Complètement Martel

Danser dans le désert

<p>Même dans une immense étendue désertique, il est des régions plus arides, sèches et brûlantes comme des dunes de sel. Des régions où celui qui a soif peut tomber comme une brassée de branches cassantes.</p><p>C’est beau un désert en photo. Et sans doute qu’on s’y ennuie quand on s’y perd. Mais ce doit être tellement plus extraordinaire d’y être pour vrai, de sentir le soleil comme un frisson chaud, de laisser couler du sable entre ses doigts ou de le sentir nous piquer les joues au moindre souffle du vent. </p><p>Ce que je veux dire, c’est que pour apprécier vraiment le monde, il faut y être. Pour l’art, c’est la même chose. C’est ce que j’essaie de faire comprendre à mes enfants depuis leur naissance. </p><p>Mon plus vieux en est à ce bel âge où les garçons s’extasient devant l’image explosive d’un volcan en éruption, âge où la science devient un jeu, où la curiosité se déploie. Au cours des dernières semaines, nous avons parlé d’étoiles et d’univers, de big bang et de trous noirs, de gravité, de paysages, de formations volcaniques, d’atolls et de lagons. C’est déjà un grand bonhomme insatiable, comme tous ceux de son âge, qui n’a pas besoin de mettre une note au bout de chaque apprentissage, qui se fout de savoir si ses connaissances seront ou non utiles. C’est sans doute ces nombreuses découvertes que je le vois faire qui m’ont inspiré cette image de désert et de sel.<br /><br /><b>On a marché sur la danse</b><br /><br />En 2005, le Théâtre du Saguenay (TS), à bout de ressources – le diffuseur était alors dans une situation précaire, entre autres à cause d’un déficit financier –, se voyait dans l’obligation de quitter les rangs de l’organisme La danse sur les routes du Québec. Un choix difficile mais inévitable, selon Jacinthe Achard (responsable des communications et du développement de public pour l’organisme), conséquence d’une incapacité à fournir les efforts nécessaires pour être membre de ce club – réunions et dépenses encourues, dont l’embauche d’un agent de développement.</p><p>L’intérêt pour la danse n’est pourtant jamais disparu. On se souviendra du passage de José Navas et de la Compagnie Marie Chouinard – l’inoubliable <i>Body Remix – «Les Variations Goldberg»</i>.</p><p>Aujourd’hui, la situation est toujours fragile. Force est d’admettre que le public ne se laisse pas séduire par les corps en mouvement. Au moment où j’écris ces lignes, à peine une centaine de billets auraient trouvé preneur pour le prochain spectacle de danse prévu par le TS, <i>NU</i> (photo), une création tout habillée de la compagnie Le fils d’Adrien danse, dont la première, à Québec, a pourtant été présentée à guichets fermés.  </p><p>Il y a quelques mois, La danse sur les routes du Québec offrait aux diffuseurs de la région une nouvelle formule, mieux adaptée à la réalité régionale. Dorénavant, le TS, l’Auditorium d’Alma, La Rubrique et le Comité des spectacles de Dolbeau-Mistassini sont tous associés sous la même enseigne, Objectif Danse, et peuvent profiter des services de Julie Dubois Gravel, agente de développement. </p><p>Celle-ci se démène, depuis, pour valoriser la danse dans la région. Pas une mince affaire. Elle-même danseuse professionnelle – elle a œuvré au sein de Schème Danse avant que la compagnie ne doive s’exporter –, elle connaît bien les difficultés auxquelles elle se trouve confrontée: «Les gens ne connaissent pas l’offre, et ils sont moins à l’écoute. Pourtant, quand ils y goûtent…»</p><p>Quand on y goûte. C’est ça. Il faut y goûter.</p><p>Il reste beaucoup d’efforts à déployer dans la région. Trop de personnes voient encore la danse contemporaine comme une curiosité hermétique et incompréhensible. Misère. À part Casse-Noisette, il n’y a pas grand-chose qui cartonne chez nous. </p><p>Alors que La Rubrique fait un travail monstre pour rejoindre le public scolaire en théâtre – et réussit plutôt bien en ce domaine, il faut le souligner –, la danse semble moins facile à avaler dans les écoles. Les commissions scolaires n’auraient encore signifié aucun intérêt pour Le Cabaret dansé du vilain petit canard, une production spécialement conçue pour les écoliers par la compagnie Cas public. Soit dit en passant, l’événement est animé par Georges-Nicolas Tremblay, un danseur de chez nous toujours très attaché à sa région même s’il n’y vit plus. Ce dernier, qui revient chaque année depuis sept ans pour présenter son travail aux siens, garde espoir.</p><p>De l’espoir, il en faut. Non seulement les commissions scolaires sont-elles peu friandes des programmations qui leur sont pourtant adressées, mais même les écoles de danse de la région (!) montreraient peu d’intérêt pour les productions professionnelles – hormis, semble-t-il, l’École de danse Florence-Fourcaudot, qui aurait toujours appuyé les diffuseurs de la région. </p><p>Loin d’être défait devant une telle réalité, Georges-Nicolas Tremblay croit encore avec ferveur que tout n’est pas perdu. Il espère même voir un jour des étudiants en danse à l’Université du Québec à Chicoutimi, par exemple dans le cadre du baccalauréat interdisciplinaire en arts: «C’est un désir que j’ai, une initiative pour développer un milieu professionnel de la danse au Saguenay. Nous avons une telle créativité que je suis sûr qu’elle pourrait et devrait apporter beaucoup au monde de la danse…» Là où d’autres ne voient qu’un désert, certains continuent de chercher une oasis. </p><p>Presque par définition, les enfants sont curieux du monde. Avant d’être épris par le désir, ils sont mus par la curiosité. Une curiosité qu’il faut combler de toutes les beautés du monde. </p><p>Et la danse en fait partie. </p><p> </p><p><a href="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/chronique.JPG"><img src="http://www.voir.ca/blogs/popculture_saguenay/chronique.JPG" border="0" width="602" height="401" alt="" /></a><br /></p>