-vêtement tout aussi échancré.
Au coin de la rue, il donnait l'impression d'essayer de comprendre la série logique du feu de circulation, s'emmêlant dans le calcul que les vapeurs alcooliques rendaient probablement d'autant plus complexe.
Je pensais au frétillement du reflet sur la rivière Saguenay, que j'étais sur le point de croiser avec satisfaction. Je pensais que le soleil chauffait fort à travers le pare-brise. Je pensais à mon fils qui fredonnait derrière. Je pensais à tous ces petits bonheurs. Nous étions certainement plus d'une dizaine de voitures arrêtées à l'un ou l'autre coin, autant de bulles étanches, chacun se perdant dans ses propres pensées.
Pendant ce temps, l'homme, lui, vivait mollement chaque pas de sa déroute. Il avait compris que ma voiture comme les autres sur la même voie, clouées à la ligne d'arrêt par le feu rouge, devaient le laisser passer. Malgré sa démarche flageolante, ses jambes menaçant à tout coup de le laisser choir, il réussit à atteindre le terre-plein, juste à temps. Il s'y planta en vacillant pour étudier à nouveau, le corps chancelant, ses chances de franchir l'autre voie sans se faire heurter.
Et moi j'ai démarré sans me presser pour traverser la rivière encaissée. Ce n'est qu'alors que j'ai pris conscience de ce qui venait de se passer.
Si j'ai pris la peine de raconter avec force détails cette situation, c'est que je voulais étirer le temps. Parce qu'arrêter au feu rouge et voir passer l'homme claudiquant, ça n'aura duré que quelques secondes dans ma vie. Et j'avais envie de revoir précisément tout ce que ma conscience n'avait qu'effleuré. Parce que ce fait divers, cet instantané matinal qui s'est figé dans ma mémoire, est une preuve de notre échec social.
Car à n'en point douter, cet homme avait un problème. Lorsque l'ivresse te fait à ce point vaciller en début de journée, que tu deviens une silhouette fade dans le paysage urbain, qu'il n'y a que la solitude et la peur pour te prendre la main lorsque vient le temps de traverser un carrefour, c'est indéniablement que tu as besoin d'aide. Et, comme tous ceux qui se sont retrouvés au même coin de rue, au même moment, je n'ai pas eu les moyens d'aider cette ombre. Le pauvre type est rentré chez lui, en supposant qu'il ait un chez-lui, pour replonger dans ses problèmes, qu'il se convainc peut-être d'accepter. Pendant ce temps, je me fermais les yeux pour retourner profiter de la vie dans mon petit coin de paradis hypothéqué.
Peu importe le vécu de cet homme, que ce soit ou non une question de volonté – car on le sait, la volonté n'a pas été mieux distribuée que le bien-être – personne ne mérite d'être laissé en pleine rue, porté par une soûlerie matinale. L'idée n'est pas d'éradiquer les pauvres pochards comme celui qui fait les frais de cette chronique. C'est plutôt de dire que personne ne mérite d'être assujetti à une telle dépendance, de devoir vivre constamment dans l'urgence de trouver un toit ou un peu de réconfort. Ce qui est primordial, c'est de décrier une société qui permet la déchéance et n'offre que trop peu de pistes de solutions.
Cette chronique se veut un hommage à ceux qui, malgré l'échec d'une politique qui se lave trop bien les mains face aux problématiques sociales grenouillant dans toutes les régions du Québec, malgré l'inimaginable portée du problème, se lèvent chaque matin pour aider leur prochain. Ceux qui accueillent les sans-abri, offrent leurs précieux soins aux personnes moins bien nanties.
Déjà on agit ici comme les citadins qui arpentent la Ste-Catherine à Montréal. Déjà on se regarde sans se voir, comme si on ne pouvait s'aimer qu'aveuglément, les yeux fermés, sans voir nos travers et nos difficultés. Je me dis que si un seul de vous, sans même dire un mot, va et tend la main à l'homme qui a croisé mon chemin, j'aurai fait un sacré bon boulot.
De tous les temps, que l’on remonte le fil de l’histoire, des Romains, en passant par le Moyen-Age et, sur notre continent, par la société de la Nouvelle-France, il y a eu, dans la même ruelle, des bourgeois, des nobles, des soldats, des pauvres et des vagabonds saouls qui cohabitaient, sur une base quotidienne. C’est un spectacle commun qui se retrouve, plusieurs siècles après, dans notre environnement urbain. Il n’y a pas lieu de vous culpabiliser sur cet itinérant alcoolique car, l’aider ou lui tendre la main n’est sans doute pas la meilleure solution. La cruauté de notre société capitaliste est semblable à celle qui existait en Nouvelle-France. La pauvreté et la déchéance humaines n’ont pas disparu, depuis des siècles. Elles ont seulement évolué dans un cadre de société industrialisé, technologique et deshumanisé. Nous devons faire le constat d’une double responsabilité, celle de notre société et celle de l’homme qui, volontairement, tombe dans la déchéance de l’alcool et de l’abstraction de soi. La banalité de votre article prouve que vous vous apitoyez en vain, sur une minorité d’individus qui choisissent la perdition comme style de vie, de tous les jours.
dans chaque regions.ville, village il a des gens qui n’ont aucun logis pour habiter et pas d’argent pour se nourrir et comme ils veulent oublier leur problème ils sombrent dans l’alcool et ce presque 24 heures sur 24 mais ces gens-là ont besoin d’aide et beaucoup d’écoute car ils pourraient s’en sortir mais ils ont abandonné dù à un trop grands nombres d’échecs et de rejet .
pendant ce temps nous on pense seulement à gagner plus d’argent et d’avoir plus de choses matériel que nos voisins et être le roi de notre voisinage.
il y a aussi les gouvernements qui donne de moins en moins de subvention a des maisons et organisme qui viennent en aide a ces gens la . beaucoup de maison d’aide ont fermé leur porte en régions dû a un manque de fond c’est dommage parce qu’ils aidait beaucoup de gens à sortir de leur routine de vivre dans la rue et ils sont redevenu des gens qui aident la société à grandir
Le visage de la souffrance humaine, comme celle évoquée au passage d’une personne alcoolique devenue clocharde ou itinérante, nous contraint sans doute à des questionnements. Je conçois qu’on puisse s’interroger sur un possible échec de notre société à trouver des solutions durables pour contrer l’itinérance. La lecture de votre commentaire me permet de constater que vous avez trop rapidement conclu que la situation de cet individu résultait nécessairement de l’échec de la société. Possible mais peu probable. La réalité est plus complexe. Comment un petit enfant peut-il évoluer de cette façon et en venir à se présenter sous une telle apparence? Une multitude de facteurs peuvent contribuer à cerner la réponse. Je retiens toutefois de votre point de vue que l’ouverture d’esprit et l’accueil de même que le regard porté vers nos proches moins nantis constituent un premier pas important vers une solution durable mais les gestes plus concrets s’imposent. Comme vous, je salue l’action des personnes qui font avancer la cause des personnes en difficulté pour leur permettre dans un premier temps de soulager leur misère et voire même d’en sortir.
Le 25 mai 2007, le Collectif de recherche sur l’itinérance, la pauvreté et l’exclusion sociale, tenait un colloque qui avait pour titre : Les refuges à la croisée des chemins.
Le refuge est-il une réponse adéquate à l’itinérance et à la réinsertion sociale, au-delà d’offrir une aide d’urgence et temporaire ? Est-ce que le logement supervisé répondrait mieux au problème de l’itinérance ? La question se pose. Ne vaut-il pas mieux apprendre à pêcher que de donner sans cesse du poisson ?
N’oublions pas non plus que chaque région a ses propres réalités au niveau de l’itinérance.
« Ailleurs qu’à Montréal et à Québec, peu d’errants, de mendiants ou de squeegees occupent les lieux publics. En région, le phénomène est beaucoup plus caché et on fait référence à l’instabilité résidentielle plutôt qu’à l’itinérance». C’est ce qu’explique le coauteur d’un rapport de recherche sur la population itinérante et sans domicile fixe des Laurentides, Paul Carle. »
Vivre entassé dans un petit logement, louer un motel au mois ou encore vivre dans un logement insalubre, mal isolé et insonorisé, ça existe même au Saguenay, mais ça ne se voit pas.
Et que dire de la désinstitutionnalisation? Bien des personnes se sont retrouvées à la rue ou dans des maisons de chambre, abandonnées à leur sort, sans accompagnement supervisé pour soutenir leur démarche de réinsertion sociale.
Notons aussi certaines contradictions qui entretiennent une forme de « marché de la pauvreté » ou involontairement, l’aggravation de divers problèmes sociaux.
Que dire des groupes communautaires qui reçoivent une partie de leur revenu, des profits générés par les bingos, en même temps qu’ils interviennent auprès des personnes ayant des problèmes de jeu compulsif ou auprès des personnes appauvries ? Un non-sens.
Voulons-nous tendre la main pour une nuit ou pour la vie? Qui voulons-nous réellement servir?
Et la pitié momentanée ne fait surtout pas partie de la solution.
Malheureusement, beaucoup de personnes comme celle que vous avez vue traverser la rue pensent trouver du réconfort dans l’alcool mais sans le savoir elles s’enfoncent de plus en plus dans leurs problèmes au lieu d’y faire face. Il y a bien les Alcooliques Anonymes pour les aider mais il faut un peu de volonté de leur part car ce sont elles qui doivent entreprendre cette démarche. Mais, je crois que c’est comme les pauvres, il y en aura toujours malgré les organismes en place pour leur tendre la main.
Parfaitement, d’accord avec vous, Monsieur Caron! À trop vouloir bien faire, trop souvent, c’est le contraire, qui arrive! Finalement, on aboutit tous, aux mêmes endroits, tôt ou tard. Question, de consciences personnelles, ou sociales? Personnel, en ce sens, que même si on vous, ou nous, obligerait, à vivre de la sorte, on ne le pourrait pas! Question, d’avoir du coeur au ventre? Je n’ai pas la prétention de posséder une réponse, mais déjà de poser la question, c’est souvent y répondre. D’autre part, conscience sociale : on fera tout, ce qu’on pourra, pour poser des gestes humanitaires. Encore faut-il, avoir la volonté de s’en sortir? Qui, sommes-nous, pour aller dicter la conduite, de quelqu’un d’autre? Sommes-nous, vraiment responsables «de l’échec social»? Possible? Il y a un dicton, ou un proverbe, peu importe qui dit : «Pour être heureux, il faut vivre niaiseux, ou encore, heureux le creux, et blablabla»! À chacun, son jugement, n’est-ce pas?
En lisant votre article, je me suis rappelé un évènement qui m’est arrivé à la fin de l’hiver. J’attendais ma fille à la sortie d’un cinéma et j’étais en avance. Je regardais les allée-venues des gens pour passer le temps. Tout à coup, je vois un vieil homme (je dirais plus de 60 ans) avec un grosse barbe blanche, des cheveux poivres et sel tombant sur les épaules et qui n’ont pas vu une paire de ciseaux depuis les années 70. Il marchait péniblement à côté de son vieux vélo défraichi. Ce dernier avait sur ses poignées des sacs de poubelles, remplis, accrochés et pendants. À mon avis, tout ses avoir étaient accrochés là. Il a mis son vélo devant la vitrine du Tim Horton et est entré se prendre un café. Je le voyais toujours, car mon auto était stationné devant le Tim. Il s’est assis à une table, face à son vélo pour bien le voir et a bu son café sans parler, sans bouger. Il est resté ainsi tout le temps que j’attendais (plus de 30 minutes). Je regardais les gens autour de lui. Personne ne le regardait, ou plutôt, les gens le regardait à la dérobée. Personne ne lui a parlé, ne lui a offert de l’aide, une parole, un sourire. Il n’existait pas, ou du moins on aurait voulu l’ignorer. C’était d’une tristesse. N’Y pouvant plus, je suis entrée dans le Tim Horton, je suis allée aux toilettes pour passer près de lui et j’ai faillit lui parler, lui offrir de l’argent, mais je ne l’ai pas fait. J’ai figé. Et je m’en veux de n’avoir rien fait. Je suis juste repartie, puis ma fille est sortie du cinéma. Nous sommes partis à la maison.
Deux jours plus tard, l’hiver que l’on croyait terminé est revenu nous pincer le visage avec une de ses tempêtes phénoménales. J’ai repensé à cet homme en espérant qu’il ait un endroit où aller par ce sale temps.
Tout ceci peut sembler banal, mais pour moi, j’y ai repensé souvent à cet homme. Vu que j’habite en banlieue, dans un endroit plutôt campagnard, il est rare de voir des itinérants dans notre coin. Quelle tristesse!
Souvent, il m’arrive de sortir du cinéma Charest le soir, d’aller jouer au Xbox chez un de mes amis et de retourner prendre le bus en passant par le mail ou par la rue Du Pont. À chaque fois, c’est incontournable, je vois une personne qui est couché quelque part dans le parc derrière l’endroit ou s’arrête l’autobus ou sinon je vois quelqu’un par terre en face d’un magasin ou autres. Je trouve la situation alarmante, le quartier Saint-Rock est devenu un très belle endroit, il y a tant de commerce et même la compagnie Ubisoft y a érigé ses bureaux. Le quartier était auparavant délaissé, les gens avaient pratiquement peur d’être vu là, maintenant, c’est très tendance et on aime s’y rendre pour faire nos emplettes. C’est un très bel endroit de la ville de Québec St-Roch. Ceux qui comme le maire L’Allier on décidé d’y investir de l’argent ont eu raison. Cependant, le problème de l’itinérance est grave, que ce soit dans le mail ou à l’extérieur, il y a des gens sans foyer qui se cherchent un endroit pour passer une nuit. Je crois qu’il est temps d’agir, la situation se dégrade et nous sommes en voie de ressembler à Montréal. Montréal c’est l’extrême peut-être mais tout de même le problème est grandissant à Québec et ce malgré l’aube rivière et les endroits comme celui-ci. Il faut agir et aider les personnes dans le besoin, particulièrement dans le temps des fêtes. Une personne seule peut aider la situation ne serait-ce qu’en achetant la revue La quête une fois par semaine !