La plupart des gens perçoivent la ville comme une agglomération d'édifices, une étendue de béton et d'asphalte, de routes envahissantes qui barbouillent le paysage. Quand on y pense, pourtant – puisque l'être humain est capable de pensée, semble-t-il -, l'étalement urbain représente beaucoup plus que ces rubans goudronnés, ces trottoirs qui s'effritent, ces murs de pierre et de brique, poissant leur crasse à la moindre ondée.
La ville, c'est une accumulation plus ou moins anarchique de divers symboles qui se chevauchent jusqu'à se dissimuler les uns les autres. La ville se trouve là même où elle se cache, là où on ne la voit plus. Quand on la regarde bien, elle a tout d'un de ces parchemins retrouvés sur lesquels on avait écrit, effacé, puis écrit encore plus d'une fois. Comme un palimpseste urbain.
Dans une jeune société comme la nôtre, ce palimpseste est encore mince. Rien à voir avec le métissage des époques vécu dans les Vieux Pays, où les gens trouvent sans s'émouvoir, au fond de la cour, les vestiges d'aqueducs ou de théâtres romains avec lesquels ils cohabitent sans heurt, au point de les oublier. Mais chez nous aussi, déjà, les symboles, même discrets, s'accumulent.
C'est comme ces champs de symboles qu'on appelle des cimetières. Des symboles isolés, cassants, s'effritent, s'empilent. Ici et là, des coquilles historiques:
"décédé le 20 nevenbre
a lage de 9 ans
fille de (untel)"[sic]
Sans nom ni année, la pierre – il s'agit en fait d'un ciment plutôt frêle -, au lieu de rappeler à la mémoire la fillette défunte, devient le triste symbole d'une époque de pauvreté et d'illettrisme, où certains n'avaient que très peu de moyens pour se payer un semblant d'éternité…
Au bas de la côte Saint-Marc, qui jouxte celle du boulevard Sainte-Geneviève et que, par la force des choses, ils ne sont plus qu'une poignée à emprunter, se trouve le signe d'une drôle d'anecdote. Une simple flèche directionnelle – question d'éviter de s'écraser contre la Bonne Patate – s'écaille depuis probablement longtemps. Sous les desquamations de la peinture sourd l'étrange origine du panneau: Expo 67. Ce n'est pas d'hier qu'on récupère.
Depuis quelques jours, dans le cadre de l'événement Trafic'Art, l'artiste Roadsworth, bien connu pour son travail de pochoir trop souvent associé au simple graffiti par les autorités municipales, a pris d'assaut quelques rues de l'arrondissement de Chicoutimi. Des poissons remontent maintenant la rue Bossé, comme s'il s'agissait d'une rivière, faisant probablement référence au déluge de 1996 – l'adage populaire raconte que la rivière y avait repris ses droits. Une oeuvre accessible, presque touristique. Et sur la rue Racine, juste devant le chantier de la maison Lévesque, on trouve maintenant un affleurement radical; des racines que la lame d'une égoïne semble prête à retrancher. À moins qu'elle ne soit là pour montrer la coupure nette qui subsiste entre la richesse de la haute-ville et la tristesse de la basse-ville… Des symboles riches qui ne demandent qu'à être déchiffrés.
Bientôt, les oeuvres de Roadsworth suivront peut-être le même chemin que les autres symboles qui s'accumulent dans notre environnement. On les verra peut-être du même oeil éteint que les oeuvres des Armand Vaillancourt, Karol Proulx, Jordi Bonet, Suzanne Tremblay, Germain Desbiens (et des autres) qui se perdent dans notre paysage urbain… Quand elles auront commencé à s'affadir lentement et que d'autres symboles viendront les faire disparaître.
Sans les artistes, sans les jeunes fougueux qui graffitent leur révolte sur les murs et les colonnes des structures, sans les artisans de toujours, reconnus ou non, la ville n'aurait pas d'envers; elle ne serait que de béton armé, triste et propre.
Heureusement, il y a plus.
VOIR FAIT PEAU NEUVE
Faire peau neuve. Se réinventer. Se donner la chance d'être différent, au moins un peu, question de ne pas stagner. Oh non. Surtout. Ne pas stagner.
Voilà que Voir fait peau neuve, se donne un nouveau visage. Si le changement n'avait été qu'esthétique, il aurait suffi d'un coup d'oeil pour en faire le tour. Mais il ne s'agit pas que d'une question d'image.
Plus que jamais, ouvrir le Voir Saguenay/Alma permettra de savoir ce qui grouille chez nous. La nouvelle section intitulée Voir la semaine aura les allures d'une entrée à saveur culturelle. De petites bouchées de culture servies juste à point, séduisantes invitations à aller toujours un peu plus loin. À se découvrir… Ou au moins, à voir, à lire ou à entendre!
Mieux adapté à notre réalité régionale – qui souvent offre bien plus d'événements que ne peuvent en colliger nos quelques pages – et à l'écoute des besoins des gens d'ici, Voir Saguenay/Alma s'alliera l'Internet avec encore plus de ferveur. Nous multiplierons nos invites aguicheuses à profiter de ses largesses, vous mettant l'eau à la bouche avec des extraits d'articles, des chroniques ou des coups de gueule… Et toujours des commentaires d'internautes, membres de la grande communauté culturelle de Voir, liés par la même intarissable passion.
Dorénavant, qu'on se le tienne pour dit, il ne sera plus permis de ne pas savoir quoi faire dans la région!