Complètement Martel

Improvisation comparée

D’un côté, les journalistes entassés les uns sur les autres. De l’autre, le maire et son petit carnet de notes. Impressionnant, tout de même, que toute la politique municipale de Saguenay tienne dans ce cahier. Pour le maire Tremblay, c’est dans la poche, comme on dit.

Entre le premier magistrat et les représentants des médias, une table grande comme d’ici à demain. Et au centre de ce monstre de mobilier, comme un immense sceau, le glorieux slogan du maire Tremblay qu’il répétera à quelques reprises pendant la conférence de presse: le citoyen d’abord.

Bienvenue dans le salon du maire, sis à l’hôtel de ville de Saguenay.

À l’étude

Cette sobre mise en scène avait pour objectif d’enfin dévoiler l’étude comparative des projets de salle de spectacle à Saguenay, qui peut dorénavant être consultée sur le site de la Ville de Saguenay. Le document n’apporte qu’un faible éclairage au dossier, se contentant trop souvent de colliger les ouï-dire et commentaires des «intervenants». Plutôt que de comparer la rénovation d’une salle de spectacle à la construction d’une nouvelle salle, on a mis en opposition la rénovation de l’auditorium Dufour à la réalisation du projet présenté dans l’étude de Go Multimédia. Or, ce dernier projet avait été élaboré sans préoccupations budgétaires. En résultent des dépenses aberrantes.

Pourtant, le milieu serait prêt au compromis.

Mais pas le maire: «On ne finira jamais si je vous dis qu’il peut y avoir une salle entre les deux. Je ne vous dis pas que vous avez tort, mais à un moment donné, il faut se brancher.»

Cela dit, si c’était la nouvelle salle qui remportait le plus de votes lors de la consultation populaire du 6 juin, gageons que Jean Tremblay serait le premier à nous rappeler qu’on était prêts à accepter un compromis.

Urgent

On peut croire qu’à la vérité, Jean Tremblay, qui préfère ouvertement le projet de rénovation de l’auditorium Dufour, a peur de perdre son pari. Même cette arrogance jouée devant les journalistes – qu’il accuse sur toutes les tribunes d’en ajouter – ne parvenait pas à éclipser l’aura d’inquiétude qui semblait émaner de lui.

De son propre aveu, le maire avait l’étude en main avant même de partir en Slovénie. Pourtant, il n’a partagé les résultats que le 16 avril, et dans un contexte étrangement précipité. En effet, les journalistes sur place n’avaient reçu l’invitation pour le point de presse que le matin même. Dans ma boîte de courriel, elle tombait à peine plus d’une heure avant la conférence de presse, avec l’intitulé «urgent».

Au sortir de l’événement, les opposants à la rénovation de l’auditorium Dufour, dont les cosignataires de cette entente qui devait mener à la commande de l’étude comparative, n’avaient été avisés ni des résultats ni de leur dévoilement. Certains d’entre eux en auront été informés par l’entremise des réseaux sociaux, version contemporaine du bouche à oreille. D’autres peut-être seulement par l’intermédiaire des médias traditionnels.

Inquiet, le maire? Il faut dire qu’avec le mouvement amorcé par les étudiants du Conservatoire de Chicoutimi, qui a réussi à susciter assez de signatures pour bloquer le règlement d’emprunt pour la rénovation de l’auditorium, les contestataires ont montré qu’ils savaient s’organiser, et le faire rapidement. Et un vote anonyme pourrait bien favoriser leur option.

L’autre dossier

Le maire Tremblay avait beau argumenter que le dossier de la nouvelle salle et celui du Théâtre du Saguenay (TDS) étaient différents, personne n’y croyait vraiment – pas même lui, exhibant une liste de spectacles qui, selon lui, auraient été annulés s’il n’avait pas créé Diffusion Saguenay.

Les dossiers ne sont pas si éloignés. En fait foi le document rendu public vendredi dernier, auquel a été ajoutée une section «commentaires», qui n’a rien à voir avec l’analyse comparée des deux projets de salle de spectacle. Sortie de nulle part, cette section prône «la création d’un seul organisme qui gérerait l’ensemble de la diffusion au Saguenay».

Étrange.

Et si le TDS, à la suite de la proposition de son plan de relance qui sera dévoilé à l’assemblée des inspecteurs de faillite le 27 avril, redevenait le diffuseur majeur qu’il était après 35 ans d’existence, reprenant ainsi le portefeuille des subventions provinciales. Est-ce que le maire Tremblay, qui accorde une grande crédibilité à l’étude, abandonnerait Diffusion Saguenay pour laisser le TDS gérer toute la diffusion régionale?

Rien de moins sûr: «Les subventions, là, faites-vous-en pas avec ça. C’est pas la fin du monde, les subventions qu’ils nous donnent. Je vais vous dire une chose: quand tu as répondu à toutes leurs exigences, là, il ne reste plus grand-chose.»

Quand on sait que parmi ces exigences du ministère, on note l’importance de la diversité et de la diffusion de spectacles de niche (par exemple en danse), on comprend que certains se montrent inquiets. 

De plus en plus, j’en suis.