La nuit aura résonné d’échos étranges. C’est ce que je me suis dit en prolongeant ma soirée dans les paillettes de lumière de l’horizon de Jonquière.
Les voitures garées dans le stationnement du centre culturel du Mont-Jacob se sont dispersées. Sans doute pendant que Jonathan Boies et Patrice Leblanc étiraient le temps jouant ici de la guimbarde, là d’une batterie improvisée, frappant sur la poubelle, dans ses entrailles, ou frottant des baguettes sur le béton sec du parvis.
Certaines voitures avaient dû démarrer même un peu plus tôt, pendant le deuxième concert, leurs propriétaires ne pouvant plus supporter la tension du spectacle, incapables de fournir l’attention nécessaire pour suivre le concert jusqu’à la toute fin. Qui pourra leur en vouloir?
Je n’ai pas l’oreille absolue. Je n’ai pas d’aptitude particulière en ce qui a trait à la musique. C’est avec les tripes que je l’apprécie, comme je le fais d’ailleurs pour tout le reste dans la vie. Et c’est comme ça que j’ai accueilli chacun des concerts présentés au cours de la première semaine du Festival des musiques de création. Le tout culminant avec la performance de Tim Brady, samedi dernier.
La semaine n’aurait pu mieux se terminer qu’avec ce spectacle. La musique, orchestrée par Brady, était en soi fort intéressante – la réputation du guitariste n’est plus à faire. Mais le concert avait surtout ceci de particulier qu’il alliait au talent de Tim et de ses musiciens une mise en scène amusante et soignée, s’élaborant à partir de ce qu’il a appelé «la loi des conséquences inattendues», dénonçant par la bande le racisme et les inégalités. Ne laissant absolument aucune place à l’improvisation, le concert aura montré comment on peut être trash et humaniste tout à la fois quand on a pour seule mitraille sa guitare électrique.
Ont aussi contribué au succès du concert les projections vidéographiques particulièrement hallucinantes qui ont tapissé l’espace scénique. Ces films ont accompagné sans distraire la performance des musiciens, piège qui guette tous ceux qui tentent l’exploit.
Certains puristes sourcillent souvent devant l’éventualité de trop habiller la musique par divers apparats inutiles, arguant que la musique devrait se suffire à elle-même. Je ne suis pas de cet avis. Dès qu’on utilise un micro, on accepte les services de la technologie. Alors pourquoi cracher sur toutes ses possibilités? Trop de musiciens hyper compétents ne savent pas communiquer avec la salle, s’enfermant dans une bulle que chaque spectateur doit s’efforcer de pénétrer à son tour. Pourtant, la maîtrise des instruments ne devrait pas couper du reste du monde. On ne demande pas de la pop. Juste une ouverture vers la salle.
Évidemment, toute la semaine n’aura pas été aussi jouissive que lors de la performance de Brady et de ses acolytes. J’aurai même cogné quelques clous pendant la performance du Jean Martin Trio, Get Together Weather – ce que j’ai avoué avec un fort sentiment de culpabilité dans le blogue Pop Culture dès le lendemain matin. Pas que c’était mauvais. Seulement, c’était juste trop. Je vis mieux, maintenant, avec cette faiblesse qui m’aura fait fermer un oil: j’ai eu droit à quelques aveux depuis de la part d’autres spectateurs. Même des gens du milieu se sont à l’occasion laissé séduire par les bribes éparses d’un sommeil jouant les intrigants.
Et on me disait ça en souriant comme si c’était normal. Comme si se payer une soirée au FMC, c’était se soumettre à une épreuve.
Peut-être le festival devrait-il prévoir certains concerts en journée? Chacun ne pourrait que mieux profiter de la richesse de sa programmation. Autrement, le café continuera de couler à flots – d’ailleurs, ce serait une bonne piste pour la recherche de commandites, en passant -, et encore, ce n’est pas toujours suffisamment efficace.
Il faut dire que le Festival des musiques de création ne pèche pas par facilité. Les spectacles qui sont présentés sont souvent très exigeants pour les spectateurs aussi. C’est sans doute pour cette raison qu’il n’y aura jamais des milliers de personnes massées pour écouter ces rythmes du monde qui n’ont rien à voir avec ceux qui tonneront au début du mois d’août – on a jusqu’ici entendu des musiciens originaires de Chine, de Suisse, d’Allemagne, du Mexique, de l’Ontario et du Québec.
Tandis que la ville s’endormait d’un sommeil absolu, j’ai fini par me faire l’oreille. C’est ce que je me disais en prolongeant ma soirée dans l’horizon des paillettes de lumière de Jonquière, samedi dernier, alors que la croix rouge tranchait le ciel opaque.
Le prochain spectacle aura lieu vendredi, au Petit Théâtre de l’UQAC. Ça m’aura donné juste assez de temps pour récupérer.
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Lisez une extension à ma chronique dans le billet intitulé Représentation politique au FMC.