"Le théâtre, ça demande un effort, peu importe de quel type de théâtre il s'agit." C'est Guylaine Rivard qui me disait cela comme s'il s'agissait d'une évidence, lors de la récente entrevue qu'elle m'accordait pour célébrer les 10 ans d'existence du Théâtre CRI, dont elle est la directrice artistique.
Un effort?
Deux jours après lui avoir parlé, j'étais encore hanté par cette phrase. Pourquoi est-il si "difficile" d'apprécier le théâtre?
Il fut un temps – révolu, il faut savoir l'admettre – où le théâtre était un art populaire, quelque part sur le Vieux Continent. Les gens de théâtre ne vivaient probablement pas plus dans l'opulence, mais le public était au rendez-vous, l'odeur des corps mal camouflée par les froufrous et les parfums baignant bon an mal an l'atmosphère des théâtres – désolé, c'est que je viens de me taper Le Parfum, de Patrick Süskind, et ça m'a laissé des odeurs plein l'esprit.
Le théâtre, à cette époque bénie de sa reconnaissance presque inconditionnelle, était un bel animal, bien membré et fier, sur lequel on pouvait se fier. Les conventions le tenaient bridé serré et à tout coup il accomplissait, sans plier l'échine, l'ouvrage qu'on exigeait de lui. Il s'introduisait sans effaroucher, divertissait de quelques galipettes et péripéties, puis se retournait pour montrer, comme une croupe musclée à la robe luisante, la plus belle de ses conclusions.
Ce bel animal, prévisible et docile, c'est sans doute le cinéma et la télé qui l'auront non pas tué, mais démembré, supplantant le rôle dont il s'était jusque-là si bien acquitté. L'animal théâtral ayant perdu la nécessité d'une motivation, n'ayant plus pour tâche la propagande, l'éducation ou la mimesis, est devenu un surprenant monstre de foire aux formes incertaines, voire inquiétantes.
Ce qui faisait autrefois la magie du théâtre, c'est qu'on aimait se sentir interpellé par lui, se reconnaître sous les traits un peu grossiers de l'un ou l'autre des personnages, se donner l'illusion de n'être pas seul au monde ainsi torturé. Or, la télé, aujourd'hui, répond à ce "besoin" sans se faire prier, nous ramenant la plupart du temps à notre bêtise, voire à notre insigne insignifiance – et j'en suis, pour ce qui est de l'insignifiance autant que pour le recours à ce médium pour me vautrer dedans.
Premier constat: il est clair que le théâtre qui continue d'offrir un semblant de bel animal – introduction, développement, et tout est bien qui finit bien – perd au change. Devant la parité de l'offre, l'effort demandé pour syntoniser un canal télé (celui qui représente le mieux notre propre insignifiance) sera moins grand que celui qui est nécessaire pour aller assister à une pièce de théâtre.
Or, ce n'est certainement pas de ce type d'effort – bassement physique – que voulait parler Guylaine Rivard. Car en général, la production théâtrale a profité de ce que le cinéma et la télévision s'accaparaient ce rôle de mimesis, présentant un produit autodigestible – avec manuel d'instruction intégré -, pour se défaire des contraintes conventionnelles qui contrôlaient jusque-là sa forme et son devenir. Ce faisant, et à cause des contraintes physiques qui ne permettent pas au théâtre de rejoindre autant de personnes au même moment que ses compétiteurs de l'image en mouvement, le théâtre n'était plus soumis à la nécessité d'être populaire et pouvait – voire DEVAIT – s'aventurer en territoire inconnu.
C'est alors qu'un véritable effort a été exigé du spectateur. Lorsque le théâtre a refusé d'être une pâle copie du monde. Qu'il est devenu un art à proprement parler, cherchant à mettre en lumière ce qui du monde n'est jamais véritablement révélé, à comprendre autrement une vie qui ne se donne jamais totalement.
S'intéressant d'abord au lustre de la norme, à la surface des choses et du réel, il s'est mis à creuser, se délestant à la même mesure du toc et du factice qui l'avaient jusque-là défini. À mon sens, c'est en ayant à faire face à cette nécessité de se réinventer qu'il est véritablement devenu un art.
On a parfois l'impression que le théâtre périclite, qu'il est à bout de souffle et qu'il pourrait n'être plus qu'un fossile de lui-même dans un avenir proche. On tire cette conclusion du nombre d'amateurs, qu'on compare trop souvent au box-office et aux cotes d'écoute. Ne devrions-nous pas voir la situation autrement? Peut-être le théâtre, au fond, n'a-t-il jamais été aussi sain. Car l'art véritable, celui qui cherche à comprendre le monde, qui ne trouve sa motivation qu'en lui-même, n'a pas la prétention d'être démocratique.
La question qui se pose n'est pas celle d'une élite, mais plutôt celle de l'adhésion à la norme implicite à toute démocratie. L'art est individuel; il se cherche et se trouve en dehors de la norme qui, elle, tend à l'uniformité. Le théâtre, qui cherchait autrefois à satisfaire une majorité, n'est plus soumis à cette contrainte. Il peut aujourd'hui défier notre compréhension du monde, l'affiner, et nous le faire enfin voir autrement. C'est du moins ce que j'attends d'une pièce à laquelle j'assiste.
100 MASQUES
Parlant théâtre, les 100 Masques annoncent leur prochaine production, Les Monstres de l'orgueil (m.e.s. Dario Larouche, avec Jérémie Desbiens et Émilie Bouchard). Construite à partir du collage de 15 extraits de pièces classiques, la production sera présentée dès le 25 juillet à la salle Murdock. Satisferont-ils mes attentes?
Je crois qu’à la télévision (et la radio) on ne pique pas suffisamment notre curiosité pour nous inciter à aller voir des pièces de théâtre. Après qu’il ait complété sa tournée, souvent un humoriste va présenter à la télé son spectacle. C’est à ce moment-là que ceux qui n’ont pas été le voir en salle peuvent avoir des regrets en se disant qu’ils ont raté une belle prestation de l’artiste. Ça donne le goût la prochaine fois d’aller voir un spectacle d’humour. Par contre, on dirait que le théâtre se plaît à rester underground. On en entend très peu parler dans les médias ; presque juste le strict nécessaire, c’est-à-dire, le titre de la pièce, le théâtre où elle est jouée et les dates des représentations. Par ce peu de visualité, c’est difficile de nous donner envie d’encourager ces artistes qui le pratiquent.
L’art peut servir différentes missions. Divertir, conscientiser, soigner, politiser, etc. Chaque artiste choisi la mission qu’il veut servir avec son art. L’art n’est pas individuel. La démarche artistique met inévitablement en contact avec les autres et le monde. Et l’oeuvre prend vie véritablement aussi à travers le regard de l’autre ou de l’interaction entre les artistes et le spectateur. Même une oeuvre qui semble figée dans le temps, peut inspirer de nouveaux sens, dépendant de qui est devant le tableau.
On ne devrait pas associer la démocratie à la normalité. Je peux être en marge et exercer mon droit de vote ou de parole, en toute démocratie.
La création et l’innovation, ça sort évidemment des normes ou des sentiers battus. Mais est-ce seulement l’élite ou les riches qui peuvent passer à la table ?
Parlant d’accessibilité, c’est un non-sens que des personnes qui n’ont pas les moyens de s’inscrire à un cours, ne puissent pas, quand les espaces sont disponibles, aller s’exécuter dans un atelier ou une salle de cours de danse ou de théâtre. J’ai fait un jour l’expérience d’aller avec des femmes en situation de pauvreté, dans une salle de cours d’une école de danse. La majorité de ces femmes n’avaient jamais mis les pieds dans ce type de lieu. Certaines pleuraient, en même temps que tout leur visage s’illuminait, comme celui d’un enfant à qui l’on fait une grosse surprise. Ça m’a marqué.
Au temps où je faisais de la danse contemporaine, une amie était venue me voir danser à Tangente à Montréal. 40 personnes étaient présentes. Mon amie m’a demandé par la suite, sachant que je m’investissais à danser 6 à 8 heures par jour, si je souhaitais danser pour de petites assistances dans ma carrière ou danser devant le plus de monde possible. Être plus accessible pour rejoindre plus de monde ou être en marge et hors « normes » pour faire avancer mon art ? J’avoue que devant ce questionnement, je me suis senti bien seule.
http://www.tangente.qc.ca
Tout comme une chandelle, le théâtre est un objet éphémère
mais utile. Un éclat chaud qui nous ravive le temps de se dire.
Mais le théâtre perdure depuis des lustres et il est tout à fait
remarquable de constater que cet objet soit ainsi parvenu à nous
en ce début du 21ème siècle, dans notre ère d’avancées technolgiques.
Encore plus fascinant de vérifier la présence et la durée de sa dramaturgie.
Molière et Shakespeare encore et toujours aussi pertinents dans leurs savantes
études de l’âme humaine! La parole est encore reine en nos royaumes anéantis!
Le théâtre a l’art de se renouveler au fil des âges tout en demeurant le même.
De là, sa magie qui opère inlassablement!
En fait, le théâtre a franchit les frontières de son quatrième mur pour dériver
allègrement vers d’autres formes d’arts. On le retrouve au cinéma, à l’opéra,
dans la danse, dans nos comédies musicales et dans le miroir tristounet
de nos ¨télés¨ et de nos ordinateurs. Autant d’images d’un monde qui
affiche ses tragédies, ses farces et ses attrapes!
Mais diantre! Quel bonheur de retrouver cet objet éphémère en sa forme originelle;
sur la nudité d’une scène avec la voix, la peau et le geste. Le théâtre a cette faculté
unique de passer devant nous et d’être au même diapason de notre souffle. Il agit
d’égal à égal avec notre vulnérabilité. Il opère dans l’instantanéité humaine.
Je crois, qu’il existe deux styles théâtraux, pendant la saison estivale. Il y a du théâtre d’été, et du théâtre pendant l’été! Le premier, semble celui, que l’on retrouve un peu partout, et qui demande des efforts? Des efforts, parce qu’il faut plaire à vaste public, qui n’a certes pas envie de se torturer, les méninges, pour comprendre l’essentiel du sujet : voilà! Secundo, il existe aussi celui, qui demeure même pendant l’été. Ce même que, l’on pourrait aller admirer, assis confortablement sur notre siège, à l’air climatisé. Ce dernier, fait des efforts surhumains pour conserver, une infime partie de leur clientèle. La question, n’est pas de trouver la réponse, de qui à raison ou tort? Ou l’inverse, comme vous voudrez? Cependant, tous ces gens doivent continuer, à bouffer même pendant l’été! Travail oblige, n’est-ce pas? Alors, pourquoi ne pas allez d’un côté, comme de l’autre? Une mauvaise expérience, n’est pas synonyme d’une généralité absolue? Question, d’ambiance, de climat etc. Laissons donc, la créativité s’exprimer, sans se mettre d’ornières.