<p><a href="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/habitat_2007.jpg"><img src="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/habitat_2007.jpg" align="right" border="0" hspace="10" alt="" /></a>Le regard vide, un vieil homme se berce sous le porche. Au pied de la galerie, des hydrangées dodelinent mollement sous le bourdonnement de quelques abeilles tandis que la rue est arpentée par une poignée d’enfants qui profitent des dernières franges de l’été.</p><p>Ce vieil homme, ce pourrait être moi. La peau relâchée, la fatigue d’une vie sous les yeux, poussant du talon pour faire bouger le monde. Je n’ai aucun mal à me voir vieux, j’avoue que j’admire la sagacité et l’ironie qui s’échafaudent souvent sur les fondations de l’expérience. </p><p>Lorsque je serai devenu un vieillard grincheux – c’est à n’en point douter –, peut-être que je rirai de moi-même. De cette époque où j’écrivais mes chroniques, chaque fois brûlé par le stress, toujours le cœur gonflé par l’incertitude. De cette époque où je me croyais chien de garde, alors que dans les faits, on était souvent mieux armé que moi pour se défendre…</p><p>Il suffit souvent de laisser les artistes parler d’eux-mêmes pour se rendre compte de leur force, de leur passion. J’envie d’ailleurs les autres médias (radio, télé) qui savent mieux donner la parole. </p><p>Toutes les semaines, je rencontre des gens qui ont un parcours impressionnant. Ils sont sûrs d’eux, accomplis, ils disent ce qu’ils pensent et assument ce qu’ils disent avec une facilité déconcertante, comme s’ils ne se trompaient jamais. S’ils étaient jeunes, on dirait sans doute d’eux qu’ils sont naïfs ou inconscients. Mais avec du kilométrage au compteur, on est plutôt forcé au respect. Parce qu’ils ont su dompter la révolte pour que ne subsiste que l’opinion.<br /><br /><b>Le tiers-monde du livre</b><br /><br />Je fais actuellement une recherche pour un article à publier dans la revue Lettres québécoises traitant de la situation des libraires indépendants du Québec. En juin dernier, l’Observatoire de la culture et des communications du Québec faisait un triste constat: en 2008, on a noté le premier recul des ventes de livres (3,0 % de moins qu’en 2007) après sept années de croissance ininterrompue (on remarque une hausse annuelle moyenne de 5,2 % entre 2001 et 2007). Ce qui a toutefois le plus retenu mon attention, c’est la diminution marquée de la part de marché des librairies indépendantes, qui accusent un taux de décroissance annuel moyen de 2,1 % depuis 2001, passant sous le seuil du tiers du marché québécois (de 36,5 % à 28,2 %). Au même moment, la part des principales chaînes de librairies a connu une augmentation annuelle de 8,5 %: elles se sont accaparé 49,0 % du marché global du livre.</p><p>J’ai eu la chance de m’entretenir entre autres avec Denis LeBrun, qui a fondé la librairie Pantoute en 1972, le Bulletin Pantoute (qui allait devenir la revue Nuit Blanche en 1990) et le journal Le Libraire, transformé depuis en une revue bimestrielle soudant une cinquantaine de librairies indépendantes. Fait intéressant, parmi les membres fondateurs de cette dernière publication, on trouve la librairie Les Bouquinistes de Chicoutimi…</p><p>Pour LeBrun, la seule solution envisageable pour renverser la vapeur serait de réglementer le prix de ce bien culturel à part qu’est le livre. Il pourrait s’agir d’une réglementation moins envahissante que le prix unique tel qu’il est imposé en France: un prix plancher serait sans contredit un levier efficace pour redresser la situation. «En temps de crise, ceux qui pratiquent les guerres de prix, certaines chaînes et les grandes surfaces, sont encore plus agressifs. Les librairies indépendantes n’ayant pas les moyens d’assumer une guerre de prix, elles sont toujours les perdantes.»</p><p>Un lecteur pourrait être tenté de se dire qu’il préfère pouvoir acheter ses livres moins chers. À court terme, c’est sans doute une bonne façon de soulager les tendances anorexiques de son portefeuille. Mais à long terme, c’est la diversité littéraire, dont sont garantes les librairies indépendantes puisqu’elles ne se restreignent pas à la vente des best-sellers, qui pourrait souffrir de ce réflexe économique. Les lois du libre marché sont rarement bonnes à gérer le fait culturel – comme elles ne sont pas non plus favorables à l’écologie. </p><p>LeBrun isole justement le problème: «Les grandes surfaces comme Costco, Walmart ou Loblaws se servent des livres comme produits d’appel. Elles décident de ne pas faire d’argent avec les livres en les vendant au prix coûtant – parfois moins cher. Elles pratiquent des prix coupés pour attirer une clientèle dans leur magasin. Dans le cas des chaînes de librairies, Archambault, qui appartient à Quebecor, a la même pratique de prix coupés. Si on veut affaiblir l’ensemble de l’industrie du livre, la meilleure façon, c’est de faire des ventes comme celles-là.»</p><p>Ou d’en profiter. Vous avez visité votre libraire récemment?<br /><br /><b>Les gardes et le chien</b><br /><br />C’est au photographe et réalisateur Nicolas Lévesque que revient le crédit de la photo qui accompagne ma chronique cette semaine. Originaire de Roberval, Lévesque a été cofondateur du collectif de photo N+3 (<a href="http://www.nplus3photo.com" target="_blank"><i>www.nplus3photo.com</i></a>). Il réalisait en 2008 le film <i>Lévesque et fils, maraîcher(s)</i> et est actuellement réalisateur-journaliste pour l’émission <i>Kilomètre zéro</i> diffusée cet automne sur les ondes de Télé-Québec. La photo <i>Habitat</i> sera publiée dans un ouvrage, <i>Zmâla</i>, lancé bientôt à Paris, et qui présente 17 collectifs internationaux de photographes émergents. <br /></p><p> </p>
Je vous en avais glissé un mot lors d' une récente chronique, illustrée par la superbe photo de Nicolas