<p>Sur des airs de fanfare, de boiteux ex-présidents écrasés par l’âge défilaient à l’assemblée d’investiture de Barack Obama. On attendait celui dont le nom était sur toutes les lèvres, et dont l’image était sur toutes les chaînes de télévision. On s’intéressait au menu qu’il mangerait, à la vêture que porterait sa première dame, à la Bible où il poserait la main pour prêter serment. Quand soudain George W. Bush apparut à l’écran. </p>
<p>Des millions de citoyens amassés à Washington devant le Capitole, la rumeur gronda comme sourd le ronron discret d’un félin satisfait; quelques applaudissements polis, mais aussi quelques huées. Un journaliste de Radio-Canada affirmera un peu plus tard que plusieurs personnes l’ont salué d’un seul doigt – on imagine lequel. </p>
<p>Pourtant, dans son premier discours en tant que président américain, Barack Obama disait ceci: «Je remercie George Bush pour son service à la Nation.» <br /> <br />En effet, il faut le remercier. Si Bush n’avait pas été un si mauvais président, s’il n’avait pas traîné dans toutes les boues du monde la réputation des Américains – et avec elle, celle de l’Occident –, peut-être n’y aurait-il pas aujourd’hui un Afro-Américain à la tête de notre superpuissant voisin. Alors vive George Bush.<br /> <br /><strong>SUSCITER L’ESPOIR</strong><br /> <br />Je me méfie un peu de ce qui vient de se produire. On dit que le 20 janvier était une journée historique. Que des milliards de personnes partout à travers le monde avaient les yeux rivés au petit écran pour assister à l’événement. Que des chaînes de restaurants, des cinémas, des organismes communautaires, des institutions d’éducation ont invité la population à se rassembler pour assister à distance à l’investiture de Barack Obama, et pour célébrer. </p>
<p>Mais dans tout ça, qu’est-ce qui est historique? Obama? Ce n’est pourtant pas le premier démocrate à prendre le pouvoir aux États-Unis. Pas non plus le premier à faire preuve de beaucoup de bonne volonté. On ne célèbre pas l’homme, ses idées, ou ses convictions. Si tout le monde s’est garroché à Washington, ce n’est pas tout à fait parce qu’Obama est Noir. C’est plutôt parce que les Américains ONT VOTÉ pour ce Noir. </p>
<p>L’espoir que nous entretenons, c’est que cette élection soit le symptôme d’une évolution déjà à l’œuvre dans l’esprit des États-Uniens. Alors même que les lieux les plus importants de sa démocratie – le Capitole, la Maison-Blanche – ont été construits entre autres par des esclaves, la majorité américaine a enfin accepté qu’un Noir soit à sa tête.</p>
<p>L’espoir, c’est que le changement se soit déjà produit.<br /> <br /><strong>UN PRÉSIDENT MONDIAL</strong><br /> <br />«<em>Président des US et coutumes du monde entier</em>», chantait Loco Locass dans <em>W Roi</em>. C’est en train de se produire. Un homme d’État africain aurait même affirmé, sur la foi de sondages planétaires, que pour la première fois, un président américain aurait été élu par le monde entier. Si on se fie à la sagesse des clichés de la science-fiction, ça fait beaucoup de pouvoir dans les mains d’un seul homme…</p>
<p>C’est ni plus ni moins qu’un couronnement qui vient d’avoir lieu. Droit comme un bronze de lui-même, le soleil luisant sur sa peau brune teintée d’orangé, le nouveau président des États-Unis prêchait pour une Amérique plus responsable, annonçant que les sacrifices à venir seraient grands. Chaque élan oratoire était reçu par la foule comme un martyr accepte les coups de fouet. </p>
<p>L’espoir est tellement grand qu’on boit ses paroles comme s’il était un nouveau Christ. D’ailleurs, le fils de Dieu lui-même n’a pas fait autant parler de lui lors de son séjour terrestre qu’Obama en une seule fin de semaine. Les attentes sont infinies, et elles sont mondialement partagées. Je trouve ça triste, mais Obama ne pourra que décevoir.</p>
<p>Depuis plusieurs jours, on tente de réduire les attentes d’un peu tout le monde, alors qu’on sent que se forme une telle bulle d’enthousiasme qu’elle menace d’éclater – et de faire des dégâts. Alors j’ai réduit mes attentes. Tout ce que je demande dorénavant à Obama, c’est de changer l’eau en vin. Comme ça, lors du passage de la grande sœur de Katrina en Louisiane, les sinistrés auront toujours de quoi fêter.<br /> <br /><strong>PENDANT LE COURONNEMENT</strong><br /> <br />Pendant que tout le monde ne parlait que du nouveau président américain, le fil de l’actualité continuait de se débobiner. Sans doute est-ce une coïncidence, Rio Tinto Alcan a choisi cette journée du 20 janvier pour annoncer la suppression de 1100 postes, dont quelques centaines au Québec. On a entre autres décidé de diminuer de 400 000 tonnes la production d’alumine à l’usine Vaudreuil de Jonquière. Vous n’en aviez pas entendu parler? </p>
<p>Tiens, tiens. Comme c’est étrange.<br /></p>
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<p><strong>"<em>À partir des grands espoirs naissent les plus grandes déceptions.</em>" Vladimir Poutine, réagissant à l’investiture de Barack Obama.</strong></p>
"VIVE GEORGE W. BUSH", peut clâmer Obama
Jean-François Caron
J’avoue que la parallèle avec la suppresion des postes chez Rio Tinto Alcan est intéressant et que ma deuxième gorgée de café est passée de travers ce matin. (dossier choc de neufs pages qui n’a pas dû être préparé en une seule nuit!!!)
Que l’évènement Obama soit mondial et que tant de gens fondent leurs espoirs sur un seul homme, pour régler un paquet de trucs qui fonctionnent de travers, a aussi de quoi questionner. Je pense sincèrment que les américains n’ont pas voté Obama parce qu’il est noir. Ils n’ont pas voté Obama pour qu’on leur pardonne leur lourd passé esclavagiste, pas plus que pour donner dans la discrimination positive. Je crois que ce style de démocratie, où tout se termine en entonnoir et où la lutte finale oppose un visionnaire avec peu d’expérience politique, à un vieil homme héros de guerre qui ne sait pas comment fonctionne internet, ne permet pas un choix aussi représentatif qu’on le voudrait.
Plus les attentes sont grandes, plus les déceptions sont proches. Les intellectuels noirs fixent la barre trop haute quant à la capacité de gouverner de Barack Obama, sant trop décevoir la communauté noire; les noirs sont souvent de plus durs juges que les blancs. Pourquoi? Trop d’années à ronger leur frein dans des « chasses gardées » où des postes supérieurs difficilement acquis, valaient mieux qu’une critique de trop. Il demeurera toujours un immense tabou autour de l’homme noir qui pense comme un blanc, et qui méprise les gens de sa communauté, car c’est comme ça qu’il a appris à survivre dans la jungle américaine…
Toutefois, j’ai beaucoup de difficulté à souscrire à l’américanisation du monde entier, à un espèce de nivelage par le bas, à la folle dictature du grand Clown Roux. Plus Obama se rapprochait de la présidence et plus j’oubliais qu’il était noir, dans un conditionnement d’homme du monde.Plus les USA sont puissants au niveau mondial et plus nous devons faire abstraction de leur culture junk, bien entendu si nous voulons survivre à côté de la jungle. Seule un culture différente et une façon différente de faire les choses, continuera à nous distinguer du monde entier et de nos « amis requins ». Ce n’est pas que je ne verrais pas Dany Laferrière,
Maka Koto, Luck Mervil ou Stanley Péan devenir premier ministre du Québec, je dis simplement continuons à faire les choses différemment…