<p><strong>TA GUEULE</strong> </p>
<p>J’ai le cœur en émeute, qui pète de partout. C’est la colère de Troie que j’ai, enfermée dans le coffre. C’est comme en Grèce où les gaz font pleurer. Où les bottes battent la mesure de la répression. Où les coudes de milliers de jeunes sont soudés par la colère. J’ai ça dans le cœur, vraiment, c’est pareil. </p>
<p>Dans le cœur. Mais pas devant les yeux. </p>
<p>Il paraît que les jeunes ne votent pas. Ils ne sont pas les seuls, mais eux en particulier. Avec un taux d’abstention de 43 % aux dernières élections, malgré une participation accrue lors du vote par anticipation, le monument même de la démocratie québécoise est en train de se lézarder. </p>
<p>Ça rêve de changer le monde. Ça se lève tard. Ça en arrache, parfois. Quand ça travaille. Ce n’est pas lâche, même capable de belles initiatives. Et puis ça «rushe» contre le système. Ça voyage, havresac à l’épaule, pour s’occuper du pauvre monde. L’Amérique du Sud, c’est la porte à côté quand on est né dans un pays riche comme le Canada. Mais le bureau de vote, c’est loin. Surtout quand il fait froid. Alors ça ne va pas voter. Parce que de toute façon c’est trop compliqué. Parce que de toute façon ça ne changera rien. Ça fait que, ta gueule.</p>
<p>Autant j’ai ragé contre ces boomers qui se sont encrassés dans leur bonheur bungaloïde – et je le ferai sans doute encore –, autant je colère quand je regarde les fruits de ma génération pourrir avant de mûrir. </p>
<p>Peut-être que plusieurs boomers se sont assis sur leur steak. Peut-être qu’ils ont pris des décisions qui, aujourd’hui, nous semblent aberrantes. Et après. Bordel, ils étaient jeunes, naïfs, rêveurs, idéologues; ils sont sortis dans la rue, ont lancé des pavés, se sont battus. Et certains d’entre eux le font encore. </p>
<p>Ils ont le pouvoir. Et après. Nous vieillirons nous aussi. Le pouvoir sautera-t-il notre génération? </p>
<p>Sur le blogue <a class="" href="http://solidmonolith.blogspot.com/2008/12/la-pr-dception-laisse-aussi-un-got-amer.html" target="_blank">Solidmonolith</a>, <strong>Michel Desmeules</strong> illustre la situation de son propre vécu: </p>
<p>«<em>J’ai essayé de comprendre ce qui pousse quelqu’un à ne pas voter, à ne pas crier son désaccord, à faire comme si ce n’était pas important. J’ai reçu des réponses, pas très positives, mais toujours aussi riches en arguments contraires, toujours aussi ancrées dans le “no future” et dans l’incapacité d’agir. J’ai reçu des réponses qui n’en étaient pas, car elles ne s’appuyaient sur aucune conviction, sur aucune croyance sinon les fausses. J’ai essayé de briser le mur du pessimisme, mais ce mur m’est littéralement tombé dessus…</em>»</p>
<p>Quand c’est rendu qu’un boomer est en droit de nous botter le derrière, ça en dit long. </p>
<p>J’ai tendance à être cynique. Parce que c’est un peu mon rôle tout de même de critiquer. Parce que je me fie qu’un lecteur doit savoir faire la part des choses et que je n’ai pas à imposer mes vues. Mais bordel, je n’ai jamais manqué une élection. Et c’est seulement à ce prix que je me permets de chialer. J’ai mon ticket pour au moins quatre ans encore.</p>
<p>C’est quand on est sur la tribune qu’il faut parler. Il ne faut pas se surprendre de ne pas être entendu si on attend d’être seul pour le faire. </p>
<p>On ne voulait pas de l’élection? Ce n’est pas un choix. À un moment donné il faut prendre de la maturité, faire sa vaisselle, laver son linge sale. Et voter. Ou alors on reste crotté et on se ferme la gueule.</p>
<p>Si je suis parfois cynique envers nos élus, les raillant sans véritable malice, je le suis encore plus envers mes concitoyens, particulièrement ceux qui ne votent pas. </p>
<p>Il faudra un jour comprendre. Ce qui a permis à Obama de devenir président des États-Unis, c’est un vote de la part de gens qui traditionnellement ne votaient pas – entre autres les votes hispanophone et afro-américain. Quand ceux qui se ferment la gueule depuis longtemps crient enfin, ils peuvent changer les choses.</p>
<p><br /><strong>UN PEU D’ESPOIR</strong></p>
<p><a href="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/AmirKhadir.jpg"><img title="Amir Khadir" style="WIDTH:153px;HEIGHT:255px;" height="287" alt="Amir Khadir" hspace="10" src="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/AmirKhadir.jpg" width="162" align="right" border="0" /></a>Je ne suis pas un «solidaire» – vous saurez me le remettre sur le nez –, même si personne ne peut cracher sur d’aussi bonnes intentions. Je me réjouis toutefois au plus haut point de l’accession d’Amir Khadir au Parlement. Pas parce que j’ai l’impression qu’il va changer le Québec – en tout cas pas directement. Ce n’est pas en prenant la parole une fois toutes les deux semaines qu’on fait des révolutions. Mais quand même.</p>
<p>Je m’en réjouis parce qu’avec sa présence à l’Assemblée nationale, plus personne n’a d’excuse. De la gauche à la droite, du souverainisme au fédéralisme, chacun sait que sa voix peut dorénavant être représentée. Si voter pour Québec solidaire semblait vain pour plusieurs, dont beaucoup de jeunes idéalistes, ils se sentiront peut-être moins impuissants, dorénavant. Si on ajoute à cela les 30 % de jeunes qui font maintenant partie de l’équipe du PQ… Ça montre une tranquille transition intergénérationnelle qui pourrait redonner le goût de la politique à une génération d’ankylosés.<br /></p>
<p><strong>Chez nous, on vote</strong></p>
<p>Tout ceci dit, la grande région du Saguenay – Lac-Saint-Jean n'a pas à rougir autant de la participation de sa population au dernier scrutin. Selon les statistiques du Directeur général des élections, nous avons voté dans les proportions suivantes: </p>
<ul>
<li>
<div>Roberval: 60,56% (49e rang québécois)</div></li>
<li>
<div>Dubuc: 60,67% (47e rang)</div></li>
<li>
<div>Jonquière: 62,52% (33e rang)</div></li>
<li>
<div>Lac-Saint-Jean: 63,11% (27e rang)</div></li>
<li>
<div>Chicoutimi: 63,7% (19e rang)</div></li></ul>
<p>Ça passe <em>flush</em>, mais ça passe. </p>
<p><strong>Question de faire durer le plaisir: le Parti durable</strong></p>
<p>Clin d'oeil à cette sympathique formation jeannoise, le Parti durable du Québec, issu de Saint-Félicien, qui a quant à lui réussi à aller chercher 568 voix.</p>
<p><strong>Pas besoin d'être d'accord pour se respecter</strong></p>
<p>Si vous n'êtes pas d'accord avec mon propos sur l'importance d'aller voter, vous serez sans doute intéressé par la chronique de mon collègue et ami, <a class="" href="http://www.voir.ca/blogs/david_desjardins/archive/2008/12/10/199-a-sert-224-rien.aspx" target="_blank">David Desjardins</a>.</p>
43% d’abstention, les jeunes se ferment la gueule, Québec Solidaire trouve sa place
Jean-François Caron
Il paraît? Avez-vous tu des statistiques à ce sujet? Pour ma part, je n’en ai pas trouvé. J’ai toutefois remarqué une donnée intéressante. Lors du dernier sondage Léger (http://www.legermarketing.com/documents/pol/081261FR.pdf), on constate que la volonté des péquistes d’exercer leur droit de vote (le parti le plus populaire chez les jeunes) était plus fort que celui des libéraux (le parti préféré des vieux). De quoi remettre en question le fameux principe de « prime à l’urne » favorisant traditionnellement les libéraux, qui embêtait tant les sondeurs et que l’on expliquait justement (en partie du moins) par le désintéressement des jeunes.
J’ai aussi trouvé ça :
« En ce qui concerne le critère de l’âge et quelque soit l’élection en cause ici, le taux de participation des jeunes de 18-19 ans augmente depuis l’élection provinciale de 2003, soit 35 %, 55% et 73%. Plus encore, dans notre enquête, c’est ce groupe d’âge qui montre le haut taux de participation électorale à la dernière élection fédérale, soit 73%. Les prochaines élections provinciales permettront de dire si c’est une nouvelle tendance chez les jeunes de 18-19 ans. »
http://www.lbr.ca/article-11-3323.html
Depuis quand n’y a-t-il que la politique pour exprimer sa vision politique ?
C’est une machine. Et si un taux d’abstention élevé vous impressionne, demandez-vous si vous ne pensez pas la politique comme une chose isolée méritant une attention soutenue. Mais au fond, on se fout pas mal de vos intérêts politiques, car on se dit toujours: « Et pourquoi les miens sont-ils moins valables ? »
Quand on y pense, la politique peut soit être regardée du coin de l’oeil, soit carrément combattue. Or pour combattre le système politique en place, ce n’est pas en participant à l’action qu’on le fait (même en annulant son vote), mais en refusant d’y participer, en se tenant dans la marge. Alors, l’abstention, eh oui, peut-être une action et non pas de la paresse. De toutes façons, la paresse est le Diable des bourgeois et des ouvriers, pas de la politique.
En fait, les jeunes ne se ferment pas la gueule. Allez plutôt vous promener dans la tonne de sous-sols montréalais où de l’art revendicatif et subversif se fait. Tout se passe dans les sous-sols, et ça ne pourra que ressortir éventuellement.
Comme les Noirs aux États-Unis par exemple, trop longtemps cachés dans les sous-sols de la ségrégation, de la structure sociale.
À vrai dire, je méprise encore plus ceux qui feront avec la politique ce que plusieurs font avec l’argent: croire qu’il n’y a que ce système qui existe. Ils en veulent donc à tous ceux qui n’y participe pas et semblent négliger l’apport de la marge.
C’est un peu comme ce travailleur qui a bûché toute sa vie pour avoir une poignée de gogosses qui se frustre contre tout ceux qui n’ont pas la même valeur de l’argent.
Son ultime argument sera: « L’argent c’est comme ça, on en a de besoin et tu n’y changeras rien. » Petite manière douce de dire qu’il n’y a que son univers qui compte… Où est le futur là-dedans ? L’important c’est de faire fonctionner la machine comme s’il n’y avait qu’elle.
Et puis ensuite il y a cette espèce de mission que se donnent les participants pour convertir et annoncer leur Bonne Nouvelle à tous, comme si c’était universel.
Alors, voici une bonne mission pour eux: pourquoi ne pas aller envahir l’Irak pour y imposer le modèle démocratique que Dieu nous a donné quant à y être ?
… ah non… j’oubliais… déjà été fait.
C’est drôle, dans le commentaire de M. Lafrance, je retrouve la même hargne défaitiste que j’ai rencontré durant la campagne électorale. Premièrement, de croire que la politique est simplement une affaire d’argent, réduit la démocratie à un marchandage plutôt qu’à l’expression réelle du peuple.
Bien sûr les sous-sols, l’underground, le milieu artistique et les rebelles sont des voies incontournables pour qui est en désaccord avec le système, mais il y a belle lurette que les vrais révolutionnaires ont troqué leurs AK47 contre des veston-cravate, car le vrai pouvoir est à l’intérieur et non dans un sous-sol muet.
Non, il n’y a peut-être pas que ce système qui existe, mais refuser d’y participer, sous des prétextes de désaccord, ne va pas l’ejecter pour autant!
Pour ce qui est de la guerre en Irak, tout le monde sait que c’est une erreur, même George Bush. Raison de plus pour faire valoir son point de vue, même si on continue de penser que la marge est plus importante, que des projets de société qui pourraient devenir très rassembleurs, si plus de gens allaient voter. C’est pourtant simple…
Mais monsieur Desmeules,
Il faut être vraiment naïf pour croire que tout ne se passe que sur un seul plan.
Il y a des chose qui sont là, qui existent, latentes, et dont vous oubliez l’existence et l’apparition imminente.
Exemple: pendant que vous écriviez ce billet, il grouillaient des vers sous vos pieds qui ne vivent en réalité que pour vos yeux. Et ils attendent… ils attendent que ça advienne… Et ne vous inquiétez pas… ça viendra bien. En fait, ça vient toujours.
Oui M.Lafrance, je connais très bien!
« Ne te demande pas pour qui sonne le glas, car il sonne pour toi »
Je suis sûrement très naïf, sous une couenne de révolutionnaire endurci. Pourtant j’ai beaucoup de difficulté à penser pouvoir critiquer quelque chose, sans simplement essayer d’y amener une solution, même la plus idéaliste. Il est de loin préférable de vivre dans l’utopie réalisable, que dans la plus perverse des formes de pessimisme que sous-tend certains courants de pensée sous-terrains; à vivre dans le noir, on en vient à ne plus supporter la lumière.(C’est pour ça que les vers de terre n’ont pas de yeux!)
Je pense sincèrement que le silence des abstentionnistes, altermondialistes et tristement sans fin égocentristes, cause un tort à l’ensemble de la population, surtout pour l’éclairage nouveau qu’il pourrait apporter sur un système qui vous semble des plus pourris. Alors tant qu’à être dans la pourriture, choisissons nos vers avant qu’eux nous choisissent…