<p>Je suis un pestiféré. Un syphilitique véreux et boursouflé de purulentes pustules. Une loque mangée par le scorbut, véritable dégradation de l’être humain. Pire, je suis moi-même la maladie: je suis un cancer de société, un mal qui la ronge par le dedans. </p>
<p>Parce que je m’assois devant l’écran de mon téléviseur pour regarder des parties de hockey. </p>
<p>Certaines personnes du milieu de la culture entretiennent une haine quasi morbide envers le sport, pire encore envers les sportifs de salon – dont je suis. Ce genre d’attitude m’amuse au plus haut point. Surtout quand on prend cet air rogue pour me dire «T’écoutes ça, toi, le hockey? Je n’aurais jamais cru ça de toi…», avant de changer de sujet.</p>
<p>Je sais qu’il y en a quelques-uns dans mon entourage qui vont se reconnaître. Disons que j’ai fait exprès de le faire savoir au cours des dernières semaines, expérimentant la chose avec un plaisir chaque fois renouvelé. Beaucoup ont l’air de croire que l’art et le sport ne peuvent pas se conjuguer dans les intérêts d’une seule personne. Comme si c’était un sacrilège d’aimer autant s’asseoir devant une game que devant <em>The Cremaster Cycle</em> de Matthew Barney.</p>
<p>C’est vrai que ce n’est pas in pour un poète d’être amateur de hockey. À la dernière soirée des Poèmes animés, les fans (nous étions très peu nombreux au Côté-Cour, si j’ai bien compris) ont d’ailleurs dû essuyer quelques railleries. On se moquait un peu de la puissance de cet incroyable engouement qui pousse les gens à investir temps et argent, voire à s’isoler du monde pour se draper dans cette damnée Sainte Flanelle. </p>
<p>Ne vous en faites pas, je ne vais pas beurrer épais en disant que je trouve ça poétique, une partie de hockey. Que c’est une métaphore semblable à celle du tango où s’opposent les forces vives de l’identité et de l’altérité. Que leur affrontement conjugue tout ce qui est nécessaire pour provoquer la catharsis. Que les stratégies élaborées sont autant de récits de combats impitoyables. Que le perpétuel changement d’alignement, le manque de sentiment d’appartenance des joueurs et les entraîneurs interchangeables sont des symptômes très postmodernes. Que la testostérone est l’encre d’un poème que seule l’élite sait véritablement lire. Et bla bla bla. </p>
<p>Ce n’est absolument pas ça. Je ne vois rien de poétique là-dedans. C’est une poignée de gars qui se «décrissent» la santé à se rentrer dedans pour mettre une puck dans un net et essayer de justifier un salaire difficile à imaginer. Ils sont là pour qu’on les aime et qu’on les déteste; on veut qu’ils gagnent, on sait qu’ils vont perdre, et alors on se choque contre l’arbitre, contre le coach, contre le type qui choisit les tounes pendant les arrêts de jeu – je ne peux pas croire qu’on y fasse encore jouer <em>Welcome to the Jungle</em> –, et on respecte tout de même un peu les membres de l’autre équipe qui ont plutôt bien joué. </p>
<p>C’est juste ça, le hockey. Pas de deuxième, surtout pas de troisième degré. Et c’est bien assez. </p>
<p>En même temps, c’est aussi une bière avec des chums de gars, une enclave dans le quotidien, une activité vide – ou une inactivité, c’est selon –, un moment qui ne sert absolument à rien, pas même à se reposer. À rien. Dans un monde qui repose sur le principe de la production, ça fait du bien. </p>
<p>D’ailleurs, je ne comprends pas qu’on tienne si éloignées l’appréciation des arts et celle du sport: n’est-ce pas lié justement par une improductivité patente qui ne trouve sa possibilité que dans des sociétés évoluées?</p>
<p>On oppose trop souvent les arts aux sports. J’ai été particulièrement frappé par la question qui se posait récemment dans l’arrondissement de La Baie, où il fallait choisir entre une bibliothèque, espérée depuis longtemps, et un aréna… Je me demande s’il ne serait pas temps d’oser quelque chose de complètement fou: mettre un aréna dans une bibliothèque. Ainsi, après la partie, le jeune défenseur pourrait se pointer à l’heure du conte avant de retourner à la maison, avec un esprit sain dans son petit corps sain. </p>
<p>Sincèrement – je vous ouvre mon cœur, là… –, j’aime bien le hockey, mais j’aime encore plus aimer le hockey dans un milieu qui n’y comprend rien. Si je coupais des couennes de porc pour en faire du bacon dans un abattoir, je serais sans doute du genre à essayer de faire des soirées de poésie avec des «gars de la job». Parce que j’aime bien les contradictions.</p>
<p>Je n’aime l’art que parce qu’il me permet de replonger dans une réalité que je n’ai aucune envie de renier. Trop d’artistes finissent par s’isoler dans une cache pour scruter le monde de loin et chasser chez leurs contemporains des travers qui les horripilent. Moi, le monde, j’ai envie d’en faire partie. Et si ça se passe lors d’une bonne partie de hockey, c’est correct.</p>
<p>Je soupçonne certains artistes d’être seulement jaloux. Parce que le sport attire plus d’attention médiatique, plus d’intérêt populaire, plus de fonds privés et publics. Et parce que l’engouement pour le hockey se répand comme la peste pendant les séries éliminatoires – alors que les créateurs se sentent, dans la présente conjoncture, de plus en plus… éliminés en série. </p>
<p>Mais bon, tout ce monde-là devrait bientôt se comprendre.<br /></p>
Éliminés en série
Jean-François Caron
Le hockey et la poésie… ça c’est de l’histoire… je pense à Charlebois avec son chandail et ses chansons.
Charlebois est resté le même, sauf pour quelques « poques » dans le visage… (rires), mais le hockey est en panne depuis presque trente ans. Sans être un expert de la « patente », je dirais que le CH est pourri depuis le retour de Claude Ruel vers la fin des années 70 (les fameux jeux défensifs). La constance démontre la force d’une équipe…, ce qu’on voit aujourd’hui dans la ligue nationale ce sont des acteurs. Ça sent même les pré-arrangements.
Edmonton a été la belle exception des années 80 – 90. ;-)
La dénaturation du hockey en tant que sport national, pourrait très bien rejoindre celle de notre culture galvaudée par l’influence américaine; les USA se sont emparés de notre fierté et en ont fait un monstre de foire.
À qui tout cela profitait-il? Aux brasseurs de bière américains…