Nos lendemains
L'année de mes 30 ans aura donc été celle où j'ai le plus pleuré. Et pourtant, il s'agit sans aucun doute de la plus fantastique que j'ai traversée jusqu'ici.
S'il existait un compteur d'eau pouvant quantifier l'afflux de larmes qui ont coulé de mes yeux, j'aurais bon espoir de figurer l'an prochain dans le grand livre des records Guiness. Pas nécessairement à titre de braillard de l'année 2010, mais bien en tant qu'homme pour qui la vie aura été la plus cool et la plus émouvante.
Ouep… Plutôt spécial d'écrire ces lignes quand on a toujours carburé au cynisme et au nihilisme.
Au cours des derniers jours, je me suis adonné à l'exercice classique d'introspection de fin d'année et j'en suis arrivé à un constat plutôt déroutant: finalement, la vie, c'est pas toujours poche.
En fait, certains me trouveront bien superficiel, mais ma plus grande déception de 2010 a été la saison finale de Lost. C'est vous dire à quel point les soucis m'ont crissé patience cette année. Pendant près de six ans, j'ai harcelé tous mes amis en leur répétant religieusement que Lost était la quintessence de la culture populaire. Je repense à tous ces moments où, avec ma blonde, on se laissait aller à diverses théories quant aux nombreuses intrigues semées tout au long de cette série télévisée. Je me revois en train de lire tous ces classiques de la littérature auxquels Lost faisait allusion. Et enfin, je me rappelle douloureusement le sentiment de dégoût qui m'a envahi lors du visionnement du dernier épisode. Mais bon, ça m'aura au moins fait lire Sa Majesté des mouches. C'est déjà pas mal.
Sinon, sans vouloir rendre personne jaloux, j'ai été plutôt chanceux en ce qui concerne mes consommations culturelles de 2010. Dans un monde idéal, j'aurais bien aimé voir tout ce qui s'est fait au cours de cette année riche en productions locales, mais les lois de la physique ne me l'ont pas toujours permis. Blâmons donc Einstein, qui aurait dû pousser un peu plus loin ses théories à propos du voyage dans le temps.
Heureusement, j'ai quand même pu profiter d'une faille temporelle afin d'assister à la délirante production des Clowns noirs intitulée Trac: ma vie en théâtrascope. À la fois brillante critique sociale et grosse farce poussée à son paroxysme, cette pièce conçue et interprétée par Patrice Leblanc m'a littéralement fait pleurer de rire. Le pari était risqué, car on se rappellera que Leblanc s'est impliqué dans de nombreux dossiers chauds de l'arène politique; il lui aurait donc été très facile de verser dans l'ouvre purement pamphlétaire. Bien entendu, Leblanc n'a épargné aucune de ses victimes favorites, mais il a su le faire de façon à ce que Ma vie en théâtrascope demeure avant tout une ouvre d'art. Comme quoi on peut passer des messages percutants même en n'ayant que des planches de bois comme partenaires de jeu.
Dans la catégorie de la reconversion la plus profitable de l'année 2010, il faut absolument souligner la mutation du groupe rock The Mockin' Birds. On voit rarement une formation mettre autant de sérieux dans son travail; d'ailleurs, le disque Spread Your Wings en fait foi. Voilà qu'au beau milieu d'été, le chanteur Max Desrosiers nous apprenait que la bande se produirait dorénavant sous le nom de Mordicus et qu'elle prenait un virage francophone. J'ai entendu les nouvelles pièces de Mordicus lors d'un concert presque clandestin cet été et, en toute sincérité, je considère avoir assisté à un grand moment. Il faut croire que je ne suis pas le seul à avoir ressenti cela, car le quatuor a réussi à se hisser jusqu'à la finale de la dernière édition du Festival international de la chanson de Granby. De plus, le public du Festival a élu sa pièce Radio active comme meilleure chanson. Bien que ce soit là une excellente nouvelle pour notre scène locale, elle n'est guère surprenante lorsqu'on connaît le don inouï que possède Mordicus pour créer ces satanées mélodies qui nous restent dans la tête.
J'ignore de quoi aura l'air 2011. C'est triste, mais je n'ai rien d'un Nostradamus. Toutefois, je souhaite à tous les artistes de la région qu'ils puissent créer et diffuser leurs ouvres dans la plus grande liberté qui soit. Je leur dois de bien beaux moments au cours de 2010. J'en dois aussi une quantité impossible à mon petit bonhomme d'à peine quelques mois. Je redécouvre à travers ses yeux le monde qui m'entoure, et malgré la mauvaise foi et les travers de l'Homme, je sais qu'il y aura toujours de la beauté dans nos lendemains.