Un chien fou
Complètement Martel

Un chien fou

Ça a commencé par un courriel d’insultes. C’était le 10 août de l’an 2006. Ici, n’allez surtout pas penser que je bénéficie d’une mémoire d’éléphant et que j’ai une capacité hors du commun à retenir des dates. En fait, comme pour de plus en plus d’individus, ce sont les internets qui se souviennent pour moi.

 

Mais bon.

 

Je me rappelle qu’à l’instant où j’avais écrit ce fameux courriel d’insultes, ce texte dégoulinant de fiel me semblait la chose la plus géniale qu’aucun autre humain n’avait réussi à écrire jusque-là. Et pourtant, lorsque je le relis aujourd’hui, j’ai peine à croire que ces propos aient pu venir de mon esprit.

 

Ce que je vais écrire pourrait sembler tout droit sorti d’une mauvaise série télé mais je l’assume: il faut croire qu’avec le temps, j’ai changé.

 

L’enragé qui varlopait ses moindres détracteurs à coup de formules-chocs souvent maladroites a fait place à un cynique qui préfère désormais se taire et laisser la parole aux enragés de ce monde. J’ignore encore s’il s’agit de la bonne méthode, mais jusqu’ici, les résultats sont plutôt probants. Sans vouloir donner dans les leçons de sagesse «cheapos», il est quand même fascinant de voir à quel point certaines personnes ont un talent inné pour être leur meilleur ennemi.

 

Maintenant, je pourrais établir une liste interminable de facteurs qui m’ont aidé à me tempérer, mais comme je ne suis pas en train de rédiger un texte de remerciements destiné à être lu dans un gala, je me concentrerai sur un seul individu. Son nom: Jean-François Caron. Pour ceux et celles que cela pourrait intéresser, c’est justement à celui-ci qu’était destiné le désolant courriel d’insultes.

 

Vous vous en douterez, nos relations ont bien changé depuis le 10 août 2006. Autrement, vous ne seriez certainement pas en train de me lire ici, dans cet exemplaire du Voir Saguenay/Alma que vous tenez entre vos mains.

 

C’est qu’au fil des échanges de courriels, nous avons réussi à créer un terrain de discussion. Et puis, ce qui m’aurait semblé impossible quelques mois plus tôt est survenu par une froide soirée d’hiver. Jean-François Caron m’offrait alors un boulot de journaliste à la pige.

 

J’ignore encore ce qui a bien pu lui passer par la tête ce soir-là, mais uniquement pour ça, je crois sincèrement qu’il mérite une place dans le panthéon des gars courageux. Tel un brave homme adoptant un chien fou, Jean-François a vu ce que je cachais derrière mon tempérament bouillant et franchement, c’est là une des plus belles attentions que l’on ait pu avoir à mon égard.

 

Au risque de sembler émotif, ce que Jean-François a vu en moi, c’est tout d’abord mon amour et ma passion pour le Voir. Je l’avoue, depuis mes premières années de collège, s’il y a une chose dont je puisse me souvenir, c’est bien l’attrait que ce journal avait fait naître en moi. Mettons les choses au clair, je suis grandement interpellé par le Voir. J’aime la liberté qui s’en dégage et surtout, ce qu’il véhicule. Je ne le dirai jamais assez, mais on ne parle jamais trop de culture. C’est d’autant plus vrai dans une région comme ici au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

 

Vous en conviendrez, la formule est un énorme cliché, mais ce qui nous permet de se définir en tant que région, c’est notre façon d’aborder et de nourrir notre culture. Les bleuets, la tourtière et le fjord, c’est bien beau, mais ça ne fait pleurer personne et c’est bien rare que ça suscite de grands fous rires.

 

Je serai franc avec vous, mes nouvelles fonctions en tant que rédacteur en chef du Voir Saguenay/Alma me donnent parfois le vertige. J’ai la ferme intention de donner à la culture d’ici le rayonnement qu’elle mérite et j’espère de tout mon cour que chaque semaine, je m’acquitterai de cette mission au meilleur de mes capacités. De plus, il faut regarder les choses en face, mon prédécesseur, Jean-François Caron, a mis la barre très haute au courant des dernières années. Un tel travail mérite qu’on lui fasse justice.

 

Naturellement, je suis bien conscient que certains d’entre vous me trouveront parfois futile ou illuminé, mais c’est là un des risques du métier. Que ce soit pour souligner les bons coups ou pour démolir ma journée, je vous invite fortement à faire valoir votre rôle de lecteur. N’ayez crainte, le chien fou que j’ai été auparavant grogne encore, mais il ne mord désormais que les voleurs.

 

Et qui sait, peut-être que ce sera l’occasion de créer de nouveaux liens. Ça pourrait commencer par un courriel d’insultes.