Complètement Martel

Métiers d’art

<p>Donner un crayon à celui qui écrit, c’est être certain de ne pas manquer son coup. Sans doute. Et pourtant, c’est le cadeau qui m’aura le plus fait plaisir à ce jour. </p>
<p>Je me souviens de ce magnifique coffret, littéralement gossé, minuscule sarcophage à penture dorée, au creux duquel étaient allongés un crayon pousse-mine et une plume fontaine qu’on avait confectionnés avec du bois de rose. Un objet qui suscitait, à chacune de ces empoignades qui opposent l’écrivain à la page blanche, un respect presque sacré. Lorsque j’avais ouvert du bout des doigts le boîtier, on m’avait raconté son histoire. C’était celle d’un vieil homme qui trouvait bien plus qu’un passe-temps dans le fait de créer ces petits trésors. Qui se fabriquait un bonheur en tournant, sablant, vernissant ou assemblant ce qui était destiné à devenir de précieuses reliques. </p>
<p>À peu près à la même époque, j’avais confectionné un livre en bois. Sur du papier épais et recyclé, quelques poèmes manuscrits, probablement les moins trash parmi ceux recensés dans mon calepin. Le tout dans un boîtier que j’avais maladroitement assemblé, s’ouvrant comme les volets d’une fenêtre pour laisser voir l’intimité des mots que j’y exposais. Il traîne encore sur la commode de ma mère.</p>
<p>Je ne suis évidemment pas un artisan. Je me débrouille, mais je souffrirais certainement toute comparaison avec le travail de ceux qui passent des heures à fignoler ces petites choses qu’on aime regarder, toucher, utiliser… </p>
<p>Les intellectuels sont d’ailleurs parfois handicapés quand vient le temps de <em>faire</em>… Je me souviendrai toujours de ce professeur de l’UQAC – dont je tairai le nom pour ne pas jeter l’opprobre sur ses ancêtres et sa descendance – qui m’avait candidement avoué avoir passé plusieurs semaines avec une ampoule grillée au salon parce qu’il était incapable de la changer, effrayé par l’idée de fouiller dans les entrailles d’un engin électrique. C’est un ami en visite qui avait eu pitié de lui et avait finalement permuté la chose avec un globe tout neuf…</p>
<p>Bien sûr, on vit en société. Il n’est pas nécessaire d’être indépendant au point d’avoir la capacité de tout faire par soi-même. On peut tout à fait savoir faire le «brillant» sans avoir idée de la façon de faire le «beau». Il y a des artisans qui ne demandent qu’à produire ces petites choses uniques qui, si elles sont bien choisies, ne peuvent que plaire. Parce que ce sont des objets qui flirtent avec l’art, mais qui, surtout, ont une histoire – ce que la production en série à la Ford aura évacué de notre rapport aux choses depuis longtemps. Une réflexion inversement proportionnelle à l’idée que soutenait la pratique d’Andy Warhol lorsqu’il s’est mis à produire en série ses célèbres portraits de Marilyn Monroe et de Liz Taylor… </p>
<p><strong>RENDEZ-VOUS AU SALON</strong></p>
<p><a href="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/poterie_melissa.jpg"><img title="illustration: www.melissadeschenes.com" style="WIDTH:266px;HEIGHT:250px;" height="250" alt="illustration: www.melissadeschenes.com" hspace="5" src="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/poterie_melissa.jpg" width="266" align="right" border="0" /></a>Jusqu’au 17 novembre, au Centre des congrès Le Montagnais, c’est le Salon des métiers d’art. Évidemment, tout le monde ne va pas se garrocher sur les artisans pour les dépouiller du fruit de leur labeur. </p>
<p>On le sait, la masse n’est pas critique. Et ce n’est pas d’hier qu’on le remarque. Lorsqu’est paru l’<em>Éloge de la folie</em> d’Érasme en 1511 – je sais, j’ai parfois de drôles de lectures –, on pouvait déjà y lire (en latin dans la première version): «<em>c’est toujours ce qu’il y a de plus inepte qui rencontre le plus d’admirateurs. Le pire plaît nécessairement au plus grand nombre, la majorité des hommes étant asservie à la Folie.</em>» Je ne crois pas qu’il ait été le premier à le dire… Mais en tout cas, ça ne date pas des <em>blockbusters</em>, ni des <em>reality shows</em> à la Star Académie.</p>
<p>En même temps, puisqu’il faut être nuancé, il ne faudrait pas en venir à se dire qu’il est préférable de ne pas écrire de <em>best-sellers</em>. Si je ne me trompe pas, <em>L’Homme rapaillé</em> de Gaston Miron a été, en 1970, le premier recueil de poésie à figurer sur la liste des <em>best-sellers</em> québécois… Et on sait déjà <a class="" href="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/archive/2008/11/05/gaston-miron-le-g-233-ant-rapaill-233.aspx" target="_blank">ce que j’en pense</a>. Comme quoi aucune règle ne s’applique en ce qui a trait au goût populaire. En même temps, il faut admettre que le livre était un cadeau dûment muri offert aux Québécois par le poète.</p>
<p>Un vrai cadeau est une offrande, voire un don de soi. Ce n’est pas si utopique que ça semble l’être; avec la chose emballée, on se donne un peu, on donne tout le mal qu’on s’est donné à soi-même, on donne le temps qu’on a passé à penser à l’être aimé. </p>
<p>Un vrai présent ne s’achète pas à la va-vite parmi les objets à la mode, sur les rayons d’une grande surface. Il nécessite justement une «présence» de celui qui donne. Parce qu’il parle de soi. Et parce qu’il en dit long sur ce qu’on pense de l’autre… Il peut être muri pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Noël n’est jamais si loin, et ce n’est pas une question de surconsommation. Au contraire, on pense toute l’année à ceux qu’on aime.</p>
<p>Pour moi, c’est ça le Salon des métiers d’art. Le carrefour de ceux qui se donnent la peine.</p>
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<p><em>Je tiens à remercier personnellement <a class="" href="http://www.melissadeschenes.com/" target="_blank">Mélissa Deschênes</a> pour l'illustration jointe à cette chronique: "la main de l’artisan et celle de l’acheteur qui encourage l’achat des belles choses uniques…"</em></p>