Un zombie pour Noël
Complètement Martel

Un zombie pour Noël

Mettez-moi un rat mort dans un bel emballage et il y a de très bonnes chances que je l’achète.

 

Non pas que je sois le genre à apprécier les rats morts, mais j’ai un faible pour les logos attrayants et les boîtes qui accrochent le regard. D’ailleurs, même après plusieurs années de vie de couple, ma fiancée est toujours fascinée par la facilité avec laquelle les compagnies arrivent à me vendre plusieurs fois un aliment que je n’aime pas. Pour arriver à un tel tour de force, il leur suffit d’ajouter une des formules magiques comme «nouvelle recette» ou «saveur améliorée», et le nigaud de consommateur que je suis se rue vers la caisse, carte de guichet en main.

 

À l’image des zombies dans le film Dawn of the Dead de George A. Romero, j’erre sans but dans les commerces et je réagis aux moindres impulsions électriques que me dictent avec brio les publicitaires. Tel est mon rôle de citoyen-consommateur.

 

Bien entendu, l’analogie frise l’exagération, mais elle prend toute son importance à la période de l’année où nous nous trouvons présentement. Si l’on se fie à la loi non écrite du marketing, la saison des publicités de Noël peut officiellement débuter maintenant que l’Halloween est derrière nous. Il s’agit ici d’un moment crucial pour les annonceurs de ce monde, car les vecteurs de consommation que nous sommes décuplent littéralement en efficacité.

 

Contrairement au reste de l’année où nos points faibles en tant que consommateurs ne sont définis que par nos propres désirs ou ambitions, la donne change complètement lors de la période de Noël. En effet, les désirs et ambitions de ceux que nous aimons fusionnent alors aux nôtres car tout ce que nous souhaitons, c’est un Noël réussi où nous offrirons les bons présents aux bonnes personnes. C’est ça l’amour. Du moins, selon Visa.

Ici, ce que je vous raconte n’a rien de bien nouveau. Même que de tenir les propos contenus dans ce texte nous est très familier. Plus familier que ça et je vous appelle tous et toutes par vos petits noms. On se faxe et on déjeune?

 

Et pourquoi on n’irait pas se taper un bon Coup Double chez PFK? Vous savez, ce délicieux sandwich tellement révolutionnaire que la présence de pain n’est même plus nécessaire? Ce summum de la gastronomie qui ferait blêmir tous les gros sacs de chips de la terre?

 

Je vous demande ça parce que tout bon citoyen-consommateur se doit d’avoir savouré ce produit, ne serait-ce qu’une fois dans sa vie. Et là, ne me regardez pas avec votre air d’ahuri préféré. Cessez de jouer à l’hypocrite. Je sais que vous y avez goûté. Les chiffres me l’ont dit.

 

Eh oui, pendant que vous pensiez vous empiffrer en douce de votre Coup Double, PFK vous a archivé dans ses rapports. De ce fait, c’est avec fierté que les disciples du sympathique Colonel Sanders annonçaient par communiqué, il y a quelques jours, qu’en moins de deux semaines, c’est 350 000 exemplaires de ces sandwichs de 540 calories qui auront trouvé preneur au Canada.

 

Et vous voulez savoir le plus drôle dans tout ça? Selon le communiqué, il semble que de nombreux clients aient prévu «organiser des partys Coup Double avec leurs amis, faire des vidéos, blogger (sic) et échanger des histoires sur comment ils ont tentés (re-sic) le Coup Double». On ne peut pas mieux dire, ils vont fêter ça en gros.

 Donc voilà, on vous vend un produit qui suinte la graisse et qui va faire péter vos réserves de sodium, et ça fonctionne. Même que vous ressentez l’envie de propager la bonne nouvelle et de vous transformer en publicité vivante, mais surtout, gratuite.

Faut croire que pour les dirigeants de PFK, Noël est déjà arrivé.

 

Maintenant, je déteste propager de mauvaises nouvelles, mais vous devez savoir que si jamais l’idée d’offrir pour Noël des Coup Double habitait votre esprit, il faudra oublier ça. Le produit ne sera malheureusement plus disponible après le 14 novembre.

 

Que des publicitaires réussissent à vendre en grand nombre des iPod à 300 $ alors qu’une multitude d’autres baladeurs numériques s’acquittent des mêmes fonctions, et ce, à un prix beaucoup plus modique, je n’en ressens que de l’amusement. À la limite, c’est de l’audace et du génie que j’y vois.

 

Par contre, quand je sais que 350 000 sandwichs ayant pour principal argument de vente d’être l’apogée de la malbouffe se sont écoulés, je me retrouve hésitant. Ultime savoir-faire de publicitaires ou insouciance épique des consommateurs?

 

Je l’ignore.

 

Toutefois, ce n’est pas parce que vous achetez un rat mort dans un bel emballage que vous êtes obligé de le manger.