<p>On ne fait pas du neuf avec du vieux. Ce qui est croche a de bonnes chances de le rester. Quand j’ai acheté ma vieille maison, je savais bien qu’elle ne serait pas sans défauts. Et je savais qu’il me faudrait lui consacrer beaucoup de temps et d’énergie. <br /><br />Je n’ai jamais regretté. Ou alors jamais très longtemps. Je préfère habiter un lieu qui a une histoire, qui se révèle peu à peu. C’est comme le sentiment amoureux, l’intérêt dépend de cette part de mystère qui alimente le désir. <br /><br />Dans le décor de l’immobilier, le goût du neuf sera de plus en plus problématique. La population vieillit, et devant un flux grandissant de retraités, plusieurs contracteurs sentent qu’il y a de l’argent à faire. Alors il se construit des monstres immenses – pas besoin d’aller bien loin pour le savoir –, des bêtes de béton prêtes à avaler nos aînés pour les digérer lentement. Dans le luxe, parfois. Mais pas toujours. Bientôt – si ça se trouve, c’est déjà fait –, les écoles et les églises seront transformées en centres d’accueil. <br /><br />Tandis que les plus vieux sont nombreux à délaisser la maison familiale et les responsabilités de propriétaire pour battre en retraite dans des condos ou des appartements aménagés pour eux, la jeune génération préfère construire: pas besoin d’attendre, tout est prêt, ici et maintenant, et tout est parfait dans le meilleur des mondes. Alors des maisons toujours habitables se vident. C’est la maladie du neuf. Et dans une société tellement individualiste, une société où vivre dans les traces d’un autre est impensable, ça se propage plus vite qu’une grippe porcine. <br /><br />Pourtant, on peut très bien vivre dans une demeure imparfaite. Mais ce qui est vrai pour une maison ne l’est peut-être pas pour une salle de spectacle.<br /> <br /><b>Atteindre l’intouchable</b> <br /> <br />Cette semaine, le maire de Saguenay semblait un peu abasourdi devant les efforts redoublés des partisans de la construction d’une nouvelle salle de spectacle. Parmi eux, André Salesse (celui qui a commandé le sondage Segma Unimarketing rapportant que 77 % de la population saguenéenne serait favorable à une nouvelle salle), mais aussi les étudiants du Conservatoire de musique de Saguenay, qui ont mis beaucoup d’énergie à faire valoir l’option des nouvelles installations – dont une pétition colligeant près de 6500 signatures.<br /><br />Sur la défensive, pendant une entrevue diffusée à Énergie, le maire Tremblay a laissé sous-entendre qu’il s’agissait en fait d’une manœuvre politique pour lui nuire à l’approche de la prochaine campagne électorale municipale. Comme si un dossier culturel pouvait le faire couler… Ça m’a bien fait rire. Évidemment, la multiplication des annonces d’investissements (réfection des infrastructures d’aqueduc, de routes, construction d’un aréna à l’UQAC, etc.) n’a rien à voir avec une telle tentative d’influence de l’électorat. <br /><br />Jean Tremblay a eu tort de se défendre de la sorte. Les Salesse et compagnie ne l’atteindront pas. Ils ne peuvent de toute façon pas être si naïfs. J’ose imaginer qu’ils se doutent que peu importent les coups qui seront portés au grand chancelier, à moins d’un scandale à tout casser, il aura droit à un nouveau mandat. Que l’on choisisse une salle neuve (il faudrait encore pour cela qu’un véritable projet soit préparé) ou la rénovation de l’Auditorium Dufour, c’est encore lui qui sera à la tête de la ville. Il faut se rendre à l’évidence: Tremblay est intouchable. Ce n’est même pas le début de la fin, pour lui. Ses opposants n’ont plus qu’à espérer que personne ne découvre la fontaine de jouvence avant qu’il ne choisisse de prendre sa retraite. <br /> <br /><b>Stop ou encore?</b><br /> <br />Mais alors auraient-ils dû baisser les bras? Une salle de spectacle, ce n’est pas un milieu de vie. Rien à voir avec une maison qu’on s’achète, dont on tolère les petits défauts, qu’on peut prévoir corriger d’ici quelques années, quand on aura le temps de faire des rénovations. <br /><br />En fait, les arguments sont tellement nombreux pour la construction d’une nouvelle salle qu’on est en droit de se demander comment la Ville et le Théâtre du Saguenay, diffuseur principal de la région, peuvent tenir à ce point à rénover l’Auditorium Dufour. Une cité de l’envergure de la nôtre ne mérite-t-elle pas des installations de qualité? La population n’est-elle pas assez importante pour qu’on lui aménage une salle d’au moins 1000 places? Est-ce qu’on peut continuer encore longtemps de présenter des spectacles uniquement dans des arénas et des auditoriums collégiaux? <br /><br />Pour Robert Hakim, directeur du Théâtre du Saguenay, il semble que les besoins actuels se situent dans une salle polyvalente comme celle de l’Auditorium Dufour qui, si rien ne change, est en voie d’être rénovée. Une salle de concert, trop vaste et sans doute plus coûteuse à opérer, serait semble-t-il moins adaptée. Quelle est la réponse des opposants? Les besoins évoluent. <br /><br />La vérité, comme toujours, appartient à l’avenir.</p>
Je me permet de remettre en doute votre neutralité dans votre avis exprimé dans votre texte « faire du neuf avec du vieux ».
Vous semblez donner le bon dieu sans confession à notre cher Maire; vous affirmez, à l’image de votre homologue du Quotidien, que le Maire est intouchable.
Aussi téflon puisse-t-il paraître, Jean Tremblay n’est pas intouchable. Sur quoi vous fiez vous pour rendre un tel jugement? Les résultats du sondage ubuesque (dont les résultats sont semblable au dernier plébiscite de Saddam Hussein!) publié dans un journal en lock out sans crédibilité? Vos lecteurs méritent mieux.
Il sera d’ailleurs son pire ennemi. Usé par le mépris et la mesquinerie dont il fait étalage régulièrement, sa rhétorique risque de se péter la fiole lorsque le poids des poursuite envers son administration et le piteux état de nos infrastructures viendront réveiller le citoyen d’abord qui s’était laissé endormir par son habile berceuse des basses taxes.
Croyez ce que vous voulez, dites le, même, mais respectez l’intelligence de vos lecteurs, je vous en prie!
@ M. Dubois
Il y a belle lurette que le train est passé pour ce qui est de la salle de spectacle, comme du nom de Chicoutimi. Il fallait s’opposer à la rénovation de l’Auditorium Dufour il y a dix ans, aujourd’hui c’est franchement trop tard et tout le monde le sait. Salesse et cie ont tenté un coup d’éclat qu’ils avaient les moyens de réaliser; une étude marketing qui nous laisse croire, que les citoyens veulent un grandiose salle de spectacle comme l’Opéra de Sydney, sur le bord du fjord, à côté de la marina…
Allons donc, la culture pour cette administration municipale est secondaire, parce que non rentable. Ce qui l’est vraiment, ce sont les arénas, les salles de sport, les tournois annuels, bref, tout ce qui apporte des retombées économiques quantifiables et fiables.
Pour ce qui est de l’intouchabilité du maire Tremblay, je vous rappelle que certains maires ont été en place pendant plus de trente ans, sans pour autant que le processus démocratique n’ait été entaché.
Nous avons les gouvernements que nous nous donnons…
@ M. Dubois
Je reconnais là cette fougue et cette passion qui vous suivent au moins depuis le secondaire, où à l’époque, je respectais déjà beaucoup vos prises de position.
Or, cette fois, je me demande qui de vous ou de moi respecte le plus l’intelligence de nos lecteurs. Vous auriez préféré que je laisse croire que la démocratie se porte bien à Saguenay? Je suis cynique, sans doute. Mais je ne croirai à la démocratie municipale que lorsque nous aurons un véritable choix. La démocratie, ce n’est pas qu’un droit de vote, même si ça commence par là. Et si je suis persuadé que vous serez d’accord avec moi là-dessus, certains élus ont tendance à l’oublier.
Merci pour les bons mots, Monsieur Caron.
Je partage l’ensemble de votre dernier commentaire. C’est avec plaisir que je vous lis, semaines après semaines. Votre travail est important pour le monde culturel régional.
Je ne suis pas un ennemi du maire. J’entretiens, comme beaucoup de gens, des sentiments de dualité auprès de Jean Tremblay. Je suis capable de reconnaitre ses bons coups. La décision qu’il a rendu ce matin sur le dossier de la salle de spectacle était la bonne, et je m’en réjouis.
Mon engagement politique s’incarne par mon idéal de participation citoyenne au processus démocratique municipal. Et les jeunes du Conservatoire nous ont montré la voie d’une citoyenneté active, informée et mobilisée. Il faut se réjouir que ces jeunes citoyenNEs 2.0 aient réussi leur pari et qu’ils aient ouvert les yeux des citoyenNEs et de l’administration municipale. Au delà des questions pécuniaires et administratives, l’avenir de notre collectivité doit se rêver ensemble, et rien ne doit entraver ce processus de créativité collective.
Je me permet de joindre le texte publié sur mon blogue (ericdubois.org) sur la décision du Maire sur la salle de spectacle.
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Le citoyen d’abord.
Le maire a compris le message. Il faut se réjouir de cela!
Il soumettra le dossier à un expert indépendant, nommé par le ministère de la culture. Cet expert aura le mandat d’explorer les différentes options pour la nouvelle salle de spectacle, tant la rénovation que la construction d’une nouvelle salle. Il soumettra un rapport, incluant une évaluation des coûts des différents scénarios, qui sera débattu par la population dans le cadre de consultation publique. Pas de référendum divisif, pas d’entêtement inutile. C’était la bonne décision à rendre.
Le maire Jean Tremblay démontre qu’il est, malgré des penchants parfois autoritaires, un démocrate. Il gagnerait surement à être un peu moins dur de la feuille quand les citoyenNEs tentent de se faire entendre, et à cesser d’assimiler les questions posées à des attaques d’adversaires.
Les jeunes voulaient un débat public, ouvert et la divulgation des vrais chiffres sur les différentes options possibles. La population a appuyé ces demande légitimes en signant massivement le registre municipal. Ils ont réussi leur pari.
C’est une victoire pour eux, et pour l’ensemble de notre collectivité, sur toute la ligne. Une victoire aussi pour la participation citoyenne et la démocratie.
Le tout n’en déplaise à monsieur Robert Hakim, qui aurait déclaré ce matin que nous étions la risée du Québec en raison des retards imposés aux rénovations de l’ancien auditorium. C’est plutôt les tentatives de museler la démocratie et de tromper la population de Saguenay de certains qui devraient nous faire honte…