Complètement Martel

Pays à vendre

<p>Il n’y a rien à faire. Quand le soleil plombe, quand le lilas du voisin embaume mon salon, quand le vent tiédit et souffle par la fenêtre ouverte les cris des enfants qui jouent dans la cour d’école avoisinante, je n’arrive plus à travailler. <br /><br /><a href="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/classe.jpg"><img src="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/classe.jpg" align="left" border="0" height="228" hspace="9" width="342" alt="" /></a>Invariablement, avec le détour de juin, je repense à une autre époque, quand j’étais enseignant. Je me revois suant comme un porc dans ma chemise repassée, avec le cheveu court et souvent la cravate, gesticuler devant une trentaine de zombies lorgnant vers la fenêtre. C’était quand il faisait trop chaud dans les classes étouffantes. Il y avait trop de rêve dans la tête des adolescents, trop de peau exhibée par les shorts moulants, trop de soupirs à tarir parmi les rangs de pupitres bien cordés. Et chaque jour tout de même, dans mon accoutrement de prof soigné, je simulais un plaisir dur à croire dans ces circonstances: il fallait vendre ma salade. <br /><br />J’avais cette impression de débarquer de nulle part, d’avoir les pieds à côté de mes pompes, et d’être en plus à côté de la plaque. Pire, je me donnais l’impression d’être l’animateur d’une mauvaise infopub. Parce que je ne croyais pas toujours à ce que je disais. Et parce que je voyais bien que mon stock n’intéressait personne. Et parce que je savais bien que si je réussissais à en convaincre un ou deux sur le tas, je serais bien chanceux.<br /><br /><b>Parlant d’infopub</b><br /><br />La semaine dernière, j’ai vécu la situation la plus surréelle de ma courte vie. Alors que j’étais en réunion avec des collègues de différents médias, une digression improbable est venue perturber le cours de nos discussions. Pour une raison que je n’arrive plus à m’expliquer, le sujet des infopubs est venu accaparer toute notre attention. <br /><br />Alors chacun a fini par relater celle qui l’avait le plus marqué. Et à ma grande surprise, tout le monde connaissait son lot d’émissions de vente à la télé, évoquant un produit ou un autre, récitant même de mémoire des arguments absurdes en rigolant. Bien sûr que c’était drôle. Mais en même temps, ça signifiait qu’on l’avait écoutée assez longtemps, voire assez souvent, pour se la rappeler.<br /><br />J’étais un peu abasourdi, et surtout complètement dans le champ. Je zappe facilement quand c’est l’heure des pubs. Et comme j’ai un enregistreur numérique, je n’écoute plus grand-chose en direct, si bien que je passe souvent au suivant sans plus de salamalecs. Mais je me suis tout de même demandé si je n’étais pas en train de manquer quelque chose…<br /><br /><b>Comme à la radio</b><br /><br />En général, la radio de l’auto est fixée sur la fréquence de Radio-Can. Ce n’est pas parce que les autres ne font pas la job, c’est surtout que je suis juste trop lâche pour changer. Mais en fin de semaine dernière, je suis tombé une fois de trop sur l’imbuvable émission, égocentrée et soûlante, de Gregory Charles. Et alors le doigt m’a démangé: le temps était venu de fouiller le FM. Malheureusement pour Radio-Can, je suis encore aussi lâche que je l’étais, alors ça se pourrait bien que je reste pris sur Énergie une couple de semaines. <br /><br />Justement, mardi dernier, l’équipe de Richard Courchesne avait préparé un spécial infopub. Tordant. Tout ce beau monde qui appelait pour dire qu’il s’était fait fourrer ou pour relater les pires publicités jamais présentées à la télé – genre de matériau télévisuel idéal pour Total Crap. Une machine pour cuire les aliments congelés, une autre pour laver le plancher, une autre pour perdre du poids, et  toutes ces autres que nous n’imaginerions même pas. Et chacun avait sa petite histoire personnelle à raconter. Et je pensais à tous ces autres qui n’osaient peut-être pas appeler, mais qui s’étaient eux aussi fait rouler. Alors c’est devenu pour moi une évidence: l’infopub, c’est vrai que c’est de la mauvaise, que dis-je, de la très mauvaise télé. Mais ça marche.<br /><br /><b>Et le pays</b><br /><br /><a href="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/paysavendre.jpg"><img src="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/paysavendre.jpg" title="source: Vous êtes ici, Radio-Canada. http://www.radio-canada.ca/radio/vousetesici/dossiers.asp?idDossier=114860 " alt="source: Vous êtes ici, Radio-Canada. http://www.radio-canada.ca/radio/vousetesici/dossiers.asp?idDossier=114860 " align="right" border="0" hspace="9" /></a>Tout ça coïncidait à peu près avec la divulgation de la nouvelle tentative du Parti québécois de remettre la souveraineté à l’ordre du jour. Un dans l’autre, la réflexion allait de soi.<br /><br />Le PQ est complètement dans le champ avec son<i> Plan pour un Québec souverain</i>. S’il le veut vraiment, son pays, il a juste à faire des infopubs. Pauline Marois pourrait mettre un beau tablier brodé avec des fleurs de lys, se poster derrière un comptoir de cuisine, juste devant une assemblée enthousiaste de péquistes déguisés en joueurs de bingo qui l’écouteraient avec les yeux écarquillés en applaudissant juste au bon moment, et en criant «oohhh!» quand il le faut… Et de cette façon, la chef de l’opposition pourrait vendre des parcelles de son pays: «Et si vous appelez dans les 20 prochaines minutes, on vous donne le Saguenay–Lac-Saint-Jean gratuitement! Commandez dès maintenant!» <br /><br />Il y a combien de personnes qui seraient prêtes à acheter si la télé leur disait que c’est un bon projet et que c’est fait pour elles? Bien plus qu’on le pense. Alors, Pauline, arrête de t’enfarger dans toutes sortes de plans… Et vends-la, ta salade. </p><p>+++</p><p> </p><p><i>Source de la 1re photo:</i><i> <a href="http://www.cyberpresse.ca/la-tribune/estrie/200904/17/01-847823-38-des-eleves-du-secondaire-a-la-csrs-sont-a-risque-dabandonner-lecole.php" target="_blank">http://www.cyberpresse.ca/la-tribune/estrie/200904/17/01-847823-38-des-eleves-du-secondaire-a-la-csrs-sont-a-risque-dabandonner-lecole.php</a><br /></i></p><p><i></i><i>Source de la 2e photo: <a href="http://www.radio-canada.ca/radio/vousetesici/dossiers.asp?idDossier=114860" target="_blank">http://www.radio-canada.ca/radio/vousetesici/dossiers.asp?idDossier=114860 </a></i><br /></p>