Ce qu’il restera de nous
La semaine passée, le poète et cinéaste Pierre Demers rassemblait plus d'une centaine de personnes dans le sous-sol de l'église Christ-Roi pour le visionnement de son film Trous de mémoire. Avec pour sujet la démolition du patrimoine de Ville Saguenay, on pouvait déjà prévoir un grand intérêt du public avant même la tenue de l'événement. Mais c'était sans compter sur la maladresse de certains gestionnaires municipaux qui ont transformé une cérémonie de projection au destin plutôt confidentiel en événement de grande ampleur médiatique.
Il faudrait être un peu inattentif pour ne pas avoir remarqué, dans les dernières semaines, qu'une grande partie des médias a entrepris une certaine croisade contre le maire Jean Tremblay. Depuis déjà longtemps, le maire Tremblay s'était mis à dos un nombre important de membres de la communauté artistique, et maintenant, voilà qu'il en est de même pour les gens des médias.
Il y a quelques jours, un rapport dénonçant les façons d'agir de l'équipe municipale envers les journalistes a mis le feu aux poudres. Depuis, la moindre action ou décision du maire pouvant faire l'objet de critiques est diffusée ou imprimée. Certains diront que tout ça est de bonne guerre… Mais ça, c'est en supposant qu'une guerre puisse comporter quoi que ce soit de bon.
Que vous soyez ou non un détracteur de la politique de Jean Tremblay, il y a une chose qu'il ne faut surtout pas oublier: les médias sont encore bien loin d'avoir perdu de leur force d'impact. On a beau nous avertir dès notre tendre enfance qu'il ne faut pas croire tout ce qui est écrit, il reste que nous agissons différemment par rapport à ce qui est imprimé.
Par exemple, il suffit qu'un journaliste vous dise qu'un candidat x n'a pas ce qu'il faut pour le poste qu'il convoite, même si vous n'êtes pas du tout d'accord avec cette affirmation, les chances sont énormes pour que vous soyez rattrapé par la vague de fond idéologique qui touchera vos proches et vos amis. Au risque de vous irriter, je le répète: lorsque imprimée, même la plus mauvaise des idées peut se loger dans un nombre record d'esprits sains.
Maintenant, n'allez surtout pas croire que je tente vulgairement de vous amener dans une dimension où vous ressentirez subitement un amour indéfectible pour le maire Jean Tremblay. En fait, je ne veux que vous transporter dans un monde féerique où vous vous foutrez éperdument de Jean Tremblay.
Laissez donc faire les médias qui alimentent et valident vos divergences politiques. Regardez la réalité en face et demandez-vous sérieusement ce que vous pouvez y faire de toute façon. Vous aurez beau retourner la réalité dans tous les sens, il reste que le maire Tremblay a été élu et que c'est une proportion importante de la population qui en a décidé ainsi.
Il faut cesser de voir la vie comme un film hollywoodien. Il n'y a pas de méchants, mais surtout, il n'y a pas de bons. Certains veulent faire le bien, mais le font tout simplement mal. D'autres voient du mal dans ce qui est bien pour leurs voisins.
Je le sais que c'est plate à lire et que c'est vrai que la vie serait beaucoup plus excitante si elle était ainsi, mais j'ai ce sentiment qu'il n'existe pas de gens qui sont fondamentalement méchants. Et là, ne tombez surtout pas ici dans le fameux piège que je viens de vous tendre à propos de la loi de Godwin…
En fait, si aux yeux de la communauté artistique, le maire Tremblay ne mobilise pas suffisamment d'effectifs afin de venir en aide à la vie culturelle de Ville Saguenay, ce n'est pas parce qu'il éprouve du ressentiment envers les créateurs et les diffuseurs. C'est simplement parce que ce champ d'activité ne figure pas dans sa conception politique. En d'autres mots, il s'en fout, tout bonnement. Comme moi je me fous du ping-pong.
Bref, si je supplie les détracteurs de Jean Tremblay de lui accorder un certain répit, c'est qu'une grande partie d'entre eux font partie de la communauté culturelle. Et chaque minute qu'un artiste consacre au maire est une minute de moins qu'il investit dans son art.
Que l'on approuve ou non la politique de Jean Tremblay, un jour viendra où une autre personne finira par prendre sa place. À ce que je sache, Jean Tremblay n'a toujours pas réussi à accéder à la vie éternelle, et ce, malgré sa foi.
Les politiciens passent, les lois changent, mais l'art reste.
Il ne faut pas oublier que comme certains médias écrivent ce que les gens en général pensent pour que le tirage leur soit sympathique, l’administration a tout à craindre d’une certaine opposition sur ses vues.
Je suis d’accord avec vous que la culture n’est pas une des mammelles privilégiées par l’administration Tremblay, par contre le sport et les grands projets supposément touristiques le sont.
Les gens se laissent facilement endormir par des promesses que leurs portefeuilles ne seront pas touchés; le jour du supposé rérérendum sur la nouvelle salle de spectacle, j’ai vu des gens sortir des bureaux de vote comme s’ils venaient d’acheter une nouvelle tondeuse à rabais, tout en sachant très bien qu’ils votaient contre une augmentation de leur compte de taxes.
Le monde de la culture peut bien s’opposer et dénoncer, mais il ne s’agit pas là de culture…
Me semble que les artistes ont le droit, sinon le devoir, de sortir de temps en temps de leur studio pour participer au débat public car, ne sont-ils pas aussi des citoyens-d’abord-payeur-de-taxes-les-plus-basses-au-Québec comme n’importe quel autre saguenéen? Joël, comme artiste, chaque minute que tu as passé à écrire cette chronique pour le maire sont des minutes de moins consacrées à ton art ;)
@Luc: En voyant le débat que cela ait pu suscité sur les réseaux sociaux, je crois avoir investi efficacement mon temps. ;-)
Une petite divergence d’opinion ne fait que stimuler les discussions et cela peut permettre à certains acteurs de remettre à jour des arguments qui ont un peu perdu de leur force de frappe avec les années.
Cela dit, bien content de vous avoir croisé ici sur le blogue et en espérant cordialement vous y revoir.