Elle commence à se faire vieille. Il faut le reconnaître. Lentement, elle se sent flancher. C’est l’énergie qui manque, de plus en plus souvent. Elle devra bientôt changer ses habitudes. En attendant, elle essaie de ne pas trop y penser.
La population vieillit. C’est bien connu.
Lorsque j’étais adolescent, les conseillers en orientation me prédisaient déjà un avenir doré, faisant reluire l’ouverture du marché du travail avec la retraite des masses de boomers. Avec un optimisme fleuri, on essayait de tuer l’idéologie du No future largement répandue à l’époque où Nirvana jouait en boucle dans les radios étudiantes.
Ce qu’on oubliait de mentionner, c’est qu’il faudrait soutenir, fiscalement parlant, la réduction étourdissante du taux d’activité de la population. Et que l’inébranlable système de santé serait de plus en plus souvent remis en question.
La baisse du taux global d’activité de la population canadienne, présentée comme inéluctable par Statistique Canada (de 67% en 2005 à 58% en 2031 selon les projections de l’organisme gouvernemental), risque de devoir être épongée par la génération suivante, grugeant la capacité d’achat des jeunes familles.
Ce n’est que maintenant qu’on a évité de justesse le suicide systémique de ma génération qu’on a commencé à parler des effets pervers du vieillissement de la population dans les secteurs de la santé et de l’économie.
Probable que c’est la génération Passe-Partout qui devra se serrer la ceinture. En attendant, bien sûr, on cherche des solutions.
D’ailleurs, on est sur le point de transformer certains hôpitaux en casinos. De cette façon, l’attente dans les urgences sera plus facile à tolérer pour les usagers, et on pourra profiter de cette manne pour éponger les coûts de la santé.
Vous trouvez ça exagéré? À l’hôpital de l’Enfant-Jésus de Québec, le premier comptoir accessible pour les patients, devant même celui de l’accueil, est tenu par Loto-Québec. Et dans la salle d’attente, on gratte. Pour passer le temps. Au lieu de gratter le bobo et de ruminer d’impatience. Ce n’est pas une blague.
Si la plupart des gens commencent à avoir conscience des effets du vieillissement sur les secteurs de la santé et de l’économie, accueillant souvent comme une fatalité les bouleversements à venir, peu se penchent sur les répercussions qu’aura cette situation sur la culture. Et pourtant, ce secteur sera lui aussi nécessairement touché.
Règle générale, qu’est-ce qui oriente les choix des organes culturels? Le tirage. La cote d’écoute. Le nombre de spectateurs ou de visiteurs. Les ventes. Bientôt, le poids démographique des boomers, jumelé à des habitudes de consommation accrue de culture et de loisirs, laissera peu de place aux préférences de la génération suivante.
Il ne faut pas se surprendre du succès des concerts de Scorpion, CCR ou Dennis DeYoung dans la région. D’ailleurs, il n’est pas trop risqué de prédire le même engouement pour la reproduction du show de Genesis, The Musical Box, qui sera présentée au Palais municipal de La Baie en mai prochain.
Beaucoup de baby-boomers n’ont eu que faire de la culture alors qu’ils se consacraient corps et âme à leur «carrière» – concept particulièrement difficile à imaginer chez les représentants de la génération Passe-Partout, qui devront pour plusieurs réorienter leurs prétentions professionnelles à plusieurs reprises au cours de leur vie active. Après avoir engrangé pendant des dizaines d’années, lorsque les boomers battent en retraite, c’est avec la ferme intention de profiter de la vie – loisir, culture, on se permet enfin du bon temps.
Déjà la tendance du côté du marketing est à solliciter de plus en plus les boomers, qui représentent un nouveau et puissant pouvoir de consommation en ce qui a trait à la culture et aux loisirs. Alors que beaucoup de Passe-Partout attendent encore la retraite de leurs prédécesseurs pour profiter d’emplois qu’ils reluquent à distance, ils ne pourront bientôt profiter que d’une culture qui sera contrôlée par les désirs de leurs aînés.
On se dirige vers un vieillissement de la culture. Bientôt, les spectacles seront vendus en forfaits golf. Les musées se paieront les services d’anciens G.O. pour accueillir cette nouvelle clientèle qui aura troqué le soleil des Caraïbes pour l’art qu’ils ne pouvaient voir en peinture jusque-là.
Ouch. Heureusement, il reste une poignée de boomers qui ont du goût.
La population commence à se faire vieille. Il faut le reconnaître. Elle changera bientôt ses habitudes. En attendant, comme d’autres, je vais essayer de ne pas trop y penser.
Je suis né dans l’après-guerre, mais je suis tout sauf un boomer; pas de condo en Floride, pas de Harley-Davidson, pas Winnebago, pas de retraite digne d’une convention collective «couilles en or», pas de REER, pas d’amertume…
Il ya beaucoup de parvenus chez les boomers, pas seulement des fonctionnaires et de syndiqués protégés par des clause orphelins. Il ya toute une floppée de commerçants qui ont trimé dur et se sont débattus commes des diables dans l’eau bénite, bien que je sois très loin de ce genre de « profession ». Mais j’ai tendance à croire que l’avenir des jeunes se situe au niveau de l’entrepreneurship et les bonnes idées ainsi que l’imagination ne manquent pas. Ce ne sont sûrement pas les moyens techniques qui vont manquer en tout cas!
Il y a une partie des boomers qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes, d’autres ont surfé sur la vague et profité du beau temps en se disant que les autres sauraient probablement s’organiser. C’est ce qui nous donne aujourd’hui ce climat d’incertitude quant à la continuité, un peu comme si les enfants de demain n’étaient plus les nôtres…
Il faut rétablir le lien de confiance avec les jeunes et en tant que faux-boomer, ce n’est pas en vivant de la culpabilité que je pourrai les aider. Toutefois ne pas se soucier de l’avenir et des conditions de vie de nos descendants, reléve de la plus pure irresponsabilité.