Complètement Martel

La mascarade municipale

<p>Il a choisi un superbe masque, et le costume qui va avec. Ou bien, il arbore un maquillage fignolé, porte en guise de couvre-chef une perruque colorée, et sa vêture multicolore fait de lui le plus beau des clowns jamais passés dans cette rue. Il trimbale son tralala, son sac vide. S’il est assez beau, assez jeune, assez bien attriqué, s’il sait chanter, aussi, et s’il sourit assez sincèrement, il aura ce qu’il veut. </p><p>Vos bonbons, ou votre vote. C’est selon. </p><p>Le 31, ce sera l’Halloween, avec sa trâlée de petits monstres, ses becs sucrés, ses petits tonnerres de rires retentissant dans l’air froid de la nuit tombée trop de bonne heure. Le lendemain, ce sera le mal de cœur, les regrets, et continuera la mascarade des élections municipales. </p><p>Paraît qu’on peut être rassurés quant à l’avenir de la démocratie municipale: dans un récent sondage publié le 11 octobre, par <i>Le Réveil</i>, celui-là même qui sacrait Jean Tremblay maire pour un autre mandat avec 69,5 % des voix, on apprenait que seulement 1,3 % des répondants n’iraient pas voter. Avec une marge d’erreur de plus ou moins 4,38 %, on peut donc croire que près de 95 % de la population de Saguenay ira se prévaloir de son droit démocratique. </p><p>Une chance que les sondages sont là pour nous dire ce qu’il en est! </p><p>Dois-je le préciser? Je suis un ti-peu ironique, là.</p><p>Mais peut-être que je me trompe. Peut-être que vraiment les gens ont décidé de prendre le bateau. Peut-être que les publicités du Directeur général des élections (DGE) ont réussi à convaincre la population. On verra bien. </p><p>En attendant, maintenant qu’on a tous cette irrépressible envie d’aller voter, reste plus qu’à faire le bon choix. Alors, sur quoi se basera-t-on pour aller griffer d’un X notre bulletin de vote? Pas facile de trouver de l’information.</p><p>À 17 jours du scrutin, je ne savais toujours pas qui se présentait comme conseiller dans mon district. Peut-être suis-je plus épais qu’un autre. Après plus d’une heure de fouille intensive dans les annales d’Internet, débroussaillant <a href="http://www.monvote.qc.ca" target="_blank">le site du Directeur général des élections</a>, <a href="http://www2.electionsquebec.qc.ca/municipales" target="_blank">celui réservé aux élections municipales</a>, je n’ai pu trouver qu’une liste des candidats. Point. </p><p>Alors maintenant, je connais leurs noms. Mais ça, j’y avais déjà accès grâce aux affreuses pancartes qui ont été placardées dans les rues de mon quartier. Ce qui me passe toujours à 10 pieds au-dessus de la tête, au sens propre comme au sens figuré. </p><p>«Ces élections constituent un moment fondamental de la démocratie québécoise», déclare Laurent Lessard, ministre des Affaires municipales, dans un message d’accueil sur le site du DGE. On situe le vote au cœur de la démocratie. D’accord, mais le nœud ne se situe-t-il pas sur le plan de l’information? Que fait le DGE pour que l’électeur soit informé des enjeux de ces élections municipales? </p><p>(1) Il conseille de lire les hebdomadaires locaux et régionaux. Mais voilà, si ces organes de presse étaient le moindrement biaisés – je ne fais pas d’accusation, je pose la question -, que se passerait-il? Est-ce que des opposants auraient une chance de se démarquer? Aussi, croit-on vraiment que ces journaux peuvent donner assez de place à tous les candidats pour tous les districts? À Alma, on parle de 17 candidats. Et de pas moins de 46 volontaires disséminés sur le territoire de Saguenay. </p><p>Le DGE pousse aussi à lire le bulletin d’information de notre municipalité (2) ainsi que son site Web (3). Mais voilà, si ces deux supports sont entre les mains de l’administration sortante, quelle place réservera-t-elle à ses opposants? Pour contourner le problème, semble-t-il, on ne parle de personne, d’aucun programme, d’aucune idée. Le citoyen d’abord doit faire l’effort de s’informer. Où il le pourra. <br />Venez voter. Si vous êtes chanceux, vous avez le choix entre deux, trois ou quatre NOMS. Peu importe qui ils sont ou ce qu’ils pensent. De toute façon, ils pourraient bien avoir les mains liées au sein d’un conseil municipal, n’est-ce pas? Mais venez voter, c’est important. </p><p>Je ne suis pas cynique. Je crois en la démocratie. Mais avec la structure actuelle, les gens sont encouragés à se tourner les pouces en attendant que les candidats les plus fervents les rejoignent par eux-mêmes. Outre quelques exceptions, les candidats ne sont même pas sur la Toile. En dehors de quelques sites, et à moins d’avoir la chance de leur serrer la pince en pleine rue, il est plutôt ardu, voire presque impossible, de s’informer sur les candidats sans passer par le filtre des médias existants, médias qui ne peuvent pas tout aborder. Et malgré le manque flagrant de tribunes, certains parmi ceux qui briguent les suffrages se paient le luxe de refuser les débats, gardant ainsi la population dans l’obscurité…</p><p>Au-delà du processus normal de médiatisation – journalisme, publicité, etc. –, ne pourrait-il pas exister un autre organe médiatique électoral, indépendant, citoyen et impartial, chapeauté par le DGE? Pourquoi n’y a-t-il pas un lieu virtuel ramassant les enjeux politiques nationaux, régionaux et locaux? Une référence unique, où chaque candidat pourrait débattre, critiquer, se faire valoir? Une initiative étatique, qui ne dépendrait pas de la volonté de quelques médias privés?</p><p>Oui, nous avons le droit de vote. Mais il devrait peut-être être assorti d’un droit à l’information. De cette façon, les élections municipales ne seraient plus une mascarade où l’on vote pour la plus belle face à mettre autour de la table municipale. </p><p>Si on attend qu’une poignée de médias (et encore, dire une poignée, c’est beaucoup) nous tienne au courant de ce qui se passe, on risquera toujours un détournement de l’information au profit de quelque roi nègre.</p><p>En attendant, continuons de faire semblant de croire que les élections municipales sont l’expression de la démocratie. Moi, j’ai mis quatre noms dans un chapeau. Si je n’arrive à parler à personne – il leur reste quand même une quinzaine de jours pour venir frapper à ma porte –, alors je pigerai. Et je saurai ce qu’elle vaut, la démocratie municipale. <br /></p>