Complètement Martel

Prendre le bateau qui coule

<p>Enlacés comme il se doit, sa bouche à mon oreille, je m’attendais à ce qu’elle me murmure quelque chose de doux. C’est ainsi quand la folie s’empare de quelques mots qui nous glissent de la bouche. Dans ma tête, ça sonnait déjà comme une poignée de sable lancée dans l’eau, pas loin des dunes de Tadoussac. Ou comme le sel qui nous coule sur le visage quand on affronte le vent du large. J’attendais des mots d’amour. Comme ceux qui viennent quand on parle d’un «ailleurs». </p>
<p>Nous parlions de ce projet fou, de ce voyage à faire. Pas en Catalogne. Il faut remettre à plus tard la Méditerranée, les Pyrénées et la mythique Barcelone. Ni à Paris, même si la Ville lumière nous chatouille l’horizon depuis toujours. Elle viendra bien un jour sur notre chemin. Peut-être inconsciemment par protectionnisme, notre choix s’était plutôt arrêté sur <a class="" href="http://www.newfoundlandlabrador.com/fr/" target="_blank">Terre-Neuve</a>. </p>
<p>Pourquoi ce caillou glacé? C’est vrai que l’idée est un peu marginale. Selon les plus récents chiffres de Statistique Canada à ce sujet, Terre-Neuve est, dans l’ordre des provinces visitées par les Canadiens, l’avant-dernière à susciter leur intérêt. Quelque chose me dit que ce doit être encore moins populaire si on ne s’intéresse qu’aux voyageurs québécois… </p>
<p>En plus, l’éventualité de faire 17 heures de traversée à bord du transbordeur ne m’enchante pas – la traverse Saint-Siméon–Rivière-du-Loup me fout invariablement la pire des nausées, si on ne tient pas compte de celle qui me vient lorsque j’entends les discours populistes d’un certain maire.</p>
<p>Mais voir des icebergs s’engouffrer dans les ports, ou flotter mollement au large avec plus de transparence que les plus authentiques de nos élus… Plonger dans le large à partir de la fenêtre d’une auberge, cordée parmi les chaumières colorées des pêcheurs… Et cette envie d’écrire un récit de voyage qui serait parfumé de l’air (très) frais de l’été maritime… C’est un peu tout ça en même temps.</p>
<p>Mais elle change de sujet. </p>
<p>Coup de barre. Le bateau tangue. On vire de cap. C’est un étrange iceberg qui menace de nous frapper. Celui du crédit d’impôt pour les rénovations domiciliaires proposé par les deux paliers de gouvernement. «On ne devrait pas en profiter pour faire quelques rénos, plutôt?»</p>
<p>Le pire, c’est que j’y avais pensé aussi. En gros, au provincial, on propose un crédit d’impôt remboursable de 20 %, à condition que l’investissement oscille entre 7500 $ et 20 000 $ – pour un maximum de 2500 $. Au fédéral, on accordera plutôt un crédit de 15 % sur des dépenses se situant entre 1000 $ et 10 000 $. Pour profiter des deux, il faudrait donc investir entre 7500 $ et 10 000 $ – il y a des conditions, faudrait voir avec votre comptable.</p>
<p>C’est un peu plus qu’un voyage (ça dépend du voyageur, me direz-vous), mais comme ça permet d’économiser en impôt et que c’est un investissement sur le bâtiment, ça devient intéressant. C’est un pensez-y-bien.</p>
<p>Or, c’est justement là le problème. Ce type de mesure de stimulation ne crée pas l’argent. Il le déplace. S’il est investi dans la construction ou la rénovation, un autre portefeuille en souffrira.</p>
<p>Alors que les régions ressources – et je reviens de Terre-Neuve jusque chez nous – ont cherché à diversifier leur économie en se tournant vers le tourisme, on est sur le point de prendre conscience de la volatilité d’une telle solution. </p>
<p><em>Watch out over the bay</em>. Pas besoin d’être sorcier pour prévoir que ça prendra de sacrées bonnes jumelles – ou un bon coup de chance – pour apercevoir les bateaux de croisière cette année. Et comme les sites touristiques de la région se sentaient déjà étranglés au cours des trois dernières saisons estivales – avec des baisses d’achalandage consécutives de 2 % en 2006 et 2007, et de 9 % en 2008 –, il y en a qui ne sont pas près de pouvoir respirer à nouveau. Bientôt, il n’y a pas que le bleuet qui sera bleu au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Quand on retient trop longtemps son souffle…</p>
<p>Alors qu’on expliquait cette piètre performance du secteur du tourisme régional par l’humeur maussade de dame Nature, et l’année dernière par l’éponge du 400e anniversaire de Québec, qui absorbait une partie du dégât de touristes qui s’est répandu en 2008, cette fois, le gouvernement y sera pour quelque chose. Il a lui-même détaché l’iceberg du glacier. Et le pousse vers notre bateau.</p>
<p>Et c’est encore le tourisme qui va couler. À moins qu’on ne s’embarque malgré tout.</p>
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<p><a href="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/icebergs.jpg"><img src="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/icebergs.jpg" border="0" alt="" /></a> </p>
<p>Pour plus d'infos sur Terre-Neuve, il y a le Portail des francophones de Terre-Neuve et du Labrador: <a href="http://www.francotnl.ca/index.php">http://www.francotnl.ca/index.php</a>.</p>
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