Le punk est mort
Complètement Martel

Le punk est mort

Il était une fois une version cheap de la contre-culture. Ça a
commencé par quelques disques nébuleux, un réseau de distribution
indépendant, une philosophie se foutant de l'establishment et un
look bien particulier… En fait, ça a commencé de la même façon
que toutes les histoires de contre-cultures. Ça s'est déjà fait
avec des livres ou des films, mais cette fois-ci, c'était par la
musique.

Et puis, en quelques années, la troisième vague du punk, qui
portait déjà l'appellation fade de skate punk, s'est répandue un
peu partout en Amérique, et ce, en défiant toute logique
commerciale. Enfant bâtard d'un courant musical qui avait autrefois
fait littéralement péter les barrières d'une industrie formatée à
outrance, le skate-punk pour sa part, n'a jamais été génial. Rien
de plus qu'un vulgaire placebo.

C'était au cours des années 90 et tout était curieusement trop
propre. La guerre en Irak, les brosses d'une bière dans Watatatow,
les films d'horreur classés général, bref, c'était aussi propre
que le contour de la bolle de toilette de votre tante qui souffre
d'un TOC lié aux tâches ménagères. D'un côté, l'espoir suscité
par l'arrivée du grunge fut de courte durée – les kids se rendirent
rapidement compte que l'industrie les baisait avec élégance. De
l'autre, les Backstreet Boys donnaient envie de gerber à quiconque
n'était pas une préadolescente.

Vos parents vous cassaient les oreilles depuis votre enfance avec
leurs histoires de "j'étais là quand les Beatles ont sorti
Sgt. Pepper's". La télé aussi vous les cassait avec ses
films et ses émissions nostalgiques, où tout laissait croire que
les baby-boomers, eux, avaient eu une jeunesse où il s'était
vraiment passé quelque chose.

Peu à peu, des personnes influentes vous ont mis dans la tête
qu'il y en avait marre du capitalisme et de la société de
consommation. Ça a fait son bout de chemin dans votre esprit,
jusqu'au jour où vous avez senti le besoin de l'exprimer haut et
fort. Vos parents avaient eu leur révolution culturelle; vous aviez
bien le droit d'avoir la vôtre. Vous l'avez demandée et on vous l'a
vendue. Et vous l'avez achetée.

Tout ça aurait pu se faire de façon subtile, mais non. À quoi
bon tenter de cacher que l'on vend de l'eau quand nos clients sont
assoiffés? On vous a suggéré un code vestimentaire au gros prix et
vous avez été preneurs. On vous a concocté une tournée de
spectacles mettant en vedette vos groupes préférés et on lui a
même donné le nom d'une marque de chaussures. Ça aurait été Nike
que vous auriez crié au scandale. Là, c'était Vans et c'était
juste cool.

Et maintenant? Qu'en est-il de cette réplique cheap de
contre-culture qui a su s'imposer en contournant tous les standards
traditionnels du marché? Déjà, au début du mouvement, la plupart
des groupes de la scène skate punk n'avaient qu'à offrir une pâle
imitation de ce que leurs contemporains produisaient. Des sous-NOFX,
il en a plu. Remarquez que, d'un certain point de vue, ça avait son
avantage. Si vous aimiez tel groupe, vous pouviez compter sur 15
autres bands qui produisaient exactement les mêmes trucs.
D'ailleurs, il semblerait que l'idée des pastilles de goût de la
SAQ viendrait de là.

À l'époque où Punk in Drublic et Recipe for Hate
atteignaient les bacs des disquaires, on aurait pu gager que l'envol
du skate punk ne durerait que quelque temps. Pourtant, le mouvement a
plutôt engendré de nouveaux hybrides douteux tels que Blink-182. On
pensait avoir atteint le comble de l'absurdité quand leur musique
s'est retrouvée dans des productions hollywoodiennes, mais c'était
sans compter sur NOS Simple Plan, avec leur toune pour le film
Scooby-Doo.

Voir un tel courant musical récupéré de façon si honteuse par
l'industrie et des artistes sans génie est seulement triste. C'est
désolant, car à l'origine, il y avait du vrai dans tout ça. Avec
les années, le punk est devenu au skate punk ce que le poulet a été
pour le poulet frit Kentucky. La panure a tout simplement fini par
prendre le dessus.

En 1978, Crass annonçait la mort du punk. Trente-trois ans après
ce statement épique, j'ai assisté à l'une des nombreuses
messes anniversaires du punk. Je regardais passivement au concert de
NOFX, et il y avait ces deux types stéroïdés à l'os devant moi
qui se donnaient des accolades tout en parlant de leur gym.

Comme le disaient les défuntes Secrétaires volantes:
"Maintenant, le rock, c'est la santé." Voilà le
vrai visage de la mort du punk.