Complètement Martel

La crise sur la glace

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<p><a href="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/bureau_cabanepeche.jpg"><img title="Anse au foin, crédit: Jean-François Caron" alt="Anse au foin, crédit: Jean-François Caron" hspace="10" src="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/bureau_cabanepeche.jpg" align="right" border="0" /></a>La buée dans les fenêtres de fortune se dissipe un peu, ouvrant une meurtrière sur le paysage désertique de la rivière Saguenay. Comme sur un vieil air de Deep Purple, des brumes échevelées découpent le paysage dans les interstices du glaciel malaxé par l’ondée. </p>
<p>La marée sur le point de nous soulever et d’apporter le fretin fera bientôt craquer la glace sous nos pieds. Ça me fait penser aux clous qu’on entend détoner dans les murs des vieilles maisons par grand froid. </p>
<p>C’est l’heure d’un spectacle. Celui de l’harmonie du vent et des percussions glaciales. On parle peu. On écoute. On attend.</p>
<p>Au loin, une vieille motoneige joue de son accablant harmonica tandis que le propane gronde sourdement dans notre dos pour améliorer le confort du minuscule abri. Ça sent le poil roussi. C’est la chienne qui vient de se passer la queue au-dessus de cette flamme bleue qui nous tient au chaud. Mon fils grouille d’impatience sur sa chaise. Il faut le comprendre. Il pourrait faire sa première capture.</p>
<p>Le type à l’accueil aura été généreux de ses conseils et de ses encouragements. La marée est montante. La température est un peu froide, mais c’était pire la veille, et ça n’a pas empêché la pêche d’être bonne pour nos prédécesseurs; plusieurs douzaines d’éperlans, et même une truite de mer. Convaincant petit sourire en coin. On est peut-être dupes. Mais on se sera pris à rêver. Et on attend toujours.</p>
<p>Pendant ce temps, loin de la cabane, dans les médias… Les déchiffreurs du grand texte de la fiction capitaliste continuent d’écrire la crise au pastel gras, cherchant à nous donner l’impression qu’ils connaissent déjà la fin de l’histoire. La Banque du Canada prévoit ça pour juillet. Ça ne nous fait que quelques mois de mauvaises nouvelles. Alors on est peut-être un peu cons. On se prend à rêver. On se replie. Et on attend encore.</p>
<p>AU BORD DU TROU</p>
<p>Retour dans la cabane. Un peu à l’image des économistes, on se tient là, les pieds au bord du trou, à se demander ce qui en sortira. Et on patiente sans savoir s’il faut espérer ou se préparer à la déception.</p>
<p>Comme c’est souvent le cas quand on fixe un trou noir, qu’on en imagine le fond, la pensée dérive. La mienne est retournée flirter dans les jupes de cette crise que pourtant j’abhorre. </p>
<p>Alors que sur leur trône les bonzes du capital se prononcent, les analystes demeurent critiques. Et le peuple continue de douter. S’enfle ainsi la bulle des spéculations les plus pessimistes. Mais encore, tout ça n’est que littérature. </p>
<p>À preuve? Ces publicitaires cheap qui s’appliquent à alimenter la psychose autour de l’idée d’une crise pour mieux nous faire avaler leurs rabais, forfaits et autres attrape-nigauds. Chacun voudrait se présenter comme une solution possible au siège économique où le public cible DOIT se sentir coincé. Et alors la crise, ça devient vendeur.</p>
<p>On voudrait bien nous faire croire que les pertes essuyées par les plus grandes sociétés sont une innommable tragédie. Or, si ceux qui se sont graissé la patte pendant des années sur le dos des petites gens mangeaient un peu de pain dur, je n’aurais pas pitié. Notre système capitaliste devra se réinventer. N’est-ce pas une perspective intéressante?</p>
<p>Je ne sais pas pour vous, mais moi, je ne suis pas en crise. En fait, je ne le suis plus. Parce que je l’ai été, mais ça n’avait rien à voir avec une quelconque récession. La dernière année aura été pour moi le plus ardu des parcours d’hébertisme. Maintenant, le pire est passé. Je suis prêt à toutes les crises économiques. Il existe tellement pire. </p>
<p>Il ne me reste plus qu’à profiter du temps qui passe. </p>
<p>LA SOLUTION</p>
<p>Retour au bord du trou, les pieds gelés. Mon plus vieux vient de sortir son premier poisson de la rivière Saguenay. Le soleil horizontal de janvier entre par la fenêtre donnant sur l’ouest pour m’aveugler. La capture aura été beaucoup moins substantielle que prévu. Deux douzaines de frétillants éperlans, tout au plus. Rien à voir avec les attentes alimentées au début de la journée. Mais on s’en sera contentés. Et surtout, on aura profité du temps passé ensemble.</p>
<p>Peut-être la solution se trouve-t-elle là. Sur la glace plissée de l’Anse au Foin, juste en face de Saint-Fulgence. Ou n’importe où ailleurs, au fond. Quelques heures de bonheur simple à consommer sans retenue. </p>
<p>Moi j’ai décidé de mettre la crise sur la glace pour profiter du bon temps que je peux me payer avec ceux que j’aime. </p>
<p>C’est peut-être ce qu’il faudra retenir de la présente conjoncture. Apprendre enfin ce que signifie le mot résilience. Et s’armer de ceux qu’on aime pour affronter les obstacles à venir.</p>
<p><a href="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/Anse_au_foin.jpg"><img title="Anse au foin No2, crédit: Jean-François Caron" style="WIDTH:591px;HEIGHT:146px;" height="146" alt="Anse au foin No2, crédit: Jean-François Caron" src="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/Anse_au_foin.jpg" width="591" border="0" /></a></p>